Pétrole : derrière le rachat des minoritaires de Shell Canada, l'eldorado des sables bitumineux

Shell débourse 5,4 milliards d'euros pour racheter les 22% qui lui manquent dans le capital de sa filiale canadienne. Une opération financière qui traduit les appétits des géants du pétrole pour les sables bitumineux du Canada.

Ce n'est pas un hasard si Royal Dutch Shell, la grande compagnie pétrolière anglo-néerlandaise, casse sa tire-lire pour racheter ses minoritaires canadiens. Elle propose en effet de racheter les 22% qui lui manquent du capital de Shell Canada pour 40 dollars canadiens (28,2 euros) par action, soit un total de 7,7 milliards de dollars canadiens, quelque 5,4 milliards d'euros.

La raison? Officiellement, il s'agit d'une nouvelle étape dans le processus de simplification du groupe Shell, en passe de mettre fin à son organisation bipolaire centenaire et qui tente de redresser la tête après des scandales à répétition sur la surévaluation de ses réserves pétrolières, scandales qui l'ont obligé à changer d'organisation et de management.

Mais il existe une autre explication à cette opération: les sables bitumineux, une spécialité canadienne qui suscite nombre d'appétits ces derniers mois. Certains experts considèrent même ces réserves pétrolières comme les secondes de la planète derrière celles de l'Arabie Saoudite.

Total a ainsi acheté en août 2005 la société Deer Creek Energy pour 1,35 milliard de dollars canadiens et annoncé vouloir investir dans ce domaine 9 milliards de dollars canadiens dans la province d'Alberta, eldorado de ces sables gorgés de pétrole.

Total et Shell ne sont évidemment pas les seuls à avoir compris tout l'intérêt de ces gisements. Le géant canadien du pétrole EnCana et l'américain ConocoPhillips ont ainsi annoncé début octobre la création d'une société commune pour exploiter et raffiner ces sables bitumineux de l'Alberta. Ils prévoient d'investir ensemble 10 milliards de dollars (américains) d'ici à 2015.

Le problème de ces sables bitumineux, c'est qu'il faut pouvoir en extraire le pétrole puis le traiter afin qu'il devienne de l'or noir débarrassé du sable et du gros de ses impuretés. Le coût de revient est élevé. Mais avec les prix actuels du brut, même s'ils ont tendance à refluer ces dernières semaines, l'opération peut se révéler rentable à terme. Surtout si les réserves pétrolières de la planète tendent à diminuer.

Selon Karl Nietvelt, spécialiste pétrolier de l'agence de notation financière Standard & Poor's (S.&P.), interrogé par La Tribune dans son édition du 19 octobre, "l'extraction des sables bitumineux au Canada pourrait amener 3 à 4 millions quotidiens de barils d'ici à 2015".

Shell Canada détient notamment 60% du projet des sables bitumineux de l'Athabasca, une concession dont les réserves sont estimées à 6 milliards de barils de pétrole et dont la production quotidienne, de 155.000 barils par jour actuellement, doit grimper à terme à 500.000 barils. Les autres parts sont détenues par les américains Chevron Canada et Western Oil Sands, chacun avec 20% chacune.

Shell avait déjà acheté en juin le producteur canadien de sables bitumineux BlackRock Ventures pour environ 2,2 milliards de dollars américains, via la société BR Oil Sands Corporation, filiale de Shell Canada.

Au passage, l'intérêt de Shell pour le contrôle total de sa filiale canadienne vient aussi des deux autres spécialités de Shell Canada: le gaz naturel et le soufre dont il est le plus gros producteur du pays. Shell Canada, dont le siège est à Calgary et qui emploie 4.500 personnes, a dégagé un bénéfice de 2 milliards de dollars canadiens en 2005, en produisant 229.000 barils équivalent pétrole.

A la mi-séance, le titre (A) Shell reculait à Amsterdam de 0,64% à 26,25 euros.

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