EXCLUSIF Projet de loi sur la lutte contre les entreprises favorisant la prolifération nucléaire

Un projet de loi accroît fortement les sanctions contre les entreprises exportant illégalement du matériel. Un service a été créé à Bercy pour répondre rapidement aux demandes d'autorisation d'exportation de produits « sensibles ».

Plusieurs mesures gouvernementales contre la prolifération nucléaire, dont un projet de loi, vont directement toucher les entreprises françaises. Avec les essais nord-coréens mais surtout la victoire au premier tour de Mahmoud Ahmadinejad à l?élection présidentielle iranienne du vendredi 12 juin, les préoccupations des pays occidentaux grandissent devant les menaces engendrées par le développement des programmes nucléaires de ces deux pays. Notamment les risques de dissémination ? c?est le terme officiel ? en direction d?organisations terroristes.

Ces dernières semaines, la France a pris un certain nombre de décisions pour accroître sa capacité de lutte contre la prolifération nucléaire, et d?abord contre l?exportation de biens à double usage, ces produits qui peuvent être utilisés indifféremment dans l?industrie civile comme dans la production d?armes nucléaires. Exemple : ces valves utilisées dans l?industrie pétrochimique qui sont aussi indispensables pour la mise sous vide dans une usine fabriquant du plutonium à usage militaire. Ces mesures menacent les entreprises exportatrices illicites d?un gros bâton tout en accordant une belle carotte à celles qui commercent légalement.

Côté bâton, un projet de loi a été déposé en toute discrétion à l?Assemblée nationale le 6 mai 2009. Il rapproche les moyens juridiques de lutte contre la prolifération de ceux permettant de combattre le terrorisme, dont l?efficacité a été prouvé. Le texte de ce projet de loi "relatif à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs" - tel est son nom exact peut être consulté en cliquant ici. Il renforce considérablement les sanctions contre les entreprises exportant illégalement des biens destinés à l?industrie nucléaire des pays proliférant et dont la liste ? un gros livre - est définie au niveau international.

Le projet de loi crée un délit d?association de malfaiteur en relation avec une action proliférante. Les exportateurs illégaux risquent jusqu?à trois ans de prison et des amendes représentant jusqu?à trois fois la valeur du bien exporté. Auparavant, seules des amendes douanières les frappaient pour sanctionner la simple contrebande. De plus, l?instruction des affaires sera centralisée au parquet anti-terroriste, par des magistrats durs et aguerris aux affaires internationales. Ils confient volontiers les enquêtes à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, l?ex-DST) qui dispose de tous les contacts dans le monde entier pour boucler rapidement les dossiers en vérifiant l?élément intentionnel. Avec ce projet de loi, la France se met à niveau de la législation des autres pays occidentaux.

A côté, l?administration offre une belle carotte aux entreprises honnêtes. Les entreprises pouvaient légitimement protester contre les longues démarches nécessaires pour obtenir le droit d?exporter légalement ces biens à double usage. En Allemagne, un service, le BAFA, emploie une centaine de personnes pour instruire avec célérité les dossiers d?exportation. Conséquence, les marchés légaux d?export de biens à double usage passaient souvent sous le nez des entreprises françaises. Sur le modèle allemand, une Mission chargée des contrôles à l?exportation des biens et technologies à double usage a été créé, début 2009, à la Direction générale de la compétitivité de l?industrie et des services de Bercy, avec trois fonctionnaires. Il devraient rapidement atteindre la vingtaine. Les délais d?examen des licences d?exportation devraient se réduire rapidement, facilitant la conclusion des contrats.

Les deux services majeurs dans la lutte contre la prolifération, d?abord la DCRI et les douanes, lancent une vaste campagne d?information auprès des industriels. Ainsi, la DCRI a expliqué aux industriels de la robotique et à ceux des industries électriques et électroniques avant ceux de l?aéronautique, les subtilités des volets répressif et de renseignement de la lutte contre la prolifération. Les gendarmes, largement dépassés en raison de la faiblesse de contacts internationaux, ont été inclus dans le dispositif d?information : ils se chargent des transporteurs routiers.


110 à 120 filières d?exportation illégale démantelées chaque année

Chaque année, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) démantèle entre 110 et 120 filières d?exportation illégale de produits destinés à l?industrie nucléaire de pays proliférants, au premier rang desquels figurent l?Iran et la Syrie. La DCRI, qui dispose d?un service spécial de lutte contre la prolifération nucléaire, y parvient par un long travail de renseignement en surveillant certaines entreprises de la diaspora iranienne ou syrienne, en surveillant les commandes qu?elles passent. Mais aussi en gardant un ?il attentif sur les entreprises françaises ayant par le passé exportées illégalement. La DCRI bénéficie également de renseignements fournis par ses homologues étrangers.
 

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