Zhu Xiao-mei, des camps de Mao à Jean-Sébastien Bach

La pianiste chinoise donne ce week-end l'intégrale du "Clavier bien tempéré" de Bach à la Cité de la Musique. Dans un livre confession, elle explique comment le compositeur lui a sauvé la vie.

"Quand on a tout perdu, on a besoin de retrouver au moins une dignité. La musique de Bach m'en a redonné une". Zhu Xiao Mei a fait la rencontre musicale de sa vie le jour où, partie s'installer aux Etats-Unis, elle a découvert les "Variations Golberg". "Il y a tout dans cette musique, elle suffit à vivre". Aujourd'hui installée à Paris et professeur au Conservatoire National de Musique, la pianiste raconte dans "La rivière et son secret" (Robert Laffont) ses années de jeunesse brisées dans les camps maoïstes, passées à tenter d'oublier toute musique et à devenir une "bonne révolutionnaire".

Sans jamais tomber dans le mélodrame, elle décrit ainsi comment, à la fin de l'année 1968, elle voit ses soeurs et son père partir dans des "Shangshan Xiaxiang", des camps de rééducation par le travail instaurés par Mao. Avant d'y être elle-même contrainte. Car la jeune fille, née à Shanghai dans une famille aisée et cultivée, est alors considérée par le régime comme une "Chushen Buhao", une fille de mauvaise origine, c'est-à-dire un esprit bourgeois, qu'il faut rééduquer.

Début 1969, Mme Mao ordonne en effet à toutes les écoles artistiques de Pékin de partir à leur tour en camp. Zhu Xiao-Mei, élève au Conservatoire, n'échappe pas à la règle. Le lieu est de toutes les façons devenu progressivement un "conservatoire sans musique" puis "sans professeur" sous le coup des différentes "avancées" de la Révolution culturelle. On y a d'abord banni toute musique occidentale, avant d'y interdire toute musique, tout simplement.

Dans les camps, ils sont 10 étudiants à se partager la chambre de 20 m2, infestée de cafards. Pour survivre en "bonne révolutionnaire", la jeune fille va apprendre à se détourner de tout sentimentalisme. Elle ira loin, pour satisfaire aux attentes du régime. Jusqu'à dénoncer son père et des amis. "J'ai voulu expliquer aux gens comment fonctionne un lavage de cerveau, et comment on en vient à faire des choses terribles".

Zhu Xiao Mei explique avec des mots très simples ce qu'il y a pourtant de plus complexe à comprendre, dans le comportement de certains humains. "Je ne supporte pas le misérabilisme", explique l'artiste qui va même jusqu'à renier son statut de victime de la révolution culturelle. "J'avais envie de raconter tout cela avec le sourire, avec du recul sur ma situation".


"Le Clavier bien tempéré" de Bach par Zhu Xiao-Mei, les 15 et 16 décembre à la Cité de la Musique à Paris. Tél: 01.44.84.44.84. www.cite-musique.fr.
Livre: "La rivière et son secret de Zhu Xiao-Mei (Robert Laffont).
2 CD: Bach - "Le Clavier bien tempéré" et "Les Variations Golberg" (Mirare).

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