Affaire fuzz.fr : les sites Internet collaboratifs épinglés par la justice française

Le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris vient de juger en référé le créateur du site collaboratif fuzz.fr d'avoir porté atteinte à la vie privée d'un acteur. Une décision qui, si elle fait jurisprudence, à de quoi inquiéter les sites collaboratifs, dont l'information est alimentée par les internautes. De quoi aussi secouer les éditeurs, les hébergeurs et le web 2.0 français.

"C'est un jour noir pour le web collaboratif français car c'est la porte ouverte à toutes les procédures", déplorait ce jeudi le créateur de fuzz.fr, Eric Dupin, jugé en référé d'avoir porté atteinte à la vie privée de l'acteur français Olivier Martinez. Le juge des référés, Philippe Jean-Draeher, a en effet considéré qu'"en renvoyant au site celebrites-stars.blogspot.com" qui publiait un article sur ledit acteur, "fuzz.fr avait opéré un choix éditorial". Début mars, Olivier Martinez avait assigné en justice une vingtaine de sites, dont fuzz.fr, qui indiquaient qu'il était de nouveau en couple avec la chanteuse australienne Kylie Minogue.

Pour le tribunal, "l'acte de publication doit être compris non pas comme un simple acte matériel, mais comme la volonté de mettre le public en contact avec des messages de son choix". Fuzz.fr "doit donc être considéré comme un éditeur de service de communication au public en ligne", responsable du contenu qu'il publie. C'est à ce titre que le TGI a condamné Eric Dupin, à verser 1.000 euros de dommages et intérêts à Olivier Martinez, ainsi que 1.500 euros de frais de justice.

Eric Dupin a déclaré être "affligé" par cette décision, épilogue d'une affaire qui suscite une grande émotion sur le net et plus particulièrement le Web 2.0, ces sites interactifs créés et alimentés par les internautes qui fleurissent depuis 2000. Mais il ne s'avoue pas totalement vaincus envisage ainsi avec son avocat, maître Gérald Sadde, de porter l'affaire devant les juges du fond.

Parmi tous ces sites collaboratifs, figurent pour les plus connus Wikipedia, Facebook, DailyMotion ou YouTube qui appartiennent à de grosses sociétés mais de nombreux autres sont le fait de particuliers qui ont créé eux-mêmes leur site, à l'instar de fuzz.fr. Appelé "digg-like" dans le jargon du net, il s'agit d'un site sur lequel les internautes votent pour des liens proposés par d'autres. Les liens qui remportent le plus de votes sont propulsés à la une du site, tandis que les informations qui sont jugées les moins pertinentes, comme celle concernant Olivier Martinez, "finissent dans les tréfonds du site au bout de trois jours", explique Eric Dupin. Dépité, il a décidé de jeter l'éponge. "C'est trop risqué. Comme je ne peux vérifier les liens un à un, je ferme le site et vais réfléchir à une autre formule".

Son avocat se dit "atterré", son client n'ayant "aucune maîtrise éditoriale sur les informations postées" par les internautes: "C'est comme si on condamnait le kiosquier du coin parce qu'il expose les unes des magazines people au public. C'est aller très loin dans la responsabilité".

Son de cloche évidemment différent pour l'avocat de la partie adverse, maître Emmanuel Asmar qui se satisfait de cette ordonnance en référé "qui fait droit au respect de la vie privée, quel que soit le type de support". Il va même plus loin. Selon lui, tous les sites internet devront dorénavant être considérés non plus comme de simples hébergeurs, mais comme des éditeurs, responsables de leurs contenus. Il assure que cette décision "fait jurisprudence".

Au-delà des principaux protagonistes, cette décision est jugée "très intéressante" par un avocat spécialisé dans les technologies de l'information, maître Olivier Iteanu. "C'est un épisode de plus dans la détermination précise entre prestataire technique et éditeur", une difficulté "récurrente depuis dix ans", commente-t-il. Puis d'ajouter: "Avec le Web 2.0, tout le monde publie, tout le monde édite, ce qui rend les frontières de plus en plus ténues".

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