Fonction publique : le bourbier sémantique du gouvernement

Sortir de la langue de bois en politique n'est pas aisé. Un langage trop direct est parfois contre-productif en freinant les réformes.

Les mots, des maux. Depuis quelques jours, les membres du gouvernement connaissent bien des embarras linguistiques. La première victime d'un dérapage verbal fut Christine Lagarde. La ministre de l'Economie eut la maladresse d'évoquer "un plan de rigueur" pour les fonctionnaires. Rigueur! Le mot qui fâche et qui pourrait bien mettre fin à l'état de grâce dont bénéficie le gouvernement.

L'Elysée ne s'y est pas trompé. Claude Guéant, secrétaire général de l'Elysée, a tout de suite corrigé la sémantique défaillante de sa ministre, déclarant préférer l'expression "plan de revalorisation" à celle de plan de rigueur. Il faut dire que la sortie de Christine Lagarde tombe à un bien mauvais moment. Les fonctionnaires doivent déjà digérer d'importantes réductions d'effectifs, près de 22.800 suppressions de postes et réclament des augmentations de salaires après six ans sans accord salarial. Eric Woerth, ministre du Budget et de la Fonction publique, est lui aussi venu au secours de Christine Lagarde indiquant que par rigueur, la ministre avait voulu dire "gestion attentive".

Les conseilleurs ne sont pas toujours à l'abri des malices de la langue française. La langue du ministre du Budget et de la Fonction publique a elle aussi fourché mais Eric Woerth a réussi in extremis à se rattraper. La scène se passait mardi sur LCI. Interrogé sur les fonctionnaires, le ministre avait dit qu'ils étaient une "masse", "trop importante", qui "pèse financièrement". Voyant plus tard dans l'émission un bandeau défiler et rapporter ces propos, le ministre a immédiatement rectifié le tir. "C'est pas du tout ce que je veux dire, la ressource humaine, c'est la première des ressources de ce pays. Ca se gère, des ressources humaines, mais c'est aussi des hommes et des femmes, donc ils doivent être fiers du métier qu'ils font", a-t-il argumenté. "A terme, pour réduire le nombre de fonctionnaires, il faudra restructurer, réorganiser l'Etat et revaloriser la fonction de l'agent au service du public", a-t-il poursuivi.

Avant correction, les mots d'Eric Woerth entraient en résonance avec une autre expression qui a fait flores, le fameux "il faut dégraisser le mammouth" de Claude Allègre, prononcé en 1997 en référence à l'Education nationale. Ce qui ne porta pas chance à la gauche dans les élections suivantes. Pour éviter certains maux, il convient de se méfier des mots et de leur usage surtout si ces mots concernent un quart de la population active du pays. L'échec ou la réussite des réformes tiennent souvent à cette seule prudence, redonnant tout son sel à une vieille maxime: tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. A méditer même si le rythme des interview télévisées risque d'en pâtir.

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