Au PS, les Strauss-Kahniens seraient-ils en train de perdre patience ? Son principal lieutenant, Jean-Christophe Cambadélis, a en tout cas rompu avec le flegmatisme affiché jusqu'à présent par les partisans de l'ancien ministre de l'Economie en laissant paraître son irritation devant la multiplication des candidatures socialistes avant la présidentielle de 2012. "A gauche, la machine à perdre est de retour", écrivait-il lundi dernier sur son blog alors que paraissaient deux sondages moins étincelants pour l'homme de Washington.
"Pourquoi voulez-vous qu'il y ait de la fébrilité ?" nuance Christophe Borgel, membre de la direction du PS et du cercle des partisans de Dominique Strauss-Kahn. "Les journaux théorisent à bloc sur la panne, la chute, la glissade mais ça ne correspond pas à la réalité", assure-t-il, certain du "capital crédibilité inchangé" de son candidat.
Le patron du Fonds monétaire international est tenu à la plus stricte réserve sur la politique intérieure, même s'il ne peut prétendre à un deuxième mandat après 2012, le poste étant tacitement promis à un ressortissant d'un pays émergent. Mais les présidentiables lancés, avant le top départ de juillet, dans la primaire socialiste s'engouffrent dans la brèche. Pour Rémi Lefebvre, professeur de sciences-politiques à Reims et spécialiste du PS, le silence de Dominique Strauss-Kahn est en train de se retourner contre lui. "Jusqu'à maintenant, moins il parlait plus il montait", dit l'universitaire, pour qui l'ancien candidat à la primaire "battu sans faire d'étincelles" par Ségolène Royal en 2006 s'est "refait une virginité" grâce à son départ à Washington.
"Aujourd'hui, on est sans doute entré dans une phase de lassitude. Il n'est plus au top par le simple fait de ne pas parler et subit la pression de ses rivaux", ajoute-t-il. Jean-Christophe Cambadélis s'amuse de ce jugement: "Vous pensez vraiment que s'il se mettait à parler, les polémiques s'arrêteraient sur son compte ?", demande-t-il en appelant tous les ténors socialistes à la réflexion. "On doit être candidat si, et seulement si on pense pouvoir battre Nicolas Sarkozy. Il faut que tout le monde se demande ce s'il apporte au collectif ou s'il accroît la division", dit-il.
Ces primaires sont un vrai casse-tête pour le PS
Le secrétaire national chargé des sondages, François Kalfon, reconnaît qu'un "semestre de tous les dangers" attend le PS et pas seulement l'ancien ministre de l'Economie de Lionel Jospin.
"Chacun va s'étalonner individuellement mais il ne faudrait pas qu'on s'étale collectivement", souligne-t-il. Les Strauss-Kahniens ont tenté en vain de retarder la bataille officielle, réclamant le report des candidatures à la primaire à l'automne, ce qui offrait trois mois de réflexion supplémentaire à leur champion.
Ils n'hésitent plus aujourd'hui à critiquer ces primaires, dont l'organisation s'avère un casse-tête. "Il faut mettre fin au caractère faussement ludique des primaires qui autorise tout le monde à se porter candidat et à taper sur tout le monde", déclaré le député Jean-Marie Le Guen, visant autant les critiques de Manuel Valls sur la semaine de 35 heures que les commentaires peu amènes de Ségolène Royal sur le manque d'appétit présidentiel de Dominique Strauss-Kahn.
La situation pourrait se décanter au printemps
Certains reconnaissent que les choses pourraient s'accélérer au printemps pour le patron du FMI. "Attendre juillet pour dire qu'il n'y va pas, ça ne serait pas faire preuve de responsabilité", estime un cadre. En clair: si, au printemps, le directeur général du FMI n'a pas jeté l'éponge officiellement, on pourra considérer qu'il a décidé d'être candidat.
Jean-Christophe Cambadélis dément ce scénario. "Beaucoup pensent que plus il tarde à dire non c'est qu'il dira oui mais nous ne sommes pas dans ce schéma-là. L'échéance, c'est juillet", explique-il. La député Marisol Touraine abonde dans le même sens. "Il y a un G8 en mai à Deauville. Personne ne comprendrait que Dominique Strauss-Kahn détale devant ses responsabilités.", souligne-t-elle, sans démentir qu'après cette date tout est possible.