L' Europe transformée en salle des ventes

Ces deux derniers mois, l'Europe s'est transformée en une immense salle de ventes aux enchères, depuis que les entreprises du continent se sont lancées dans un programme de désinvestissement d'activités secondaires. Et ce sont de telles ventes qui forment la base des activités de restructuration, en particulier dans des marchés "immatures" comme les marchés européens, où les investisseurs demandent depuis longtemps que les entreprises se spécialisent sur leur coeur de métier. Il est important de rappeler que la décision du gouvernement allemand d'éliminer la taxe sur les plus-values réalisées lors de cessions d'activités par les sociétés a été prise justement dans le but de restructurer les entreprises allemandes et leur permettre d'utiliser les fonds ainsi levés pour se développer en se servant de la croissance externe.Le bien-fondé de cette stratégie est renforcé par le fait que parmi les 20 plus grandes entreprises mondiales en termes de capitalisation boursière, aucune ne provient d'Allemagne, de France ou d'Italie. Cependant, un grande nombre de désinvestissements en cours ont surtout été lancés dans le but un peu moins glorieux de réduire une dette toujours plus importante. La première économie engagée dans ces vastes mouvements de restructuration est l'économie allemande. L'élimination de la taxe sur les plus-values est peut-être la raison pour laquelle Heidelberg Zement a choisi la banque d'affaires Greenhill & Co pour la vente de sa branche matériaux de construction, qui devrait lui rapporter pas moins de 700 millions d'euros. Mais c'est Tchibo Holding, le groupe de café allemand, qui devrait réaliser une des plus grosses opérations, avec la vente de son activité de tabac Reemstma, qui devrait avoisiner les 5 milliard d'euros.L'activité chez le voisin français devrait également être florissante pour l'année à venir. Les investisseurs semblent s'intéresser au désinvestissement forcé de Legrand par Schneider Electric, une transaction conduite par Merrill Lynch et qui pourrait devenir le LBO le plus important d'Europe avec un prix estimé à 5 milliards d'euros. D'autres transactions de semblable importance pourraient émerger, comme les efforts supposés de TotalFinaElf pour séparer son activité de peinture SigmaKalon de la division chimique, candidat plus que probable à la cession d'après de récentes rumeurs qui donnent CSFB comme conseiller de TotalFina.En Italie, les restructurations industrielles vont bon train également. Fiat a demandé à ses conseillers Lazard et SSSB de recommencer à chercher des acheteurs pour sa branche d'équipement automobile Magneti Marelli, vente annulée l'année dernière. Cependant, Fiat est soupçonné d'avoir ajouté Comau, son activité d'automation industrielle, sur la liste de départ avec un bon nombre d'activités plus petites.La raison la plus noble derrière ces restructurations est de permettre aux entreprises d'élargir leur champ d'action au niveau mondial grâce à une spécialisation plus poussée sur ce qu'elles savent faire le mieux, leur coeur de métier. Malheureusement pour ceux qui voient dans ces opérations une politique volontaire de créer des "champions" européens, la raison primordiale est souvent plus terre-à-terre: Fiat, par exemple, est soumise à une pression grandissante de la part des investisseurs de procéder à des désinvestissements dans le but de réduire sa dette, qui s'élevait à 6 milliards d'euros à la fin 2001. De même pour Heidelberg Zement, dont les efforts pour lever des fonds sont directement liés à la position peu confortable de proie à un rachat, alors que Dresdner Bank et Deutsche Bank détiennent des participations importantes dans l'entreprise et auront sûrement envie d'effectuer leur sortie à un moment donné. Quelle que soit la motivation, le fait de vendre afin de devenir une entreprise plus concentrée est un pas en avant majeur pour les entreprises européennes. Toutefois, le processus n'avance pas toujours aussi vite qu'espéré, en partie du fait des consultations et négociations avec les employés nécessaires dans des pays comme la France ou l'Allemagne. De nombreux vendeurs sont aussi coupables d'exigences irréalistes en matière de prix de vente; de récentes études suggèrent que l'écart entre les prix de vente souhaités par le vendeur et l'acheteur s'élève à 25% et ne s'est pas encore ajusté à l'impact du ralentissement mondial de l'économie. Et même quand les transactions ont été signées, de nombreux acheteurs traînent les pieds, n'ayant plus à craindre d'éventuelles offres concurrentes. Les périodes de négociations risquent dès lors de s'allonger de plus en plus, comme c'est le cas pour la vente par Vivendi Universal de sa division de presse professionnelle au groupe de capital-investissement Cinven, toujours en cours de finalisation.
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