Les statistiques publiées par le Trésor américain montrent une modification assez substantielle de la proportion des 3 200 milliards de dollars de réserves de change chinoises investies dans les bons du Trésor libellés en dollars. A fin juin 2011, 54% des réserves chinoises étaient investies en T Bonds, le taux le plus bas depuis 10 ans, comme le relève le Wall Street Journal dans son édition du 2/4 mars 2012. Les achats de titres souverains américains n'ont représenté que 15% de l'augmentation des réserves chinoises sur un an (juin 2010-juin 2011), contre 45% pour les douze mois précédents et une moyenne de 63% au cours de ces cinq dernières années. Au 30 juin 2011, la Chine détenait pour 1 730 milliards de dollars de titres souverains, soit une augmentation de 115 milliards de dollars en un an, alors que les réserves de change de la Chine ont augmenté de 30% en 2011, soit 743 milliards de dollars de plus. Du coup, beaucoup de spéculations sont relancées sur les raisons de ce qui apparaît bel et bien comme une modification de la stratégie d'investissement de la très secrète State Administration of Foreign Exchange (SAFE).
Une décision de bon sens
Il existe des raisons objectives pour que la Chine diminue son exposition à la dette américaine: rendements faibles, vulnérabilité par rapport à la façon dont l'Administration américaine gère sa dette et les conflits de politique intérieure que cette gestion provoque, volonté de diversification des actifs...Sans parler des considérations politiques, qui ne sont jamais vraiment absentes dans ce genre de dossier. On sait que les tensions sont fortes entre les Etats-Unis et la Chine sur un certain nombre de sujets ( l'influence en mer de Chine du sud, conflit sur la valeur du yuan, attitude très hostile du Congrès sur les questions commerciales...). Pour autant, cette inflexion de la politique du SAFE ne met pas en danger le refinancement de la dette des Etats-Unis. La demande d'obligations d'Etat en provenance d'investisseurs étrangers reste forte. Ces derniers ont augmenté leurs avoirs en dollars de 17% entre juin 2010 et juin 2011, à 12 520 milliards de dollars.
L'euro et le yen dans le cercle vertueux
Même si les chiffres précis de la répartition des avoirs chinois sont difficiles à obtenir et donc à interprêter, les experts estiment que la baisse des investissements en dollars a d'abord profité à la zone euro. Les dirigeants chinois ont maintes fois répété ces derniers mois qu'ils étaient prêts à pariticiper à la consolidation de la zone euro, et apparamment, ils ont joint le geste à la parole. On sait que Klaus Regling, le directeur général du FESF s'est rendu à Pékin en octobre 2011 où il a eu des réunions avec les dirigeants du SAFE.
On sait également que la zone Asie (hors Japon), a représenté entre 14 et 24% des acquisitions des 13 milliards d'euros de titres émis par le FESF au cours du premier semestre de 2011. Ce sont des chiffres encore très faibles, mais on ne sait pas combien le SAFE a acquis de titres allemands...ou français. L'autre grand "bénéficiaire" des acquisitions chinoises semble être le Japon, et ce n'est certainement pas étranger à la hausse du yen ces derniers mois, qui pose de réels problèmes à la Banque du Japon, car cette surévaluation compromet la compétitivité des entreprises japonaises.