Fusions-acquisitions : une vague loin d'être terminée...

Alors que les entreprises disposent d'énormes volumes de liquidités après trois années passées à se restructurer et à assainir leur bilan, elles se sont lancées dans une vague de rapprochements. En cours depuis fin 2004, le mouvement s'accélère avec de bonnes raisons: les marchés restent faiblement valorisés et les entreprises disposent encore de sources de financement intéressantes.

On ne compte plus les OPA lancées en Europe. Suivant les Etats-Unis, où le phénomène de rapprochements entre grands groupes a commencé depuis près de deux ans, avec comme opérations majeures ConocoPhilips, Procter et Gamble, la pharmacie et bien d'autres, le phénomène s'accélère en Europe.

Il s'est illustré notamment dans la banque avec les fusions transfrontalières entre ABN Amro et Antonveneta, BNP et Banca Nazionale del Lavoro. Plus récemment, la vague s'est étendue aux groupes d'énergie, Suez, Gaz de France, Endesa, E.ON et Gas Natural en tête. Arcelor, qui a racheté le Canadien Dofasco, n'a pas eu le temps de laisser sécher l'encre du contrat qu'il faisait l'objet d'une offre géante de la part du groupe Mittal Steel. Tous les secteurs sont concernés par cette euphorie d'acquisitions, qui s'est traduite aussi par les projets de fusion de Natexis, Crédit foncier et Ixis, ou encore récemment par l'offre d'Aviva sur Prudential outre-Manche.

"Cette vague d'OPA a commencé en 2004 avec les opérations de rachat d'Abbey National par SCH et la fusion Sanofi-Aventis. Mais depuis 2005 et surtout 2006, on assiste à une rapide accélération", commente Thierry Cantet, stratégiste à la Société Générale. "Depuis la fin de l'année 2004, on constate une recrudescence des fusions et acquisitions. En fait, l'année 2004 n'avait pas été un très bon cru en termes de rapprochements car le climat était encore incertain", explique pour sa part Anne-Sophie Girault, stratégiste senior chez Fidelity International.

Afflux de liquidités

Il est vrai que la plupart des groupes ont fini de purger les erreurs de la bulle boursière du début des années 2000. Les groupes collectionnent depuis deux ans les résultats records. Les banques, en particulier, mais aussi les groupes pétroliers, ou encore les "utilities" ou les entreprises de BTP... pour ne citer que quelques secteurs en plein boom. D'autres sont moins à la fête, comme l'automobile ou la distribution, alors que la consommation européenne reste morose.

Reste que dans l'ensemble, la création de richesse est remarquable, après un passage à vide traumatisant de 2001 à 2003. "Les entreprises ont généré des niveaux substantiels de cash-flow sur les dernières années. Pendant la période suivant la bulle boursière, la priorité était de retourner du cash aux actionnaires. Cette priorité a évolué et s'est transformée en investissement pour la croissance", expliquent les analystes de Goldman Sachs dans une note.

"Il faut aussi comprendre les motivations des entreprises, qui ont des marges opérationnelles historiquement élevées, et qui doivent continuner à les faire progresser", ajoute pour sa part Anne-Sophie Girault, chez Fidelity. En se rapprochant, les groupes cherchent ainsi à augmenter leur chiffre d'affaires, mais aussi à réduire leurs coûts.

"L'accélération à laquelle on assiste depuis 2005 et 2006 s'explique notamment par un niveau d'endettement très bas de la part des sociétés, en Europe. Un niveau même trop bas", explique Thierry Cantet. Pour le stratégiste, le ratio dette sur fonds propres des sociétés européennes est de 35% en 2006 et va baisser à 26% en 2007. Si on assiste toutefois à un retour au financement par la dette des entreprises, ce "gearing" restera très faible en 2007.

Encore des rapprochements à venir

Dans tous les cas, le coût de l'endettement reste faible, même si la Réserve fédérale américaine continue à vouloir resserrer ses taux. "Toutefois, pour le moment, on ne peut toujours pas qualifier la politique de la Fed de contraignante", rappelle les stratégistes de la Société Générale. C'est pourquoi, avec un flot de liquidités toujours important, les entreprises vont continuer à faire leurs emplettes.

"La récente vague de fusions et acquisitions est loin d'être terminée", confirment les analystes de Goldman Sachs. Pour les spécialistes, "les entreprises ont encore près de 630 milliards d'euros de potentiel d'acquisition. Cet argent provient soit des cash-flows générés par les groupes, soit de la restructuration de leur dette.

"Le regain de confiance des chefs d'entreprise soutient cette tendance, mais aussi la disponibilité des moyens de financement", ajoute Anne-Sophie Girault chez Fidelity, qui estime en outre que le marché est encore loin d'être "survalorisé". "Les valorisations des entreprises en Bourse reflètent depuis un an la croissance des bénéfices de ces dernières", explique la stratégiste. Le PER du MSCI Europe était ainsi à 16 en février 2006, quasiment au même niveau que l'an dernier, malgré la vague d'OPA. "Les primes payées par les acquéreurs sont encore faibles, représentant en moyenne 14%", ajoute la stratégiste. De quoi soutenir encore un peu le mouvement de rapprochements sur les marchés, sans pour autant qu'il y ait un risque immédiat de surchauffe comme au début des années 2000.

Les marchés attentifs

Mais à terme, la valorisation globale du marché risque de pâtir d'une vague d'OPA trop persistante. "Il y a une légère dérive, avec le lancement de contre-offres et d'OPA hostiles", explique ainsi Thierry Cantet, pour qui les primes spéculatives appliquées sur les actions des sociétés potentiellement "opéables" ou faisant l'objet d'offres ont fait monter les valorisations des titres. "Pour l'heure il n'y a pas encore de bulle", soulignent par ailleurs les spécialistes de la Société générale dans une note de synthèse. "Les excès de confiance du marché, comme l'euphorie de 2000, sont avant coureurs de retournement dans les marchés, pour l'heure, nous n'anticipons pas de risque majeur de correction", précisent-ils.

Pour Anne-Sophie Girault, de Fidelity, "on assiste à un léger regain de nervosité sur les marchés, et une correction à court terme n'est pas exclue". Toutefois, la croissance des bénéfices devrait encore être de 8% cette année, soit au même niveau qu'en 2005 et les valorisations suffisamment attrayantes pour éviter une chute brutale des indices et pour pouvoir continuer à investir sur les marchés actions. Reste à deviner qui sera la prochaine proie...

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