Bagdad ouvre sa manne pétrolière aux étrangers

La coopération étrangère devrait doper la production nationale, qui pourrait passer de 2,5 millions à 4 millions de barils par jour.

Le gouvernement irakien devait rendre public avant mardi soir le résultat des enchères ouvertes aux compagnies pétrolières internationales, pour l'attribution très convoitée de contrats de développement concernant six champs pétrolifères et deux champs gaziers parmi les plus importants d'Irak. Pour cause de forte tempête de sable, qui a empêché les représentants des compagnies pétrolières d'atterrir à Bagdad, l'opération a été reportée à mardi et pourra se poursuivre jusqu'à mercredi si nécessaire, selon les autorités. Toujours est-il que l'événement est historique, la production pétrolière étant nationalisée depuis 1972, et les grandes firmes entendent bien en profiter. Trente et une d'entre elles se sont lancées dans la course, avec, au premier rang, les majors américaines Chevron et Exxon, les européennes Total et Shell, la russe Lukoil et la chinoise Sinopec. L'enjeu est de taille, puisque avec ses 115 milliards de barils, le sol irakien détient les troisièmes réserves avérées de la planète. C'est aussi une formidable opportunité pour l'économie irakienne. Jusqu'à présent, le développement des champs pétrolifères existants était assuré par les compagnies nationales irakiennes : la coopération étrangère devrait permettre de porter la production nationale de 2,5 millions à 4 millions de barils par jour, le gouvernement visant, grâce à l'exploitation de nouveaux champs, une production de 6 millions de barils d'ici cinq ou six ans. Cette montée en puissance, et plus encore, le redressement récent du prix du baril vont redonner au pouvoir irakien des marges de manœuvres budgétaires, indispensables pour financer la reconstruction du pays. L'Irak devrait ainsi dégager quelque 1.700 milliard de dollars sur les vingt prochaines années.

Un ticket d'entrée

Reste que le projet pétrolier est loin de faire l'unanimité au sein d'une administration réticente à céder le contrôle des réserves à des mains étrangères. La nouvelle loi sur le pétrole n'a toujours pas été votée : elle est actuellement en cours d'examen devant le Parlement. Bagdad a décidé de ne pas attendre son adoption pour ouvrir les appels d'offres : le premier cycle concerne les puits existants et le second, programmé pour la fin d'année, portera sur des nouveaux champs. "Ces enchères sont lancées sans l'accord du Parlement, explique Nathalie Fustier, chercheuse à la Compagnie européenne d'intelligence stratégique. Les entreprises qui s'installeront peuvent craindre un retournement politique qui menacera leur stabilité." Les sociétés gagnantes remporteront des contrats d'une durée de vingt ans, devront chacune payer un ticket d'entrée de 2,6 milliards de dollars et se contenter d'une rémunération minimum, sous forme d'un honoraire fixe par quantité extraite.

"Pour l'heure, il s'agit de contrats de service, la prise de participation n'étant pas encore envisageable", précise un diplomate français. Les conditions sont donc difficiles pour les entreprises, d'autant que malgré l'amorce du retrait d'Irak des troupes américaines, elles doivent toujours faire face à l'insécurité. Mais "les majors n'ont pas d'autre choix que de tenter le coup…", résume Nathalie Fustier.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.