Une héroïne de BD sur grand écran

"Persépolis", adaptation réussie par Marjane Satrapi de sa bande dessinée autobiographique. En noir et blanc épuré, le récit tragi-comique d'une jeune iranienne combattant pour la liberté des femmes.

Pas évident de passer de la bande dessinée en 2D sur papier au grand écran du cinéma. Il faut un sens du rythme propre au septième art et une véritable mise en scène pour donner du sens aux mouvements de caméra. Ce cap, Marjane Satrapi le passe avec brio en adaptant sa bande dessinée autobiographique à succès "Persépolis", dans un film d'animation drôle et grave à la fois, film d'initiation humaniste, susceptible de plaire à un très large public. Au dernier festival de Cannes où il était en compétition, le film a été couronné par un prix du jury.

Sans recourir à aucune des nouvelles technologies numériques ni aux effets spéciaux des superproductions hollywoodiennes, le film reprend le même graphisme sobre, épuré, en noir et blanc qui avait fait le succès de la BD. Secondée par le créateur de BD Vincent Paronnaud, qui signe ses albums du nom de Winshluss, Marjane Satrapi raconte une histoire particulière - la sienne, celle d'une jeune fille née en Iran fuyant l'absolutisme - et universelle -celle d'une combattante de la liberté pour tous et pour les femmes en particulier dans un pays islamique.

Non négligeable également dans la réussite du film, la bande son et les voix des personnages confiées à de grandes comédiennes qui confèrent une grande vivacité au récit: Chiara Mastroianni pour l'héroïne Marjane Satrapi dite Marjie, Catherine Deneuve pour sa mère, Danielle Darrieux pour sa grand-mère.

Issue de la grande bourgeoisie libérale iranienne, Marjie s'inscrit dans une lignée familiale de rebelles à toute forme de dictature. Née dans un milieu d'opposants au Shah d'Iran, qui a payé un lourd tribu pour conserver sa liberté, elle dispose de grands modèles héroïques auxquels s'identifier et dont les hauts-faits bercent son enfance. A commencer par sa grand-mère, adepte de la liberté de pensée et de parole quoi qu'il lui en coûte.

Lorsque survient la révolution islamique de 1979, la pression ne s'atténue pas, bien au contraire. Tout juste adolescente, Marjie, qui vit comme une occidentale, fan de Bruce Lee et de musique pop, ne supporte pas le sort réservé par les "gardiens de la révolution" aux femmes qui doivent se voiler et disparaître de la vie publique.

Avec l'interminable et sanguinaire guerre contre l'Irak, un cran est franchi dans la privation des libertés individuelles et Marjie s'expatrie en Autriche. Là, elle découvre un pays follement exotique dont elle décrit les moeurs d'un oeil mi critique mi amusé. Las, une histoire d'amour malheureuse la laisse complètement déprimée et elle revient en Iran pour soigner ses plaies sentimentales.

De retour à la case Téhéran, la jeune fille s'aperçoit, grâce à sa grand-mère, qu'elle est en voie de résignation à l'embrigadement collectif. Dans un sursaut salutaire, elle s'exile à nouveau. Direction, la France où elle vit toujours. Pour autant, elle n'en a pas fini avec la République islamique qui a vivement protesté contre la sélection du film au festival de Cannes, qualifiant le prix du jury de geste d'"islamophobie".

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