Daniel Lebègue : "La décision britannique sur l'affaire de corruption impliquant British Aerospace ne passe pas"

Daniel Lebègue, ancien patron de la Caisse des Dépôts et Consignation, ancien numéro 2 de BNP, est aujourd'hui président de Transparence France, une organisation non gouvernementale qui milite pour un renforcement de la lutte contre la corruption.

La Tribune.- Le Premier ministre britannique Tony Blair a provoqué un véritable tollé en annonçant, à la mi-décembre, qu'il avait demandé à la justice britannique de mettre un terme à une enquête sur le versement de commissions par British Aerospace (BAE) à l'Arabie Saoudite au milieu des années 80. Quelle est la situation?

Daniel Lebègue.- La décision britannique ne passe pas. Elle décrédibilise complètement la convention OCDE qui interdit notamment le versement de pots de vin à des fonctionnaires étrangers pour l'obtention de marché. Comment d'autres pays peuvent-ils faire respecter cette convention par leurs entreprises, si l'un des pays signataires, grand exportateur qui plus est, ne l'applique pas? L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), qui réunit les 30 pays les plus riches de la planète, a sévèrement tancé le Royaume-Uni et menacé de prendre des mesures de rétorsions.

De quels moyens dispose l'OCDE?

L'Organisation ne possède pas de pouvoir de sanctions. Mais elle peut recommander de prendre des sanctions. Le sujet est en tout cas à l'ordre du jour des réunions préparatoires pour le sommet des chefs d'Etat (G8) de Heiligendamm, en Allemagne à la mi-juin. La décision britannique apparaît comme une violation caractéristique de l'article 5 de la convention OCDE.

Cet article, qui doit être transposé en droit national par tous les signataires de la convention, stipule que "les enquêtes et les poursuites pour corruption d'agents publics étrangers ne seront pas influencées par des considérations d'intérêt économique national, les effets possibles sur les relations avec un autre Etat ou l'identité des personnes physiques ou morales mises en cause". Au niveau bilatéral, les Etats-Unis et la France se montrent particulièrement actifs sur ce dossier.

Que fait la société civile?

Plus de 80 organisations non gouvernementales, dont évidemment Transparency International, ont adressé une lettre à Tony Blair exigeant une reprise de l'enquête. Deux associations britanniques, Campaign against armes trade (CAAT) et The Corner House, une organisation d'avocats, ont également déposé un recours devant le parquet britannique (attorney general). Le point central de leur saisine est que l'article 5 de la convention OCDE n'autorise pas à s'exonérer des obligations de la convention au nom de l'intérêt général ou national.

Quelle est la position de Transparency International?

Il existe un très fort consensus au sein des sections de Transparency International dans le monde. Le président de Transparency Allemagne, Hansjorg Els Horsp, a été mandaté par l'ensemble de nos sections pour transmettre un message au G8 dont l'Allemagne assure la présidence cette année.

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