L'OCDE voit une reprise mondiale modeste et s'inquiète du grand emprunt français

La reprise économique sera "modeste" dans les pays développés qui devraient renouer avec la croissance en 2010 (1,9%) et en 2011 (2,5%), en dépit de "forts vents contraires", notamment sur le front de l'emploi, selon les nouvelles prévisions de l' OCDE publiées ce jeudi. L'OCDE s'inquiète par ailleurs des effets du grand emprunt sur les finances publiques françaises.

La reprise économique qui gagne les pays de l'OCDE reste trop timide pour mettre fin à l'aggravation persistante du chômage, estime l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) ce jeudi dans ses dernières Perspectives semestrielles. Le taux de chômage devrait atteindre son plus haut niveau au premier semestre de 2010 aux Etats-Unis, mais il faudra sans doute attendre 2011 pour qu'il commence à baisser dans la zone euro.

La reprise est hésitante parce que les ménages et les entreprises règlent leurs problèmes financiers et réduisent leur dette, ce qui freine l'activité économique, selon l'OCDE. Compte tenu de ce manque de dynamisme de la reprise et des surcapacités considérables, l'inflation devrait encore ralentir sur une grande partie de l'année 2010.

Pour l'OCDE, la Chine est aux avant-postes de la reprise mondiale, du fait qu'elle a été assez peu exposée à la crise financière et qu'elle a lancé un plan massif de relance.

Les Etats-Unis connaissent une reprise à la faveur des mesures de relance prises par ses autorités, du redressement des échanges mondiaux suscité par la demande croissante des grandes économies émergentes, de la reconstitution de stocks par les entreprises et de la stabilisation du marché du logement. Le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis devrait s'accroître de 2,5 % en 2010, et encore de 2,8% en 2011, selon l'OCDE.

De son côté, l'activité dans la zone euro bénéficiera des mêmes facteurs de croissance que les Etats-Unis, mais les dispositifs de partage du travail et les autres éléments qui ont contribué à préserver de nombreux emplois durant la crise pourraient également freiner le rythme des créations d'emplois au cours des prochains mois. En conséquence, la confiance des ménages devrait rester faible, ce qui pourrait nuire à la vigueur de la reprise. L'économie de la zone euro devrait connaître l'an prochain une croissance de 0,9%, qui passera à 1,7% en 2011.

Le Japon devrait bénéficier de la vive croissance du reste de l'Asie, mais la faiblesse de la demande intérieure continuera de limiter l'activité. Il faut s'attendre à une déflation persistante, prévient l'OCDE. L'économie japonaise devrait connaître une croissance de 1,8% en 2010 et de 2% en 2011.

"La bonne nouvelle est qu'une reprise - même si elle reste faible - est en cours", a commenté le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurría. Il a néanmoins ajouté : "avec des millions d'emplois perdus et des budgets publics mis à rude épreuve, les pouvoirs publics devront procéder avec précaution au cours des mois à venir. Le retrait des mesures de relance est impératif mais doit se faire graduellement de manière à éviter de compromettre la reprise".

Comme l'a indiqué Jorgen Elmeskov, économiste en chef par intérim de l'OCDE, "des mesures sans précédent semblent avoir réussi à limiter la gravité de la récession et à enclencher une reprise à un point que l'on attendait quasiment pas il y a six mois (...) Il est à présent temps d'organiser la stratégie de sortie de la crise, même si sa mise en œuvre sera progressive.

L'économiste a également insisté sur les dommages budgétaires dus à la crise. La dette brute de la plupart des pays de l'OCDE pourrait dépasser leur PIB en 2011. Si l'on veut maîtriser l'évolution des finances publiques, il faudra des mesures substantielles dans la plupart des pays, et des mesures drastiques dans certains d'entre eux. Jorgen Elmeskov a ajouté à cet égard que les réductions de dépenses ou les hausses d'impôts ne devaient pas se faire à un rythme ou dans des domaines susceptibles de nuire à la reprise. "Il faudra des mesures radicales durant les prochaines années pour revenir à un bon équilibre macroéconomique, à une croissance saine et à un faible chômage, a déclaré l'économiste. "C'est seulement lorsque nous en serons là que nous aurons entièrement surmonté la crise."

Le grand emprunt français ne convainc pas l'OCDE

La France a mieux résisté à la crise que ses partenaires de la zone euro mais le paye au prix d'une détérioration de ses finances publiques que le "grand emprunt" n'arrangera pas, estime l' OCDE. Elle estime à 2,2% la contraction du PIB cette année, un chiffre du même ordre que la prévision du gouvernement (-2,25%) et qui se compare à une récession de 4% dans l'ensemble de la zone euro et de 4,9% en Allemagne. Le pays, sorti de récession dès le deuxième trimestre 2009, devrait ensuite afficher une croissance molle de 1,4% en 2010 et 1,7% en 2011 qui sera insuffisante pour enrayer la montée du chômage, prévoit l' OCDE.

Le taux de chômage, de 9,1% sur l'ensemble de 2009, devrait ainsi s'établir à 9,9% en moyenne en 2010 puis culminer à 10,1% en 2011 tandis que la consommation privée continuerait de montrer des signes de faiblesse (+0,3% en 2010 après 0,6%).

Pour ne pas mettre en péril cette reprise fragile, l' OCDE recommande la poursuite en 2010 d'une politique budgétaire expansionniste mais s'inquiète de la dérive des comptes publics. Hors grand emprunt, le déficit public de la France, déjà supérieur en 2008 à la limite de 3% du PIB fixée par le traité de Maastricht, devrait atteindre 8,2% du PIB cette année puis culminer à 8,6% en 2010 tandis que la dette publique dépasserait les 90% du PIB, selon le rapport. Le déficit représenterait encore 8% du PIB en 2011, rendant peu crédible l'engagement de la France de le ramener sous les 3% en 2014.

"Les finances publiques ont payé un lourd tribut à la crise financière et à la récession qui l'a suivie", écrit encore l' OCDE. Si l'organisation reconnaît que les politiques macroéconomiques ont soutenu l'activité en 2009 et devraient encore le faire en 2010, elle regrette que certaines mesures "creusent durablement le déficit structurel" comme la baisse de la TVA dans la restauration ou la mise en place du revenu de solidarité active (RSA).

De même, l' OCDE juge "bienvenue" la suppression de la taxe professionnelle mais s'interroge sur le bien-fondé du "grand emprunt" dont l'ampleur, la structure et le mode de financement seront fixés ce jeudi. "Une telle mesure risque d'être procyclique, dans la mesure où elle interviendra trop tard pour contribuer à la reprise et rendra encore plus difficile l'indispensable assainissement des finances publiques", affirme le rapport.

Pour l' OCDE, les investissements d'avenir devraient être financés "par des coupes dans des postes de dépenses moins 'productives' ou par une hausse de la fiscalité sur les successions et les biens immobiliers, comme cela est envisagé actuellement." "Les circonstances économiques actuelles devraient être mises à profit pour définir une stratégie de sortie de crise pluriannuelle solide et crédible".

Ultérieurement, de nouvelles mesures structurelles telles qu'une poursuite de la réforme des retraites seront nécessaires pour enrayer et inverser la tendance à l'augmentation de la dette publique à long terme, selon l'OCDE.

 

(retrouvez le communiqué de l'OCDE).

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