ENI et Enel, intermédiaires de choix entre Gazprom et Ioukos

Les deux groupes italiens ont récupéré via un semblant d'"appel d'offres" des actifs de Ioukos dans le gaz et le pétrole. Ils revendent l'essentiel à Gazprom.

Le consortium italien composé du géant des hydrocarbures ENI (60 % des parts) et de l'ancien monopole de l'électricité Enel (40 %) s'est adjugé "le second lot" d'actifs d'Ioukos mis en vente ce mercredi via un "appel d'offres" pour 5,83 milliards de dollars. Il s'agit notamment de huit gisements de gaz russe, rassemblés dans trois sociétés revendiquant ainsi au total des réserves de gaz et de pétrole pour environ 5 milliards de barils équivalent pétrole.

L'essentiel de ces actifs sera cependant rapidement racheté par le russe Gazprom... Ce géant russe a en effet obtenu d'ENI de pouvoir lui racheter d'ici deux ans pour 3,7 milliards de dollars les 20 % d'OAO Gazprom Neft (ex-Sibneft), cinquième compagnie pétrolière russe, vendus lors du même appel d'offres. L'accord obtenu par le consortium purement italien ENI et Enel pour le rachat des actifs de Ioukos et leur partielle revente à Gazprom est purement politique.

L'Etat italien est en effet le principal actionnaire des deux groupes italiens et n'a pas ménagé ses efforts pour réussir là où les concurrents BP, Shell et autres Total se cassent les dents. En dix mois, le président du Conseil italien, Romano Prodi, a rencontré trois fois en tête à tête Vladimir Poutine. Fin janvier à Sotchi sur la mer Noire et à la mi-mars à Bari en Italie, les deux dirigeants politiques ont discuté ces dossiers énergétiques.

"Le partenariat stratégique entre ENI et Gazprom permettra une vraie intégration entre les activités hydrocarbures italiennes et celles de la Russie", avait signalé le ministre des Affaires étrangères italien, Massimo d'Alema, au sommet de Bari. Le ministre de l'Industrie, Pierluigi Bersani, évoquait même "des initiatives communes entre entreprises et banques italiennes et russes aussi sur les marchés de pays tiers". On évoque par exemple une alliance entre ENI et Gazprom en Afrique du Nord.

Pour l'ENI, il s'agissait d'obtenir des Russes la contrepartie à l'accès à la distribution directe de gaz dans la péninsule octroyé à Gazprom lors de leur accord du 14 novembre dernier. Gazprom peut vendre ainsi jusqu'à 3 milliards de mètres-cubes de gaz par an en Italie. La firme russe est encore en discussion pour trouver son partenaire local de distribution, or le vice-directeur de Gazexport a évoqué les noms des sociétés italiennes Sorgenia, Gasplus, de la régie municipale Hera et même d'Edison, co-contrôlé par EDF.

A terme, la joint-venture devant gérer les trois gisements gaziers russes acquis lors de l'appel d'offres doit être détenue à 51 % par Gazprom, 30 % par ENI et 19 % par Enel.

Pourquoi Gazprom se voit-il ainsi "offert" les ex-actifs de Youkos sur un plateau par le consortium italien ? La contrepartie exacte n'est jamais communiquée par ENI ou Enel. "Nous ne pouvons fournir d'autres détails", se bornent à indiquer ENI et Enel. "Les gens de Gazprom sont les maîtres de maison : s'ils ne donnaient pas le feu vert à ENI et Enel, les Italiens n'auraient jamais récupéré les actifs de Youkos", indique à La Tribune une source proche du dossier, précisant que "c'est un appel d'offres dirigé à Moscou, pas à Londres...".

Les intérêts d'Enel et ENI sont toutefois divers dans ce dossier. Pour ENI, il s'agit de disposer en amont de quantités importantes de gaz pour pouvoir fournir ses clients en Europe de l'Ouest. Pour Enel, l'intention est en revanche de disposer de gaz pour alimenter les centrales russes de production d'électricité dont il dispose déjà (NWTPP dans le nord-ouest de la Russie) et celles qu'il espère racheter lors du processus de privatisation actuelle en Russie.

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