Tunisie : le président du Parlement assurera l'intérim

C'est la décision du Conseil constitutionnel tunisien qui a demandé une nouvelle élection présidentielle d'ici deux mois. A Tunis, l'armée est déployée dans les rues. Le président en fuite Ben Ali a trouvé refuge en Arabie saoudite.
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Le Conseil constitutionnel tunisien a constaté samedi la vacance de la présidence et estimé qu'en vertu de la loi fondamentale tunisienne, il revenait au président du parlement, et non pas au Premier ministre, d'assumer l'intérim. Il a indiqué par ailleurs qu'une nouvelle élection présidentielle devait se tenir dans les 60 jours.
"Le Conseil constitutionnel annonce que le poste de président est définitivement vacant. Aussi devons-nous invoquer l'article 57 de la Constitution, qui stipule que le président du Parlement assume l'intérim de la présidence et prévoit des élections dans une période comprise entre 45 et 60 jours", a déclaré Fethi Abdennadher, président du Conseil constitutionnel, à la télévision nationale. Fouad Mebazaa, président de la Chambre des députés, a donc prêté serment samedi dans l'après-midi et confié à Mohamed Ghannouchi la tâche de former un gouvernement de coalition. Honorant sa promesse de la veille, où, comme éphémère président provisoire, il avait promis de consulter les leaders de l'opposition, ce dernier a accepté de diriger une coalition jusqu'à l'organisation du scrutin, a révélé un des leaders de l'opposition.

Vendredi soir, Mohamed Ghannouchi, Premier ministre depuis 1999, était en effet apparu à la télévision nationale en s'était présenté comme le président par intérim, en déclarant que le président Zine el Abidine ben Ali n'était temporairement pas en mesure d'assumer ses fonctions. Ce dernier est arrivé dans la nuit de vendredi à samedi en Arabie saoudite, alors que la France semble avoir refusé de l'accueillir. Accompagné de sa femme, il y restera pour une durée indéterminée.

Tunis restait étroitement quadrillée samedi par la police et l'armée au lendemain des violentes émeutes qui ont couronné un soulèvement contre le régime déclenché par le suicide, dans la ville centrale de Sidi Bouzid, d'un jeune diplômé que le chômage avait réduit à devenir marchand des quatre saisons. Des barrages de l'armée interdisaient l'accès à l'avenue Habib Bourguiba, la principale artère de la capitale, où les portraits géants de Ben Ali ont été décrochés symboliquement de la façade du siège de son puissant Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti qui monopolise le pouvoir.

Cette "Révolution du jasmin", comme l'a surnommée la jeunesse tunisienne qui en a été le moteur, n'a à aucun moment brandi l'étendard de l'islamisme, contre lequel Ben Ali était considéré comme un rempart par des pays occidentaux qui ont, du coup, longtemps fermé les yeux sur ses atteintes aux libertés publiques.

On ignore pour l'instant si ces dispositions parviendront à calmer les manifestants, descendus dans la rue ces dernières semaines pour crier leur colère contre la pauvreté, le chômage et la répression. L'annonce jeudi soir par Ben Ali qu'il quitterait le pouvoir en 2014 n'avait déjà pas suffi à éteindre la colère des opposants, qui sont descendus encore plus déterminés dans les rues du pays vendredi.
En réaction, le président avait décrété l'état d'urgence et imposé un couvre-feu nocturne avant de partir en exil. Il se trouve désormais dans la ville saoudienne de Djeddah, selon un responsable saoudien interrogé par Reuters.
Dans le monde arabe, d'autres régimes pourraient interpréter le sort de Ben Ali comme un avertissement, jugent des observateurs, qui soulignent les similitudes dans la situation de plusieurs pays avec des populations jeunes confrontées à des difficultés économiques.
"La chute de Ben Ali constitue le premier effondrement d'un régime autocratique en raison d'un soulèvement populaire dans le monde arabe", a remarqué la société américaine Stratfor, spécialisée dans l'évaluation des risques politiques.
La situation affecte l'économie tunisienne, fondée en partie sur le tourisme. L'agence de voyages Thomas Cook a annoncé l'évacuation de près de 4.000 clients venus dans les stations balnéaires prisées de Tunisie.

L'état d'urgence, avec instauration d'un couvre-feu, a été décrété et l'armée a pris le contrôle de l'aéroport de Tunis Carthage, tandis que l'espace aérien a été fermé. Air France a de son côté annoncé suspendre tous ses vols vers le pays. Le Quai d'Orsay conseille vivement aux personnes qui souhaitaient se rendre sur place de différer leur voyage. Les voyagistes Thomas Cook et TUI ont enfin commencé à rapatrier plusieurs milliers de touristes allemands, britanniques, irlandais ou belges.

Sur le plan économique, l'agence de notation Fitch a annoncé ce vendredi qu'elle envisageait d'abaisser la note de la dette à long terme du pays (actuellement fixée à "BBB") au vu des troubles sociaux actuels.

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