"Dans un monde de rupture, les cadres doivent définir leur propre vision de la réussite"

Paul Minelle, directeur associé du cabinet conseil Cibles et Réseaux Dirigeants explique comment les cadres doivent vivre leur carrière plus activement en devenant entrepreneur d'eux-mêmes.

En quoi la notion de carrière a-t-elle évolué ces dernières années ?

Avant il était possible de surfer sur des vagues d'opportunités. Aujourd'hui l'entreprise est un monde de rupture, les cadres ne peuvent plus se permettre d'être spectateurs de leur destin. Il faut se fixer un cap, anticiper son futur et sa mobilité en construisant sa propre définition et sa propre vision de la réussite. On doit formuler son ambition en référence à sa légitimité actuelle et potentielle, ses valeurs et l'évolution de l'environnement, définir ses objectifs, se fixer des échéances, un calendrier, des fenêtres de tir...

Ces questions, un cadre doit se les poser à chacune des étapes de sa carrière pour valider qu'il est bien dans la logique de son projet. Ce regard permanent sur la boussole permet éventuellement de changer de cap. C'est pourquoi il est important d'être accompagné, dans la durée, par un coach ou un mentor extérieur à l'entreprise.

Existent-ils toujours des voies royales pour progresser ?

Elles existent mais elles ne sont plus les mêmes. Avant, une grande école assurait une progression linéaire. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Les règles du jeu ont changé. C'est pourquoi il faut identifier tous les itinéraires possibles : les voies rapides, secondaires, les petites portes comme les voies de garage.

A partir d'une orientation de départ (dans le commercial, le management, la production ou la recherche, les finances, les systèmes d'information ou les RH...), il y a un arbitrage à faire sur les étapes par lesquelles on veut passer, en fonction de ses objectifs. La filière commerciale peut être la voie royale mais, si le cadre évolue dans un univers à la veille de grandes restructurations et à fortes disponibilités financières, il devrait privilégier le chemin de la finance.

A partir de là, il faut être capable d'assumer des investissements qui peuvent être lourds mais payants dans le temps. Soit en proposant des formations classiques, type Executive MBA d'HEC ou Insead, soit en misant sur des ressources rares ou décalées (en prenant des cours d'histoire de l'art, de théologie, de chant ou de menuiserie...) qui permettront d'étoffer sa personnalité, de développer un esprit d'ouverture, une capacité à être plus innovant, à transposer des process, des expertises, des émotions.

Les risques à prendre sont-ils plus importants qu'avant ?

Plus que des risques, ce sont plutôt des paris à prendre. Mais ces paris, qui permettent de réaliser des sauts d'obstacle, auront un coût et nécessiteront des sacrifices qu'il faut essayer d'identifier en amont. On peut, par exemple, choisir d'être relativement invisible en étant numéro un d'une filiale discrète, tout en sachant que cela permet d'accéder à des responsabilités globales et de rentrer dans des instances de réflexion (codir, comex, syndicat professionnel, etc.).

L'autre choix est d'être numéro 2, derrière un poids lourd. Vous êtes visible mais vous n'êtes "que" n°2. Quoiqu'il en soit, il est impératif de prévoir des plans B et des scénarios alternatifs, en se portant volontaire par exemple pour une mission à risque ou à gain différé, en acceptant une expatriation, etc.

Le principal n'est-il pas de se démarquer pour construire efficacement et rapidement une carrière ?

C'est essentiel. Il y a une quinze années, les entreprises s'intéressaient principalement aux capacités intellectuelles. Aujourd'hui, il ne suffit pas d'être brillant pour se faire remarquer. L'entreprise attend de ses collaborateurs qu'ils aient une vision globale, une capacité de bonne gouvernance et d'engagement.

Pour se développer et progresser dans l'entreprise de demain, il sera évidemment nécessaire de faire preuve de charisme et de leadership mais également d'afficher son identité et ses valeurs.

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