Crise de la finance, des changes, des prix de l'alimentaire : le G7 et le FMI se mobilisent

Les grands argentiers de la planète, réunis ces derniers jours, sont sortis de leur traditionnelle langue de bois. Notamment en lançant un ultimatum aux banques pour qu'elles fassent toute la lumière sur leurs engagements à risque.

Réunis en cette fin de semaine, les grands argentiers (ministres de l'Economie et des finances, banquiers centraux...) des pays les plus industrialisés, le G7, ainsi que le FSF, le Forum de stabilité financière et le FMI, le Fonds monétaire international, sont sortis de leur traditionnelle langue de bois.

Sur la crise actuelle qui va de la finance aux devises en passant par l'envolée des prix de l'alimentaire et de l'énergie, ils ont tapé du poing sur la table. Au point de lancer un ultimatum aux banques afin qu'elles fassent dans les cent jours qui viennent toute la lumière sur leurs engagements à risque.

Le FSF a également souligné la responsabilité des banques, établissements financiers et sociétés de notation financière dans la dérive des marchés liés au manque de contrôle et d'évaluation d'instruments financiers de plus en plus complexes. Il a appelé à une meilleure couverture et à des fonds propres plus importants et plus solides face aux risques que font peser ce snouveaux engagements et produits financiers.

La ministre française de l'Economie Christine Lagarde a toutefois estimé samedi : "il y a clairement un examen de conscience à l'oeuvre dans l'industrie bancaire, la banque d'investissement en particulier". Elle a ajouté qu"il fallait rechercher "le point d'équilibre entre ce qui est bon pour la finance" et ce qui peut entraîner des risques excessif par les opérateurs boursiers. Selon elle, les dirigeants bancaires, qui ont participé au dîner du G7 Finances vendredi, sont "globalement très favorables" à une plus grande réglementation, "avec même des propositions d'application au champ des fonds spéculatifs" (les "hedge funds").

Même son de cloche du côté du gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, qui rappelé que l'Institut de la finance internationale, qui représente plusieurs centaines de banques, a reconnu "qu'il y avait eu des pratiques qui n'étaient pas optimales en matière de rémunération et dont les banques souffraient maintenant".

Si les membres du G7 n'ont pas prononcé le mot tabou de "récession" qui menace pourtant les Etats-Unis voire le Japon, ils ont estimé que les perspectives de l'économie mondiale s'étaient dégradées, indiquant que ce mouvement qui frappe l'année 2008 pourrait s'étendre à 2009. Les turbulences sur les marchés financiers "durent plus longtemps que nous l'avions anticipé" reconnait le communiqué du G7.

Sur la question des changes, autre tabou car les Etats-Unis n'aiment pas que l'on sous-entende qu'ils laissent plonger le dollar face à l'euro et au yen, les responsables du G7 là encore sortent du bois. "Depuis notre dernière rencontre" (ndlr: en février, à Tokyo), il y a parfois eu des fluctuations fortes des principales monnaies et nous sommes préoccupés par leurs possibles implications sur la stabilité économique et financière", souligne leur communiqué. Même s'il ne mentionne pas ouvertement le dollar. En revanche sur la monnaie chinoise, le yuan, accusé d'être sous-évalué - il est indexé sur le dollar - ce qui dope les exportations chinoises, les grands argentiers se félicitent de son appréciation mais souhaite que Pékin fasse en sorte que ce mouvement soit encore plus rapide.

Enfin sur l'autre grand sujet du moment, la flambée des prix, notamment de l'énergie et surtout des produits alimentaires, qui provoquent ce qu'on appelle désormais les émeutes de de la faim, en Afrique (Cameroun, Côte d'Ivoire, Egypte) et en Asie (Indonésie, Philippines), le directeur général du FMI, le français Dominique Strauss-Kahn a lancé : "les prix de l'alimentation, s'ils continuent comme ils le font maintenant... les conséquences seront terribles. Des centaines de milliers de personnes vont mourir de faim... ce qui entraînera des cassures dans l'environnement économique".

Cette flambée des prix des denrées alimentaires frappe de plein fouet les organisations internationales d'aide humanitaire, et plus particulièrement le "grenier des Nations unies", le Programme alimentaire mondial (PAM) qui souligne qu'il est de plus en plus difficile de trouver de la nourriture. Présente dans 78 pays, elle nourrit 73 millions de personnes

Et le directeur général de la FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, Jacques Diouf, estime dans un entretien publié par le Journal du Dimanche : "Je ne serais pas surpris si les réactions populaires que l'on a pu observer en Afrique ou dans les Caraïbes s'étendent prochainement à l'Asie. Il existe déjà de nombreuses tensions dans beaucoup de pays asiatiques, y compris ceux qui exportent des produits alimentaires". Et d'ajouter : je ne vois pas de raisons objectives à des diminutions de prix. Il faut donc s'attendre à de nouvelles émeutes de la faim".

La Banque Mondiale que dirige l'américain Robert Zoellick a également affiché son inquiétude sur ce sujet de la flambée des prix de l'alimentaire et des émeutes qui en résultent. D'après un de ses rapports publié la semaine dernière, la hausse des prix du blé dans le monde a atteint 181% en février sur 36 mois, et celle des prix alimentaires 83%.

Pas sûr dans ces circonstances que les déclarations du secrétaire américain au Trésor (équivalent du ministre de l'économie) Henry Paulson soient appréciées. S'exprimant justement devant le Comité de développement de la Banque mondiale, il a déclaré que les pays en développement avaient largement profité de l'augmentation des prix des matières premières ces dernières années, qui leur a permis d'atteindre des taux de croissance supérieurs à 6% notamment grâce aux exportations.

Plan d'urgence en Haïti pour faire baisser les prix du riz

Après les émeutes contra la flambée des prix de l'alimentaire en Haïti qui ont fait cinq morst et causé le départ forcé du Premier ministre Jacques Edouard Alexis, les autorités haïtiennes ont lancé samedi un plan d'urgence pour faire baisser d'environ 15% le prix du riz. Selon le président René Préval, ces mesures seront en partie financées par le secteur privé et par des donateurs internationaux. Il exclut pour l'instant une baisse des taxes sur les denrées alimentaires afin de maintenir les recettes fiscales qui doivent financer les projets de développement du pays, notamment dans l'agriculture. La Banque mondiale a décidé hier d'octroyer une aide de 10 millions de dollars à Haïti pour aider le gouvernement à répondre à la crise alimentaire.

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