Supprimer l'échec scolaire pour lutter contre le chômage

Michel Godet est membre du Conseil d'analyse économique, co-auteur par ailleurs de "La Famille, une affaire privée et publique". Selon lui, la clef du chômage des jeunes passe certainement par des systèmes d'alternance école-entreprise, le plus tôt possible pour ceux qui, de toute façon, quitteront le système scolaire traditionnel sans rien.

Rien n'est plus choquant et révoltant que d'avoir entre 20 % et 25 % des jeunes au chômage dans une société vieillissante et paradoxalement inquiète du manque de bras et de cerveaux. Dans le même temps, les entreprises de l'artisanat, des BTP et de l'hôtellerie se déclarent prêtes à embaucher et à former des dizaines de milliers de jeunes qu'elles désespèrent de trouver. Avant de chercher à comprendre ce qui se cache derrière le chômage des jeunes, il faut relativiser sa signification.

Un bref calcul montre que sur 100 jeunes en âge de travailler dans la tranche des 16-25 ans, seuls 37 % sont actifs, dont moins du quart au chômage: les autres étudient. Autrement dit, sur 100 jeunes de 16 à 25 ans dans la rue, moins de 9 d'entre eux sont effectivement au chômage. Ce chiffre paraît comparable à celui de l'Allemagne, où 7 jeunes sur 100 sont à la recherche d'un emploi. Mais cette similitude ne doit pas faire oublier la profonde différence entre les deux pays: le taux d'activité des jeunes Allemands est de près de 50 % et le taux de chômage parmi eux de seulement 14 %, et donc bien plus faible que le nôtre.

Bref, le taux de chômage des jeunes doit toujours être rapproché de leur taux d'activité. Ce dernier remonte en France, depuis bientôt une dizaine d'années, alors qu'il avait chuté de moitié entre 1975 et 1995, revenant de 50 % à 25 %. On relèvera sans malice aucune qu'il y a aussi presque cinq fois plus d'apprentis en Allemagne qu'en France. De là à penser qu'il faudrait renforcer plus encore les filières d'alternance chez nous!

Par ailleurs, le taux de chômage diminue avec le niveau de formation, de l'ordre de 40 % pour les 50.000 jeunes sortis de l'école sans aucune qualification. Il est quatre fois plus faible pour les diplômés de l'enseignement supérieur, avec toutefois une rentabilité décroissante, voire négative, de certaines études supérieures au-delà de bac + 2. En effet, le taux de chômage des formations universitaires (trop) longues est devenu, ces dernières années, supérieur à celui des formations supérieures plus courtes.

Le chômage des jeunes concerne d'abord les deux extrêmes de l'échiquier scolaire: les jeunes en échec, sortis de l'école sans parchemin, difficilement employables en l'état; et, de plus en plus, les détenteurs d'assignats universitaires. Les employeurs sont réticents à embaucher des surdiplômés car, pour devenir un bon professionnel, il faut être bien dans sa peau et dans sa tête. Les rapports officiels du Haut Comité de l'éducation ("Que vaut l'enseignement en France?", par Christian Forestier et Claude Thélot, éditions Stock, 2007) montrent que, en plus des 50.000 jeunes sortis de l'école en échec avant la fin de la scolarité obligatoire, il y a aussi 100.000 jeunes qui n'obtiennent pas de diplôme de second cycle: CAP, BEP ou baccalauréat.

Au total, c'est 20 % d'une génération qui sort de l'école sans diplôme, et qui se trouve marquée par la brisure de l'échec scolaire. Ce dernier est en grande partie responsable de la violence exprimée par certains jeunes à l'école et dans la rue. Ils ne font que projeter à l'extérieur ce qu'ils subissent dans leur for intérieur. Comment ne pas se sentir exclu quand, entrant au collège, on ne comprend quasiment rien de ce qui se dit dans une langue et des références étrangères. À quoi bon les maintenir dans l'échec jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire? Ne faudrait-il pas imaginer des parcours adaptés, comme l'étaient les classes de transition?

La clef du chômage des jeunes passe certainement par des systèmes d'alternance école-entreprise, le plus tôt possible pour ceux qui, de toute façon ,quitteront le système scolaire traditionnel sans rien. Le taux de chômage de ces jeunes restera de l'ordre de 40 %, car nombre d'entre eux ne sont pas employables faute d'un minimum de savoir-être. C'est dire aussi que, parmi ceux qui ont échoué à l'école faute de maîtriser les savoirs de base, une bonne moitié a le minimum de savoir-être pour trouver un emploi.

L'apartheid urbain se renforce dans nos cités et la carte scolaire ne contribue pas à la mixité et à l'intégration. Comment intégrer dans des écoles où 50 % à 100 % des enfants ne sont pas de langue maternelle française? Sujet d'autant plus tabou que l'on refuse de voir que 40 % des naissances en Île-de-France sont d'origine immigrée. Comment traiter un problème que l'on s'interdit de mesurer?

La lutte contre le chômage des jeunes devrait commencer par tarir sa source: l'échec scolaire et l'incapacité de notre société (parents, enseignants, éducateurs sociaux) à transmettre les savoirs, les valeurs et les comportements élémentaires indispensables pour l'autonomie, l'épanouissement mais aussi la sociabilité et l'employabilité des individus. Il n'est de richesses que d'hommes éduqués!. L'homme se comporte vite comme un animal sauvage dans une société barbare. La civilisation est fragile et ne tient qu'à ce fil de l'éducation!

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