Weegee, le roi du fait divers à Paris

Le musée Maillol à Paris présente la première rétrospective parisienne consacrée au photographe Weegee. Ce maître de la photo de fait divers s'impose comme le plus cinéaste des photographes.

Il a immortalisé New York à la manière d'un film noir, donné ses lettres de noblesse à la photo de fait divers, initié la photographie documentaires subjective dont Diane Arbus devait ensuite porter haut les couleurs. Jamais présentées en France auparavant, les images en noir et blanc d'Usher Fellig, dit Weegee (1899-1968), font aujourd'hui l'objet d'une extraordinaire exposition, drôle et féroce, au Musée Maillol à Paris.

Rassemblant plus de 200 tirages réalisés entre 1930 et 1945 issus de la collection de Hendrik Berinson, cette rétrospective dévoile l'oeuvre du photographe dans toute sa richesse et brosse le portrait d'un gavroche né en Ukraine, émigré aux Etats-Unis avec ses parents en 1910, doté d'un humour typiquement juif new-yorkais.

Longtemps réduit à ses seules photos de faits divers, Weegee se révèle ici d'abord le photographe de Manhattan. En témoignent ses vues constructivistes vertigineuses de la ville. Ses photos de New-yorkais, riches et pauvres, célèbres ou anonymes, voyous et policiers composent un tableau dynamique et plein de vie de la Grosse Pomme. Sans oublier ses scènes de meurtres.

Branché sur la fréquence de la police, Weegee arrivait souvent le premier sur les lieux du crime et prenait un malin plaisir à photographier les macchabées et la foule. Il serait pourtant dommage de restreindre ces images à leur seul aspect voyeuriste. Car le photographe y montre l'humanité dans toute sa complexité, fascinée mais néanmoins apeurée par la mort.

Il s'impose également comme un excellent metteur en scène de film noir, remodèle les lieux à sa guise en bougeant de place les différents protagonistes, multiplie les plans serrés, photographie la foule hors champs. Il lui arrive même de provoquer certaines situations pour réaliser ses photos.

Pour son image la plus célèbre par exemple, il n'hésite pas à saouler une pauvre poivrotte avant de la pousser vers deux mégères décaties ruisselant de diamants et de zibeline. Et de figer ainsi pour l'éternité le sourire crétin et l'air méchant des deux amies fortunées se pavanant devant cette pauvre alcoolique au regard désapprobateur, en cette année 1943 où les boys commencent à se faire tuer en Europe. Car c'était aussi cela, le travail de Weegee. Une conscience sociale et politique du monde, beaucoup plus subtile qu'elle n'y paraît.


Weegee dans la collection Berinson. Musée Maillol, 61 rue de Grenelle, 75007 Paris. Tel: 01 42 22 59 58. Ouvert tous les jours sauf le mardi de 11h à 18h. Jusqu'au 15 octobre. Catalogue: coédition Gallimard/Musée Maillol, 224 pages, 35 euros.

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