Le programme économique du Front National au crible (4/5) : logement, l'obsession de la préférence nationale

Par Mathias Thépot  |   |  1564  mots
Le FN propose de détruire les cités construites dans les années 1955 à 1970
Au moment où le Front National vole de record en record dans le sondages, il a semblé opportun à la Tribune de se plonger dans son programme économique histoire de décoder ce qui apparait bien souvent comme des incantations. Des propositions bien souvent approximatives, datées, ou simplement inapplicables. Quatrième volet de notre série : le logement.

Sujet concernant s'il en est pour les Français, le logement a son chapitre dédié dans le programme du Front national. Le parti dirigé par Marine Le Pen y livre une analyse partagée par beaucoup sur la crise du logement en France, mais milite pour se démarquer  pour une refonte de la politique d'attribution des logements sociaux qui souffrirait d'une "préférence étrangère".

La priorité donnée aux français en matière de logements sociaux?

Première des propositions du FN, la "priorité nationale pour le logement social" est l'élément le plus démarquant de son "programme logement". Cette proposition s'inscrit, il faut dire, dans le crédo nationaliste historique du FN.
Il déplore ainsi qu'en matière de logement social

"on assiste parfois à une véritable "préférence étrangère" dans l'attribution des logements sociaux". "L'assistance" apportée par le logement social, peut, selon le parti d'extrême droite, ne doit en aucun cas être étendue aux étrangers en situation irrégulière.

Pour les immigrés en situation régulière, cette "assistance" peut leur être accordée dans des situations précisément définies par la loi, mais pas question d'en faire une généralité.

Les critères d'attribution n'ont rien à voir avec les origines

Dans les faits, si une part importante des habitants des HLM est issue de la diversité, cela ne découle en aucun cas d'une quelconque sorte de discrimination positive.

"Il se trouve que les populations d'origine étrangères se trouvent davantage dans une situation de précarité sur notre territoire", explique Antony Fage, avocat spécialisé dans le droit du logement. "Dire que l'on donne la propriété en France au logement des étrangers est une affirmation biaisée. Aucun élément ne permet d'affirmer que les bailleurs sociaux font une discrimination positive à l'égard des étrangers", assure-t-il. "Les critères d'attribution des logements sociaux sont dans les textes de loi et n'ont rien à voir avec les origines. Ils intègrent les revenus, la composition de la famille, le temps d'attente etc... Et ils sont scrupuleusement respectés par les bailleurs sociaux", constate quotidiennement l'avocat.

Rendre publique la liste des bénéficiaires de logement sociaux?

Pour améliorer la gestion du parc locatif social existant, le FN propose de réaliser un audit des conditions d'occupation actuelles des logements sociaux. Mais aussi "d'assurer la transparence dans les procédures d'attribution des logements sociaux avec la réunion des commissions d'attribution rendues publiques et listes des bénéficiaires disponibles dans les mairies".

Le problème est davantage le manque de logements

Certes, il semble nécessaire de clarifier les processus d'attribution de logements sociaux, mais au-delà de toute considération politique, "le problème de fond n'est pas dans la simplification ou dans la clarification des règles d'attribution des logements sociaux, il réside davantage dans le manque important de logements sociaux", analyse Antony Fage. Une pénurie qui en met certains sur la touche et qui cristallise les aigreurs.

L'autre proposition qui milite pour rendre publique la liste des bénéficiaires de logements sociaux risque de poser un sujet de protection de la vie privée dont le garde fou, la Cnil, risquerait de s'emparer. De surcroît, le gouvernement a intégré récemment une mesure dans son projet de loi pour un accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) qui instaure davantage de transparence en amont du dépôt de candidature, et en aval, en informant le locataire à chaque étape du dossier. Le demandeur aura également accès aux caractéristiques du parc social et le niveau de satisfaction des demandes exprimées sur le territoire qui l'intéresse.

Des dispositifs pour soutenir les primo-accédants?

Pour soutenir l'accession à la propriété, le Front national propose d'instaurer un chèque "premier logement" qui permettrait aux jeunes primo- accédants de bénéficier d'un crédit d'impôt. "Son montant serait défini en fonction des ressources du foyer", écrit le FN.

Certains le souhaitent, d'autres craignent des effets d'aubaine

Des dispositifs de soutien aux primo-accédants existent déjà depuis un certain temps (prêt à taux zéro, prêt à l'accession sociale). Et si certains ont été restreints (fin du PTZ dans l'ancien) et mieux calibrés ces dernières années, c'est avant tout pour éviter les effets d'aubaine à la finalité inflationniste.

