La justice ordonne un complément d'enquête sur trois suicides au Technocentre de Renault

Elle suit ainsi l'avis de l'inspecteur du travail qui recommandait de joindre les dossiers. Le directeur du Technocentre a qualifié ces suicides de "drames personnels".

La justice a ordonné un complément d'enquête sur trois suicides de salariés du Technocentre de Renault à Guyancourt (Yvelines). Elle suit ainsi l'avis de l'inspection du travail qui recommandait de joindre les dossiers. Le parquet de Versailles a confié il y a quelques semaines le complément d'enquête à la police. Une enquête préliminaire avait été ouverte en février 2007 sur le troisième suicide, sans déboucher pour l'instant sur une information judiciaire.

En janvier dernier l'inspection du travail avait envoyé un "avertissement" à la direction de Renault à propos de "harcèlement moral institutionnel" envers les salariés du Technocentre. En particulier, l'inspecteur du travail reproche au constructeur automobile de ne pas se donner les moyens de contrôler les horaires de ses cadres et de leurs dérives.

Dans son rapport remis en décembre dernier au Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du Technocentre, le cabinet Technologia pointe l'importante charge de travail à laquelle sont confrontés les salariés et leurs conséquences néfastes sur la santé. Ainsi, alors que les horaires d'ouverture du centre de recherche et de conception des voitures Renault étaient à l'époque 5h30 - 22 heures (ils ont été ramenés depuis à 7 heures - 20h30), 64% des salariés déclarent travailler neuf heures et plus, sans compter la pause déjeuner. Beaucoup emmènent du travail chez eux, le soir comme le week-end.

Le stress des salariés du Technocentre est par ailleurs largement répandu. Selon le rapport Technologia, 31% des salariés sont au-dessus de la norme de "stress excessif" contre 11% en moyenne pour les ingénieurs en France, et 43% assurent vivre une situation professionnelle éprouvante.

Deux des trois suicides du Technocentre survenus entre octobre 2006 et février 2007 ont été reconnus comme accidents du travail par l'assurance maladie. Les familles de ces deux salariés ont déposé des requêtes en "faute inexcusable" de Renault. Lors d'une audience en conciliation le 12 juin sur l'un des suicides, Renault " a refusé de reconnaître une quelconque responsabilité", ont indiqué les avocats des familles.

La direction du constructeur, selon un porte-parole cité par l'AFP, "considère qu'il n'y a pas de faute inexcusable", qui "suppose que Renault avait conscience ou connaissance du danger auquel était exposé son salarié et n'a pas pris de mesure pour l'éviter, ce qui n'était pas le cas". Lors d'une fête organisée dimanche pour les 10 ans du Technocentre, son directeur Bernard Olliver a qualifié dimanche les suicides de "drames personnels", évoquant "l'évolution de la société où les gens sont de plus en plus seuls à supporter leurs problèmes".

Au total cinq salariés du Technocentre se sont donnés la mort depuis 2004, dont un employé par un sous-traitant de Renault en mars dernier.

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