Pourquoi l'Espagne veut donner des moyens illimités au MES

Le ministre espagnol des Affaires étrangères veut donner plus que 500 milliards d'euros au MES. Une proposition qui risque de déplaire outre-Rhin.
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C'est une proposition qui fait grincer des dents outre-Rhin. Après sa rencontre, ce mercredi, avec son homologue français, le ministre des Affaires étrangères espagnol, Manuel Garcia-Margallo a estimé qu'il fallait donner une force de frappe illimitée au Mécanisme européen de Stabilité (MES). Et de critiquer vivement le fonctionnement actuel du MES : limité, selon lui, dans les fonds qu'il peut lever sur les marchés et dans sa prise de décision. Madrid fera une proposition dans ce sens en juillet à ses partenaires européens.

Provocation à l'égard de l'Allemagne ?

Au moment où la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe planche sur la légalité du programme de rachat des obligations souveraines de la BCE (le fameux programme OMT), ces déclarations sonnent outre-Rhin comme une provocation. Il est, du reste, intéressant de remarquer que si la presse allemande relève avec inquiétude cette proposition, la presse espagnole, elle, ne l'évoque pratiquement pas.

Ce dont dispose le MES

Jusqu'à présent, le traité établissant le MES prévoit une capacité de prêt de 500 milliards d'euros pour un capital autorisé qui peut monter jusqu'à 700 milliards d'euros. En clair, ceci signifie que le MES est autorisé à lever jusqu'à 620 milliards d'euros sur les marchés (il dispose d'un capital propre de 80 milliards d'euros) pour prêter 500 milliards d'euros. Une somme déjà largement entamée.

Ce qu'il a déjà dépensé

Car ces 500 milliards prennent en effet en compte l'encours des aides du FESF. Pour le moment, le FESF a prêté 123,1 milliards d'euros à Athènes, 12,1 milliards d'euros à Dublin et 18,2 milliards d'euros à Lisbonne, soit 153,4 milliards d'euros qui sont à déduire de la capacité de prêt du MES. Reste donc 346,6 milliards d'euros auxquels il faut retirer les 39,5 milliards d'euros prêtés par le MES à Madrid pour renflouer ses banques et les 2 milliards d'euros versés le 13 mai à Chypre. En tout, 41,5 milliards d'euros de moins. Le MES a donc désormais une capacité d'emprunt de 305,1 milliards d'euros. Mais il s'est engagé bien au-delà : il doit encore versé 19,9 milliards d'euros à Athènes et 7 milliards d'euros à Chypre. Par ailleurs, 100 milliards d'euros ont été ouverts en tout pour la recapitalisation des banques espagnoles. Il reste donc 60,5 milliards d'euros « offerts » à Madrid. Le total des engagements du MES se montent donc à 281,8 milliards d'euros. Et il ne lui reste donc une capacité d'emprunt de 218,2 milliards d'euros.

Assez ou pas assez ?

En théorie, cette somme est évidemment trop faible pour stopper une attaque contre la dette espagnole ou italienne. Comme les tensions sur les taux se sont calmées depuis la mise en place de l'OMT, elle est devenue largement suffisante aux yeux des marchés. Ce qui fut un temps une des principales inquiétudes des investisseurs est devenu un sujet secondaire.
La proposition de Manuel Garcia-Margallo est donc étonnante. D'autant que le MES a théoriquement la possibilité d'augmenter son capital. L'article 10-1 du traité prévoit ainsi que le conseil des gouverneurs du MES « réexamine régulièrement et au moins tous les cinq ans la capacité de prêt maximale et l'adéquation du capital autorisé du MES. » Le MES dispose donc d'une force de frappe illimité, comme le souhaite le ministre espagnol. Sauf évidemment que cette décision devra passer par le feu vert du représentant allemand au conseil des gouverneurs (le ministre fédéral des Finances) qui dispose d'un veto de fait. Or, celui-ci ne peut constitutionnellement se prononcer sans l'accord explicite du Bundestag. Ce que voudrait Madrid, c'est que l'on se passe de cette procédure.

Doutes persistants sur les banques espagnoles

Cette proposition espagnole n'est pourtant pas si absurde. Il reflète les doutes sur la situation des banques espagnoles. La presse madrilène bruisse depuis quelques jours de rumeurs indiquant que le gouvernement Rajoy pourrait demander l'allongement et, peut-être, l'élargissement de la ligne de crédit ouverte par le MES pour la recapitalisation bancaire. Madrid voudrait-il s'assurer que le MES reste un instrument disponible pour cette recapitalisation. Ce serait alarmant, car on sait finalement encore peu de chose sur les besoins en capital des banques espagnoles. Seraient-ils supérieurs aux 218 milliards d'euros encore à disposition du MES ? Cette proposition sème le doute...

