Entre Gap et Wall Street, le fossé se creuse

La Bourse est loin d'être insensible aux phénomènes de mode. La chaîne Gap a ainsi perdu le train de la tendance, et le soutien des investisseurs.

La mode, ses diktats et ses reniements, ou la Bourse, ses impératifs et ses revirements, ont l'excommunication facile et la volte-face comme force motrice. Les chaînes de prêt-à-porter cotées s'exposent à cette double censure continuelle. A chaque publication de résultats trimestriels, voire de chiffres de ventes mensuelles, le couperet tombe: l'orientation, à la hausse ou à la baisse, de la fréquentation des magasins et du chiffre d'affaires révèle instantanément la cote des créateurs de tendance. "In" ou "out", impossible de dissimuler l'échec d'une collection derrière l'adversité météorologique, la versatilité du consommateur ou de vagues problèmes logistiques. Les chiffres parlent d'eux-mêmes, ils sont bavards et volontiers accusateurs.

Gap, la chaîne américaine emblématique du style casual made in USA, n'a plus la cote. Dans la rue mais à Wall Street aussi. Les premiers soucis de Gap Inc, également propriétaire de Banana Republic, marque plus haut de gamme, et d'Old Navy, en entrée de gamme, remonte à l'année 2000: 31 mois de baisse des ventes sur 34! La société, fondée en 1969 à San Francisco avec l'objectif de combler le fossé ("gap") des générations en habillant toute la famille avec un même style décontracté, a tenté de réinventer quelques uns de ses classiques. Les consommateurs ont retrouvé le chemin des magasins pendant quelques mois, un peu plus d'un an, avant de trouver plus mode ailleurs.

L'histoire de retournement vendue à Wall Street a pris un terrible coup de vieux vendredi à la publication de résultats annuels à l'air calamiteux de déjà-vu. Au quatrième trimestre, les ventes des magasins ouverts depuis au moins un an, dites "à magasin comparable", ont encore baissé de 6%. En février, elles chutent de 13%... Vous vouliez du neuf? C'est un nouveau profit warning, après celui de décembre que le groupe californien a lancé, prévenant qu'il n'atteindrait pas les attentes du marché au premier trimestre.

A l'image des clients désertant un magasin à la collection sans charme, les investisseurs ont voté avec leurs pieds vendredi : l'action Gap a flanché de 3,5%, creusant son repli depuis un an à 13%. Le contraste est saisissant avec le S&P 500, qui a gagné 6% au cours de la période, et plus encore avec Abercrombie & Fish, la marque aux tee-shirts siglés très tendance chez les ados outre-Atlantique. Ses profits se sont envolés de 58% au cours du quatrième trimestre, ses ventes à magasin comparable de 28% et sa marge nette, proche de 12%, est équivalente à la rentabilité d'exploitation de Gap! Tellement en vogue, Abercrombie est valorisé près de deux fois son chiffre d'affaires, et capitalise 5,7 milliards de dollars, tandis que Gap, dépassé, l'est à peine une fois, à 16 milliards de dollars... Gap a compris qu'il doit se tailler d'urgence des habits neufs afin d'aider clients et investisseurs à retourner leur veste...

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