L'affaire DSK, une émission de télé-réalité grandeur nature

Par Arnaud Marion, spécialiste de gestion de crises (Trans Consul International)
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Curieux printemps où les télévisions ont eu à gérer sans le prévoir une émission de télé-réalité grandeur nature, pour une fois sans en avoir écrit le script, pendant sept jours non stop.

Pourtant le plan de communication était parfait : un triptyque savamment organisé avec "Un an avec DSK", les 30 ans du 10 mai à la Bastille, et le tâcle final avec "La Conquête" de surcroît présenté à Cannes. La gauche pensait vivre à l'heure américaine avec des primaires qui prendraient des allures de Convention Démocrate. Mais c'est Hollywood version Les Experts New York Unité Spéciale qui a pris le dessus sur La Croisette ... Solferino, est passé du rang de victoire à celui de déroute. Et le véritable ennemi de DSK a été enfin démasqué : lui-même. On trouverait presque Berlusconi ridicule ! Et pendant ce temps là, à l'Elysée, on prépare tranquillement l'arrivée d'un bébé, version enfant de top modèle et plus beau bébé du monde. Suave mari magno disait Lucrèce...

Le début de l'affaire DSK est marqué par l'absence des communicants en raison de la stupeur provoquée : les réactions sont difficiles à élaborer tant on ne sait si tout cela est vrai ou faux. C'est un drame, quelle que soit la vérité d'ailleurs. Le peuple français dans son ensemble, et une partie du monde, sont touchés dans leur intimité. Le manque de témérité des conseillers de DSK est avant tout motivé par la nécessité de faire libérer un prisonnier. Peut-être aussi d'éviter un affrontement France - USA, qui pourrait se traduire par la perte de marchés publicitaires pour la grande agence conseil de DSK et de la gauche. La seule parade devient cette thèse du complot largement reprise par les représentants du parti socialiste avec la complicité des médias qui s'étonneront trois jours après de la pertinence d'un sondage qui vient légitimer l'impensable. On parlera même de la CIA, d'un complot franco-russe, de l'UMP qui savait à l'avance. L'impensable laisse la place au déni total.

La gauche, les médias et le peuple français redécouvrent un an après l'affaire Woerth les bienfaits de la retenue et de la présomption d'innocence. On en oublierait presque la présomption de viol et la présumée victime sacrifiée sur l'autel des amitiés et obédiences. Avec un relent d'Ancien Régime, puisque l'on clame aussi qu'un grand homme a droit à un traitement différent et VIP par rapport à un quidam.

C'est tout un peuple qui est touché et certainement bien plus. Pas simplement pour l'image de marque. Mais bien parce que DSK est un homme compétent et reconnu de tous. Un candidat virtuel version Second Life car DSK n'a jamais annoncé sa décision d'être candidat. Mais n'assiste-t-on pas en direct à une fracture sociale personnifiée ? Incarner les valeurs de la gauche (résumée par François Hollande voici quelques années en un seuil de 4.000 euros par mois au-delà duquel on est riche) et payer 2,5 millions de dollars par an pour sa résidence surveillée sans compter les frais d'avocats, la caution d'un million de dollars, le dépôt de garantie de cinq millions, et les éventuelles futures amendes et indemnisations, pose un sérieux problème à un parti qui a voulu faire du Fouquet's le symbole des errements du pouvoir en place. Que dire aussi des tentatives de déstabilisation de l'accusation rendues possibles à coup de milliers de dollars en se payant les plus grands détectives des USA ? Est ce moral, surtout si l'histoire racontée est vraie ?

Quelle est la suite ? Pour DSK, on ne peut que souhaiter que tout ceci soit totalement faux, et regretter cette dégradation humaine infligée, qu'un Bernard Madoff n'aura même pas connue à ce point. Mais si c'est vrai, alors tout devient ignoble. Quoiqu'il en soit, il est face à un choix impossible : transiger deviendra un aveu de culpabilité et courir le risque de la vérité sera dangereux.

Pour la famille de DSK, l'épreuve est terrible, entre humiliation et instinct de survie face à cette machine infernale. Passer du rang de future Première Dame à celui de femme du prisonnier le plus célèbre du monde est une incroyable descente aux enfers pour la figure emblématique du PAF des années 90 (avec de surcroît un côté moins glamour dans la tromperie que Simone Signoret avait pu connaître quand Yves Montand l'avait trompée avec Marilyn Monroe). Sans oublier la fille de DSK sur qui va reposer toute la construction de la défense car elle est la seule à pouvoir fournir un alibi et une justification sur l'emploi du temps de son père, ce qui pour autant ne l'absoudra pas de la faute éventuelle commise avant.

Pour le PS, malgré des sondages à chaud réalisés sous le coup de l'émotion, et qui permettent de claironner avec un non sens absurde que « rien n'a changé », l'érosion sera terrible et irréversible. Parce que fondamentalement le PS n'a pas géré la crise, il a subi des évènements incroyables dont il n'est pas responsable, mais en a oublié qu'il y avait une victime présumée et qu'un viol c'est odieux parce que c'est avant tout un crime. Et si c'était vrai ? La réaction de sauvegarde l'a emporté sur la raison avec ce tourbillon médiatique de la TNT et de ses chaines d'info en continu, reléguant au passage les grandes chaines nationales à un second rôle (feutré d'ailleurs dans les propos). Les candidats ont voulu faire comme si de rien n'était, ont continué leur campagne, leur tour de France, ont affiché leurs ambitions. Show must go on ... et un candidat en moins sur la ligne de départ.

On a presque imaginé changer les règles car le PS version américaine, ça ne marche pas vraiment. Mais ce qui compte c'est de se rassurer en se disant que le PS peut gagner en 2012, signe des préoccupations réelles des candidats. Le PS payera cher ce déni de réalité, ce déni de présomption de viol, ce déni de victime présumée. La nouvelle donne le remettra face à des responsabilités de gauche qui devenaient secondaires avec un DSK social-démocrate : il ne serait pas impossible de revoir une gauche plurielle très à gauche avec la tentation des extrêmes, Mélenchon en tête.

Cet événement est un acte d'autodestruction, volontaire ou pas, et le prévenu, ses proches, sa famille politique, auront du mal à s'en remettre. L'humiliation restera. L'humilité la remplacera-t-elle ? même en cas de victoire. Mais pire encore ce déballage autorisé des proches, des ennemis, des journalistes qui rompent leur loi implicite du silence. Car, non, ce n'est pas un simple "troussage de domestique" comme le dit Jean-François Kahn, mais bien un crime odieux et une insulte faite aux femmes. Grandes perdantes de cette folle semaine. Viol, séduction et libertinage ont été ravalés au même rang dans un brouhaha qui oublie la victime, la défense diffusant même la thèse d'un acte sexuel consenti, prouvant ipso facto que celui-ci a bien eu lieu.

S'est-on cependant posé une seule fois les deux questions suivantes : que se serait-il passé si l'inimaginable avait été commis par ... Sarkozy? et que dirait-on si un film était présenté à Cannes sur cette histoire ?

Commentaire 1
à écrit le 18/08/2011 à 9:31
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Que le clan des supporters de DSK, et ce, au nom de la "Gauche", rejoignent des pratiques fleurant bon l'ancien régime, où les princes avaient des droits de cuissage sur les filles du peuple, me paraît au plus haut point scandaleux ! Surtout de la pa...

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