Carnet de bord décalé : Tapas obligataires

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait ou un chiffre saillant.
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Lundi 10 janv. Rechute

C'est reparti comme en 1940 ... Ou comme en 2010 devrait-on dire. La première semaine de l'année écoulée, les marchés financiers sombrent à nouveau dans la sinistrose aigue. Même diagnostic car même virus et même syndrome ... Le risque souverain - véritable chicoungounia financier européen - continue de faire parler de lui en prévision d'une semaine chargée en matières d'adjudications des maillons faibles de la zone euro. Les PIIGS européens relancent la crainte d'une pandémie de dette porcine sur le Vieux Continent. Résultats : les Bourses européennes ont une rechute de tremblote façon encéphalopathie spongiforme bovine ... Comme les autres indices, le CAC 40 trébuche de 1,64 %. Et pour cause, premières valeurs sujettes à ce genre de crises, les banques - pas si « bankables » que cela depuis un an (et plus) pour les investisseurs - sont toujours aussi surpondérées ... 16 % à Paris, 18 % à Francfort, 20 % à Londres, 32 % à Madrid ! Et les marchés ne seront pas déclarés en rémission tant que le phénomène durera. Et dire que la dernière ordonnance des médecins du conseil scientifique a été de prescrire au CAC 40 du Natixis en remplacement du Dexia ...Seule consolation : le phénomène fonctionne aussi en sens inverse. Mais quand ?

Mardi 11. Parquet chinois

Pour ceux qui en doutaient encore, le monde n'est plus multipolaire. Il est monopolaire. Et pour ceux qui auraient été cryogénisés dans les années 1980, ce ne sont plus les Etats-Unis le centre de gravité économique et financier de la planète mais l'Empire du Milieu. Certes, l'information ne date pas d'hier mais le chiffre du jour apporte aux cryogénisés des années 1980 une preuve supplémentaire de cette évidence. Le chiffre du jour vient tout droit de la Banque centrale chinoise ( herself ), qui dit détenir 2.848 milliards de dollars de réserves de change. Rien de moins que 30 % des réserves mondiales. Forcément avec les bénéfices tirés d'une croissance du PIB à 9,5 % en 2010, la Chine a les moyens d'acheter du dollar. Et elle ne fait que cela ... Pour maintenir un yuan à des niveaux ultra-compétitifs ... Vendre plus facilement la camelote "Made in China" aux "Consumers made in US". Celui qui rit jaune aujourd'hui, c'est Ben ... le boss de la Fed qui peut effectivement se réjouir des premiers effets positifs de son QE II sur l'économie américaine. Les 600 milliars de dollars de rachats d'emprunt d'état sont un bon stimulus pour relancer la croissance. Le problème c'est qu'elle sera griffée "Made in China" et que les liquidités versées sur le sol américain vont certainement couler au travers des lattes du parquet chinois ... A l'image de l'environnement, l'écosystème financier et économique mondial est un peu bancal.

Mercredi 12. Ovni

EADS ce n'est plus vraiment de l'aéronautique, c'est plutôt devenu de l'aérospatial. Son action, un véritable ovni évoluant en pleine stratosphère boursière dont la frontière a été franchie la veille au passage du seuil des 20 euros l'action - pour la première fois depuis 2007. C'est vrai que l'on est encore loin de l'orbite satellitaire des 35 euros l'action touché en mars 2006 alors que l'euro poétisait à l'époque avec les 1,19 voire 1,18 dollar. C'est à se demander aujourd'hui si - une nouvelle fois - le titre est entouré pour la méga-commande de 180 A320 (dont 150 du tout-nouveau-tout-beau-tout-écolo A320, nouvelle version remotorisée du best seller d'Airbus) ou parce que la devise européenne est salement chahutée face au dollar en prévision du premier test obligataire de l'année pour le Portugal. Louis Gallois doit être en train de croiser les doigts pour que l'opération tourne à la débrandade . Malheureusement non. A force de fréquenter le marché obligataire, les portugais finissent par s'y sentir comme chez eux ... Au point que l'adjudication remporte tous les suffrages ... Que l'euro passe dans la journée de 1,29 à 1,31 dollar. L'ovni EADS est un peu volatil. Pas facile d'être la seule action européenne à être jouée sur le thème de l'apocalypse en zone euro ...

Jeudi 13. Tapas obligataires

Anibal Cavaco Silva, Georges Papandréou, Silvio Berlusconi et Luis Zapatero, en chef de cérémonie, se sont réunis, à l'ombre d'un chiringuito, ces charmantes paillotes jonchant les plages andalouses, pour profiter de l'instant. Devant eux, un plat géant orné d'une myriade de tapas en tout genre trône sur la table. Sur les pièces, sont inscrits les taux auxquels le Portugal, la Grèce, l'Italie et l'Espagnol viennent d'emprunter. Chaque bouchée a un goût de revanche. Les dirigeants des pays dits « périphériques » trinquent à leur succès obligataire. Certes le coût du refinancement est plus onéreux qu'il y a encore deux mois. Mais la demande bât son plein. Les offres initiales en deviennent trop étroites. Parfois même comme pour l'Espagne, on emprunte à des taux inférieurs à ceux en vigueur sur le marché secondaire. Le spectre du défaut de paiement s'éloigne. On craignait pour la situation de l'Espagne qui pèse plus de 10% du PIB de la zone euro. Désormais on accepte de lui prêter de l'argent à tout va.

 

Vendredi 14. Montagnes suisses

A Genève, les horlogers se frottent les mains. Les fabricants de montres suisses au mécanisme incomparable commençaient à craindre de voir la cherté de leurs précieuses créations menacer leur carnet de commandes. Non sans raison. La monnaie helvétique a flambé de plus de 15 % en 2010. Dans les alpages, l'emmental se vend à prix d'or. Quoi de plus normal pour une devise, qui comme les lingots, s'est imposée comme une valeur refuge en plein marasme de la dette souveraine en zone euro. Seulement voilà, des éclats de plomb pourraient bien combler les trous du gruyère en lieu et place des pépites. Les pays dits « périphériques » au premier rang duquel figure l'Espagne, sont parvenus à se refinancer sans encombre à des taux non prohibitifs. Un argument de plus en faveur d'un renforcement de l'euro, qui signe sa meilleure semaine depuis deux ans, grâce à l'évocation par Jean-Claude Trichet, le patron de la BCE, de possibles risques inflationnistes.

 

 

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