France, Tunisie : Quand le drame nous rappelle à notre destin commun

par Radhi MEDDEB, Président d'Action et Développement Solidaire, Président de l'Institut de Prospective Économique du Monde Méditerranéen (Ipemed, Paris)
Radhi Meddeb

Le terrorisme a frappé lourdement en France. Il a frappé à répétition. L'horreur mise à nu. Ces images d'êtres désarmés, attaqués par des brutes lourdement armées, déchiquetés dans leur corps mais bien plus, dans ce qu'ils ont de plus précieux et de plus humain, leur capacité à réfléchir, penser, écrire et prendre de la distance avec la réalité avec malice, sont tout simplement insupportables. La Tunisie n'aura pas vécu pas ce drame par procuration. Deux de ses enfants, deux français d'origine tunisienne, l'un musulman et l'autre juif, ont été lâchement assassinés dans ces derniers événements.

Dans le combat inégal de la bêtise contre la raison, de la violence contre la paix, de l'inculture contre la culture, de l'impensé contre le pensé, de l'intolérance contre la tolérance, de l'obscurantisme contre la lumière, du totalitarisme contre l'épanouissement de l'être, les faits n'ont pas toujours favorisé le meilleur.

Le combat est inégal, car aux idées, il oppose des armes de destruction massive. L'histoire de l'Humanité est émaillée de si nombreux faits inhumains.

Le déchaînement d'une telle violence doit alerter tous nos gouvernants sur les dangers du laxisme envers toutes les formes de prosélytisme, souvent toléré sous couvert de liberté d'expression. Il n'autorise pas pour autant la stigmatisation de qui que ce soit et encore moins des populations musulmanes de France. Celles-ci seraient alors doublement victimes, de la xénophobie vécue au quotidien, mais aussi de la condamnation publique et collective pour des faits commis par certains qu'elle bannit, et auxquels l'Humanité entière devrait retirer tout qualificatif d'humain. Des bêtes sanguinaires et enragées, déguisées dans des silhouettes qui ressemblent vaguement à des personnages de mauvais thrillers.

"Nous avons trop longtemps fait preuve de laxisme"

La France est en guerre. Mais elle n'est pas seule. Elle l'est sans raison et sans l'avoir voulu. Elle est frappée au plus profond de sa chair, pour avoir défendu la paix et la sécurité au Mali et ailleurs. Elle est confrontée à des expressions d'une violence inouïe et jusque là inconnue. Elle rejoint bien des pays qui, comme la Tunisie, subissent le terrorisme pour avoir choisi le camp de la liberté, des droits humains et des valeurs universelles.

Mais, nous sommes tous dans cette situation, car nous avons trop longtemps fait preuve de laxisme, accepté l'inacceptable, admis l'inadmissible.

Nous avons accepté que le droit international soit déconnecté de la pratique quotidienne, qu'il soit réduit à une superbe construction intellectuelle, foulée quotidiennement en toute impunité par des États puissants, protégés par d'autres encore plus puissants.

Nous avons accepté que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes soit une fiction à géométrie variable.

Nous avons accepté, au nom de la real politik ou de positions commerciales à court terme, que dans bien des occasions, les intérêts prévalent sur les principes.

Nous avons accepté que certains États massacrent leurs populations en toute impunité et que d'autres, nombreux, les laissent faire au nom des principes de souveraineté, de non ingérence ou encore de préservation d'équilibres éculés.

Nous avons accepté que les organisations internationales soient en décalage total par rapport à la puissance économique et financière du monde d'aujourd'hui, au prétexte de préserver des équilibres obsolètes et désuets.

Nous avons accepté qu'au nom du libre échange, de la libre entreprise et de la main invisible du marché, s'installent durablement et irrémédiablement des inégalités flagrantes et contre productives.

Ne réagissons pas à chaud. Ne cédons pas à la facilité du retour sur soi, de l'enfermement identitaire et du rejet de l'autre. La tentation est grande. Elle est portée par les discours réducteurs et xénophobes. La très forte émotion la nourrit.

"Notre destin est commun dans le meilleur et dans le pire"

Ce combat n'est pas celui de la France seule ni même celui de l'Occident seul. Il est le nôtre, celui de nous tous ceux qui luttons pour l'épanouissement de l'humanité, la compréhension des peuples, le dialogue des civilisations et l'enrichissement par la connaissance mutuelle.

Cette guerre ne sera gagnée ni par les armes ni par une approche strictement sécuritaire. Elle exige une forte solidarité, des investissements massifs dans l'éducation et la culture, dans les infrastructures et dans la création d'emplois. Elle exige la mise en conformité du droit avec la pratique. Elle exige aussi de redonner de l'espoir à tous ceux qui en ont manqué dramatiquement et qui se sont laissés entraîner vers les abîmes de l'inhumain.

 La régionalisation du monde rend l'Europe et ses pays voisins du sud et de l'est de la Méditerranée, conjointement responsables d'identifier un projet sociétal commun, fait de plus de solidarité, de plus de proximité et de plus de complémentarité. Notre destin est commun dans le meilleur et dans le pire. Sachons ensemble, le construire au service de nos peuples et dans le respect de nos valeurs.

Radhi Meddeb
Tunis, le 10 janvier 2015

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Commentaires 4
à écrit le 13/01/2015 à 10:20
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BONNE ANNALYSE??? SOYONS UNIES CONTRE LE PHANATISMES RELIGIEUX? LEMESSAGE RELIGIEUX EST AIMER VOUS LES UNS LES AUTRES COMME DIEU VOUS AIME???

à écrit le 13/01/2015 à 9:34
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Fier d'être musulman ? Bof, personnellement après lecture du livre j'ai abandonné cette éventualité, de l'être et d'en être fier.

à écrit le 12/01/2015 à 11:55
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Très belles paroles, je suis fier d'être franco-tunisien! fier d'etre musulman, Vive la france vive la republique Merci

le 13/01/2015 à 23:30
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Un franco-tunisien c'est français ou tunisien en cas de conflit militaire ou civil?

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