Un moteur prêt à rugir

La Bourse ou la vie ? Telle était la devise de toutes les start-ups émergeant par milliers au plus fort de la bulle Internet : se lancer très vite sur le marché pour financer les investissements de démarrage ou finir mort-né. Une devise remise au goût du jour par les moins zélateurs de la Bourse des pros d'Internet : les fondateurs de Google, le plus usité des moteurs de recherche sur le Web, devenu mythique depuis sa création il y a six ans. Sergey Brin et Larry Page, les deux petits génies des maths sortis de Stanford, juraient leur grand Dieu, il y a quelques semaines encore, qu'ils n'avaient nul besoin de la Bourse. Une cotation risquerait de miner leur indépendance et de les détourner de "ce qui est fondamental pour le futur." Quel cataclysme les aura fait retourner leur veste aussi vite ? Les deux jeunes - à peine 61 ans à eux deux - futurs multimilliardaires ont dû remiser leur grande méfiance à l'égard des marchés financiers pour mieux combattre Microsoft, l'empire de Bill Gates prêt à investir des centaines de millions de dollars dans la "guerre des moteurs" qui se profile. Ils ont aussi dû faire cette fleur aux deux fonds de capital-risque venus leur prêter main forte en 1998, Séquoia et Kleiner Perkins, qui savent, comme dit le proverbe boursier que "les arbres ne grimpent pas jusqu'au ciel", fussent-ils des séquoias, et qu'il est plus sage de réaliser un investissement quand il en est encore temps, a fortiori lorsque la Bourse semble montrer tant de goût pour Google. Le moteur de recherche serait valorisé au bas mot 25 milliards de dollars, soit autant que la vénérable General Motors ! Pas étonnant que Google fasse tourner les têtes, avec un nom de baptême faisant référence à un "googol", un nombre à cent zéros.... Cent zéros ? On n'ira sans doute pas jusque là. Pourtant, les modalités choisies par les deux compères à la maxime quasi mystique - "faire du monde un endroit meilleur" - peuvent faire craindre la réapparition des pires excès. Le prix sera fixé selon un processus de ventes aux enchères dites "à la hollandaise" : un choix visant à contourner les pratiques fort discutables d'allocation des syndicats bancaires, très critiqués pendant et après la bulle, car favorisant toujours les plus gros clients de ces établissements. Mais à trop combattre certains dérapages de la bulle, ne risque-t-on pas d'en faire resurgir d'autres, en gonflant artificiellement le prix par le biais de ces enchères ?
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.