"Que ne suis-je restée l'animal que j'étais avant qu'un homme ne fasse de moi sa femme?". Du souffle au cri, haut perchée, Médée l'infanticide fratricide et régicide, s'interroge, invective, livre sa souffrance et sa solitude. "Déchirer l'humanité et rester dans le vide au milieu", dernier désir d'une femme trahie, à la fois nourrie et rongée par son passé meurtrier.

Dans la salle du Carré Saint-Vincent à Orléans, où la nouvelle - et quatrième - production de l'opéra de Pascal Dusapin était donnée les 9 et 10 janvier derniers, la beauté du texte de l'écrivain est-allemand Heiner Müller, "Medeamaterial" (Médée matériau) a résonné de toute sa puissance.

La mise en scène d'Antoine Gindt, symbolique, presque minimaliste, place, une heure durant, la soprano colorature finlandaise Piia Komsi au centre de toutes les attentions. Outre qu'elle relève brillamment le défi technique que sa partition présente, son jeu est inquiétant et dérangeant à souhait. Sur son passage, l'ordre établi s'efface à coups de pied, les flammes s'éteignent et les enfants partent en fumée.

Derrière elle, un rideau translucide, qui ne s'ouvrira que dans le dernier tableau, laisse entrevoir dans le fond de la scène un orchestre à cordes (Remix Ensemble Porto), un choeur mixte (Les cris de Paris) et un quatuor vocal, dirigés par Franck Ollu. L'ensemble sert admirablement l'oeuvre de Pascal Dusapin. Pour l'heure, le compositeur se prépare à son nouveau rôle, puisqu'il occupera en 2007 la chaire de création artistique au Collège de France.


"Medea", de Pascal Dusapin. Prochaines représentations le 12 et le 14 janvier au théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, le 17 et le 18 à la Casa da Musica de Porto, le 20 à la Maison de la Culture de Bourges et le 23 au Manège de Reims.
Nouveauté DVD: "Faustus, the last night", opéra de Pascal Dusapin (Naïve).