Mais en cette période de crise, où les primo-accédants sont exclus du marché de l'accession, beaucoup d'économistes et de professionnels du secteur de l'immobilier militent pour un renforcement des aides publiques aux jeunes actifs souhaitant acheter pour la première fois.

Pourtant, il est légitime de se demander si une politique soutenant coûte que coûte la demande n'empêche pas mécaniquement la baisse des prix des logements. Eux qui sont aujourd'hui trop élevés par rapport au niveau de revenus des Français dans les zones tendues.

Des aides fiscales pour développer le secteur locatif privé

Autre étape du parcours résidentiel des ménages, le logement locatif privé doit aussi être développé, selon le FN. Ce, toujours grâce au soutien constant de l'État.
Le parti milite ainsi pour que les propriétaires de logements bénéficiant d'aides fiscales, comme les dispositifs d'investissement locatif, soient contraints par des contreparties sociales.
Le FN milite en plus pour "une fiscalité modérée des collectivités locales (taxe foncière) qui permettrait de garantir une rentabilité locative attrayante".

Le gouvernement le fait déjà

En substance, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault agit déjà dans ce sens pour soutenir le secteur locatif privé : le dispositif d'investissement locatif dit "Duflot" qui a remplacé le "Scellier" propose déjà des loyers réduits en contrepartie d'avantage fiscaux supérieurs pour l'investisseur particulier. L'exonération de taxe foncière durant 15 ans sera pour sa part appliquée dès 2014 aux investisseurs institutionnels attirés par le logement résidentiel.

Priorité pour les zones rurales et destruction des barres HLM

Ciblant les populations rurales, le FN milite pour que "l'Etat stratège" définisse "une politique d'aménagement du territoire favorisant les programmes immobiliers neufs dans les zones aujourd'hui désertées, rurales en particulier".

En outre, "la politique de l'habitat et des paysages doit être repensée en veillant à l'intégration de l'urbanisme et de l'architecture dans l'environnement naturel et le respect de nos traditions architecturales. Il est impératif d'organiser dans le cadre d'un plan décennal, la destruction des cités construites dans les années 1955 à 1970 et leur remplacement par un habitat de taille et d'esthétique traditionnelles, dans le respect de chartes d'insertion paysagère".

Le risque espagnol

Attention à ne pas multiplier les constructions de logements dans des zones où la demande est faible. Ce type de politique a d'ailleurs coûté beaucoup à l'Espagne notamment, où l'on trouve désormais à plusieurs dizaines de kilomètres des grandes métropoles des villes désertes.
En fait, si l'on veut entreprendre davantage de constructions dans les zones rurales, il faut impérativement en parallèle mener une politique d'urbanisme ambitieuse qui favorise l'émergence de bassins d'emplois et de réseaux de transports en commun efficaces.

Concernant la destruction des cités construites dans les années 1955 à 1970, l'idée fait sens, la question du relogement des familles qui les occupent demeure.

Densifier dans les villes?

Attaché à la sauvegarde des zones cultivables, le FN se rend tout de même à l'évidence sur la nécessité de "modifier les règles d'urbanisation dans les zones denses, telles que les grandes métropoles".

"On ne peut plus exclure le retour à un habitat vertical dans les zones très denses, telles par exemple que Paris et sa première couronne. Il devra s'agir alors d'un Parc immobilier nouveau de qualité, orienté en particulier sur le parc locatif intermédiaire", est-il expliqué dans le programme.

Cécile Duflot s'y attelle

Ce que propose le FN en matière de densité, le ministère du Logement de Cécile Duflot s'y attelle déjà. En accord avec le président de la République, la ministre du Logement a ainsi lancé il y a quelques mois un processus de densification des zones urbaines.
Résultat, des dérogations aux règles d'urbanisme pourront être prises pour faciliter la construction dans les zones tendues.

Elles concerneront principalement l'Île-de-France pour transformer des immeubles de bureaux vacants en logements ainsi que pour surélever des immeubles de logements. La construction de logements sur les "dents creuses" -des immeubles qui ne comportent qu'un ou deux étages et sont insérés entre des bâtiments plus hauts- sera également facilitée sur tout le territoire.

Enfin concernant le logement intermédiaire, il a été remis au goût du jour récemment. Avant même que le statut de ce type de logement destiné aux classes moyennes ne soit créé par voie d'ordonnance, le projet de loi de finances 2014 donne déjà des avantages fiscaux (TVA à 10% et exonération de taxe foncière pendant 15 ans) aux investisseurs institutionnels qui accepteront de louer des logements à des prix inférieurs à ceux du marché.

______

>>> Lire aussi  Les Français et le Front National dans la perspective des élections municipales de 2014