"Regarde-moi"
Elle n'a pas 25 ans. Et pourtant Audrey Estrougo témoigne d'une véritable maîtrise pour son premier film, une plongée en apnée au coeur des banlieues françaises d'aujourd'hui. Tout commence au pied d'une cité. D'un côté, les garçons qui tentent tant bien que mal d'exister par le sport pour les plus chanceux, par de petits trafics pour la plupart, par les femmes pour tous. Sauf que ces jeunes (encore adolescents pour certains) sont dans l'impossibilité de communiquer avec elles. Car tous préfèrent garder leur petite amie au secret et surveiller leurs soeurs de très près. De l'autre côté, les filles vivent également dans leur coin, sans vraiment se mélanger. Blacks et beurettes traînent ensemble, tandis que les blanches restent entre-elles. Au "tout le monde il gentil" angélique des uns, à la "racaille" des autres, la réalisatrice a choisi une autre voie pour parler de ces territoires clos, coupés du reste du monde et désertés par les adultes: la tendresse lucide. Audrey Estrougo refuse de se voiler la face quant à la violence, au racisme ou au sexisme. C'est d'ailleurs ce qui fait la force et la crédibilité de ce premier film choral porté par un scénario extrêmement construit, une brochette d'acteurs formidablement dirigés, des couleurs et une image aussi belle qu'épurée. Une totale réussite.
Y. Y.

"99 Francs"
Jan Kounen s'en donne à coeur joie, multipliant les effets spéciaux dans son adaptation du best-seller de Frédéric Beigbeder, "99 Francs", sorti en 2000 et vendu à un demi-million d'exemplaires en France. Avec un plaisir non dissimulé Jean Dujardin, vedette de "Brice de Nice" et "OSS 117", se glisse dans la peau du vibrionnant Octave, jeune rédacteur publicitaire en pleine ascension dans l'une des agences de pub les plus réputées du moment, Ross & Witchcraft, bien nommée "La Rosse". Argent, filles, cocaïne pleuvent, et Octave se sent le maître du monde. Jusqu'au jour où il tombe amoureux de Sophie, la plus belle employée de l'agence (Vahina Giocante), qui le plaque sans ménagement ni égard pour son immense talent. Octave va alors péter les plombs et se rebeller contre le système, bref, cracher dans la soupe publicitaire qui a fait sa fortune. Cette "comédie de consommation immédiate" sature assez vite.
N.T.

"L'âge des ténèbres"
Avec ce dernier volet, le Québécois Denys Arcand clôt sa trilogie du monde contemporain entamée avec "Le déclin de l'empire américain" et poursuivie avec "Les invasions barbares". Mais le registre s'est un peu usé et le film s'essouffle à courir après les fantasmes en boucle d'un quidam quelconque, Jean-Marc (Marc Labrèche) qui mène une vie ingrate d'obscur employé de bureau et s'imagine tour à tour en preux chevalier, comédien brillant, écrivain à succès, adulé par des créatures de rêve (Diane Kruger, Sylvie Léonard, Caroline Néron, Emma de Caunes). En réalité, coincé entre une femme tyrannique et deux filles qui le méprisent, l'homme privé de chaleur humaine se réfugie dans le rêve jusqu'à envisager une issue totalement utopique et peu crédible à son cauchemar terrestre.
N.T.

"A vif"
Jodie Foster s'investit à fond dans ce polar un peu faible de Neil Jordan qui ne tient que par elle. Elle joue le rôle d'une new-yorkaise animatrice d'une émission de radio nocturne où elle évoque sa ville, au fil de chroniques intimistes. Un soir, elle et son fiancé sont sauvagement agressés dans Central Park. Elle est grièvement blessée, il meurt. Au sortir de l'hôpital, elle est terrorisée par la ville où tout lui semble hostile. Jusqu'au jour où elle décide de prendre le dessus, et de s'acheter une arme. Dès lors, elle arpente les bas-fonds de la grosse pomme à la recherche de crimes à venger. Elle en trouve beaucoup, comme par hasard. Jusqu'à faire cause commune avec un flic qui enquête sur ses crimes et qui a lui aussi a quelques comptes à rendre. Un plaidoyer pour la violence sous couvert de légitime défense.
N.T.

"Les femmes du Mont Ararat"
Ce documentaire d'Erwann Briand évoque l'histoire étonnante de femmes kurdes qui dans les montagnes aux confins de l'Iran, de l'Irak et de la Turquie, ont rejoint la guérilla du PKK. Réparties en unités de femmes, dites "manga", composé de six combattantes indépendantes des hommes, elles sont en constant déplacement, guettant un ennemi invisible. Entre manoeuvres militaires et tâches quotidiennes, leur intimité se dévoile peu à peu. Comme celle de Sorxwin, fille d'immigrés, originaire de Belfort, qui garde sur son corps les stigmates des éclats de bombe reçus. A leur lutte contre les soldats Irakiens, ces femmes pugnaces mais non dépourvues de tendresse, ajoutent un combat féministe, contre l'excision et les mariages arrangés notamment.
N.T.