Faut-il avoir peur de la Chine en Afrique ?

La Chine est devenue en 2006 le premier partenaire commercial du continent africain devant la France. Cette irruption d'un nouveau compétiteur dans le marigot africain est vue d'un mauvais oeil par les bailleurs de fonds traditionnels. La Chine ne se comporte pourtant pas très différemment des anciennes puissances coloniales, estiment Roland Marchal, chercheur au Centre d'études sur les relations internationales (Ceri), et Ricardo Soares de Oliveira, chercheur associé à l'université de Cambridge.

Faut-il s'inquiéter de la poussée diplomatique et économique de la Chine en Afrique? La Chine est devenue l'an dernier le premier partenaire commercial du continent devant la France. Ses échanges avec le continent sont passés de 3 milliards de dollars en 1995 à 55 milliards en 2006. La manufacture du monde s'intéresse évidemment aux considérables réserves de matières premières du continent, notamment son pétrole.

Cette offensive économique se double d'une politique très généreuse de prêts. La Chine s'est ainsi engagée sur un programme de prêts de 3 milliards de dollars à taux préférentiels sur trois ans, qui ne sont "assortis d'aucune condition politique".

Cette percée chinoise suscite une pluie de critique des bailleurs de fonds traditionnels - essentiellement les anciennes puissances coloniales. Pékin est accusé pèle mêle de ne s'intéresser qu'aux matières premières du continent, de soutenir des régimes infréquentables, d'alimenter une corruption effrénée, de favoriser le ré-endettement du continent, de saper le travail des institutions financières internationales en refusant toute immixtion dans les affaires intérieures africaines.

"La Malaisie était accusée des mêmes maux lorsque ses entreprises ont commencé à investir en Afrique", se souvient Roland Marchal, chercheur au Ceri et auteur de "Afrique-Asie, une autre Mondialisation" (Presses de Sciences Po, sortie prévue en mai). "Ces opérateurs étaient accusés de tous les maux (mafia, blanchiment, corruption) alors que leur seul crime était d'être nouveau sur la scène africaine", explique ce spécialiste. Les compagnies pétrolières chinoises sont accusées de pratiquer la corruption à outrance pour décrocher des permis pétroliers. "Leurs méthodes sont les mêmes que celles des compagnies occidentales", rétorque Ricardo Soares de Oliveira, chercheur associé à l'université de Cambridge.

Les relations entre l'Afrique et la Chine ne datent pas d'hier. Sans remonter aux expéditions commerciales de la dynastie Ming à partie du XIVéme siècle - la girafe symbolise la chance - la Chine de Mao était déjà très présente aux côtés des damnés de la terre pendant la décolonisation du continent. Roland Marchal date le grand retour diplomatique de la Chine à 1989. Alors que la répression estudiantine sur la place Tienanmen est très largement condamnée, le président chinois Deng Xiaoping trouve le soutien de nombreux régimes africains.

La présence chinoise en Afrique n'a depuis cessé de grimper, investissant tous les secteurs économiques - construction, distribution et surtout exploitation des matières premières. La médaille a évidemment son revers mais le phénomène est loin d'être négatif vu d'Afrique. La flambée des cours des matières premières en partie provoquée par les énormes besoins de la Chine - la manufacture du monde - est évidemment une bonne chose pour un continent riche en ressources naturelles.

Appréciée de certains dirigeants africains, la non ingérence de Pékin dans les affaires intérieures est décriée dans de nombreuses chancelleries occidentales. La Chine est le premier investisseur étranger au Zimbabwe et les compagnies pétrolières chinoises produisent l'essentiel du pétrole extrait au Soudan. Deux régimes aux bans de la communauté internationale. Mais les relations entre la Chine et ces deux pays sont anciennes et "la morale n'a pas toujours été au coeur de la politique de la France à l'égard du Soudan d'Omar El Bechir", rappelle Roland Marchal. La France entretien également les meilleures relations avec plusieurs pays peu recommandables.

"L'une des conséquences majeurs du retour des chinois en Afrique est l'érosion du monopole de l'occident sur les questions de développement", estime Ricardo Soares de Oliveira. La Banque Mondiale s'intéresse de nouveau au financement des infrastructures mais également au développement du secteur agricole, deux secteurs laissés en jachères depuis les années 70. La critique la plus "pertinente" concerne probablement le manque de transparence de l'aide accordée par la Chine. "Le FMI a été obligé de plier bagage en Angola - deuxième producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne - après la signature d'un prêt de plus de 2 milliards de dollars entre la Chine et Luanda", rappelle Roland Marchal.

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