Négociations sur l'union bancaire au c?ur du problème

D'autant que cette proposition ne peut être comprise sans avoir en tête les négociations actuelles sur l'union bancaire. En théorie, la mise en place d'une supervision bancaire unique en Europe doit pouvoir ouvrir la voie à une aide directe du MES aux banques européennes. Evidemment, pour cela, il convient que la capacité de prêt du MES soit suffisante. En réclamant un MES plus fort, l'Espagne souligne que l'union bancaire, pour être efficace, devra être doté d'une force de frappe suffisante.

C'est ici une opposition centrale avec Berlin et ses alliés qui voudraient une union bancaire allégée, où le MES ne pourrait agir que sur les dettes contractées après la mise en place de la supervision commune et qui, de plus, serait repoussée aux calendes grecques par la rédaction d'un nouveau traité. Dans cette vision, l'augmentation du MES n'est pas nécessaire. C'est d'ailleurs une des raisons principales qui fait que l'Allemagne s'oppose à l'union bancaire dans sa vision espagnole : elle met en danger l'argent des contribuables allemands. Madrid voudrait que le MES puisse s'extirper de cette logique interne allemande pour le rendre efficace. Mais Berlin refuse toujours tout chèque en blanc qui lèverait l'incitation des pays membres à « balayer devant leurs portes. » En réalité, malgré l'apaisement actuel sur les marchés de la dette, la question de fond sur les déséquilibres au sein de la zone euro restent posés.
 

Commentaires 12
à écrit le 26/06/2013 à 7:33
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Nouvelle étape dans la construction européenne : l'Union Bancaire Pourquoi l'Europe cherche à se doter d'une Union Bancaire? Comment fonctionnerait-elle? Quels sont les enjeux? Quelles sont les limites et les effets pervers? http://www.leconomiste....

à écrit le 14/06/2013 à 15:35
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Mr Godin, vous devriez aller sur le site de banque d'espagne et vous pourriez constater que les banques espagnoles ont un taux de défaut sur les encours de crédits de 10.4% soit +/- 184 milliards. A noter que le lorsque l'on dépasse un taux de défaut...

à écrit le 14/06/2013 à 14:41
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ça apprendra aux espagnols de vouloir tous devenir propriétaire ( en réalité bancataire ), ils sont contents de leur épave thermique à 50 kilomètres en banlieue achetée 250 000 euros avec apport de la famille et crédit sur 30 ans

à écrit le 14/06/2013 à 14:21
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On à d'un côté les cigales qui demandent un MES ou des Eurobons illimités car c'est pas eux qui payeront l'addition finale et même en seront les bénéficiaires. De l'autre la fourmi (l'Allemagne principalement) qui fantasme pas à payer par solidarité ...

à écrit le 14/06/2013 à 14:03
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Et qui paye le MES...??? question idiote...le contribuable...alors allons y messieurs les politiques...

à écrit le 14/06/2013 à 13:04
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On peut tourner et retourner le problème dans tous les sens,on revient toujours au point de départ,que fait la Gréce,le Portugal,l?Espagne,la France,;l'Italie dans cette zone euro non calibrée pour leurs économies aussi diverses et variés.

à écrit le 14/06/2013 à 12:20
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Quelle presse allemande prend notice de cette proposition ? Cette proposition est consternante car Monsieur fait le paillasse (l'article le dit), en plus il l'adresse au porte-bannière du Club Med. (Il faut demander les 500 mrds +++ au contribuables ...

à écrit le 14/06/2013 à 9:59
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les francais aussi veulent donner des moyens illimites pour se voter la retraite a 50 ans pour tous payee par eurobonds ou mes !

à écrit le 14/06/2013 à 9:54
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Cet article est bourré de fautes (orthographe et conjugaisons). Romaric Godin à-t-il eu son bac ? Pire, LaTribune ne fait pas relire les articles avant publication ? Manque total de sérieux ce journal, aussi bien sur le fond que sur la forme... Et ap...

le 15/06/2013 à 23:16
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Certes, mais pour prétendre à corriger les fautes des autres encore faut-il ne pas en faire soi-même, que l'on s'adresse à un journaliste ou à un simple lecteur; parce que sinon la critique ne vaut rien (oui oui, autant se taire). Cordialement

à écrit le 14/06/2013 à 9:04
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Pas trop surprenant ce n?est pas l?Espagne qui finance le MES mais en grande partie l?Allemagne Les conseilleurs ne sont pas les payeurs !!!

à écrit le 14/06/2013 à 8:03
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Arrêtez svp les fautes d orthographe dans vos articles. Ça ne semble pas très difficile pour un journal à destination de cadres dirigeants Merci

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