La guerre des sexes aura-t-elle lieu ?

« Tous unis pour un changement global. » L'appel international lancé ces jours-ci par les « indignés » aurait pu figurer au rang de thème majeur du Women's Forum... avec des « es ». Car le forum avait choisi comme fil conducteur « What if ? » (Et si ?) pour engager les femmes à prendre des risques, à « exprimer leur libre arbitre et écouter leur intuition » selon la formule de Véronique Morali, présidente de cet événement.
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Transgresser, aller vers l'inconnu, se projeter dans le champ des possibles, voilà sans doute l'un des chantiers les plus vastes qui attend les femmes. Si celles-ci se sont admirablement battues, elles ont eu ces dernières années plus tendance à s'approprier des modèles masculins de conquête et de réussite que de tracer une voie plus singulière. « Car que veulent les femmes ? Que les hommes soient des femmes comme les autres ? » s'interroge Sophie Marinopoulos dans un ouvrage à paraître le 3 novembre aux éditions Les Liens qui Libèrent. Dans « Combattre les petites philosophies du pénis », la psychanalyste tire la sonnette d'alarme sur la guerre des sexes qui gronde plus fort chaque jour et qui se traduit, du côté des hommes, par des propos sexistes, comme si les revendications d'égalité des femmes étaient une attaque de leur identité masculine. « Dans une société qui tente l'effacement de la différence des sexes et des générations, il semble de plus en plus périlleux de se supporter dans des places différenciées porteuses d'égalité, d'accepter ce que l'altérité induit dans nos rapports humains. L'altérophobie est en passe de devenir la maladie de notre siècle, son fléau », estime Sophie Marinopoulos.

Il semblerait qu'il y ait désormais une confusion terrible sur les contours de l'égalité. Déjà dans les années 1950, le psychanalyste Erich Fromm s'inquiétait de la tendance croissante à l'élimination des différences liée au concept et à l'expérience de l'égalité. À l'origine, rappelle-t-il, l'égalité signifie que les différences véritables entre individus doivent être respectées et que nul ne doit se servir d'autrui comme moyen de ses propres fins. La société capitaliste contemporaine a tôt fait de transformer cette notion par une « égalité d'automates » selon la formule de Fromm, une standardisation. Désormais, égalité signifie similitude plutôt que singularité. Les femmes sont égales quand elles ne sont plus différentes. « Nos aïeules seraient là, elles nous chuchoteraient un petit manifeste de la parole en vue de rester toujours dans un angle mature pour une société de la différence. Oui, soyons égaux et différents et non égaux et identiques », écrit Sophie Marinopoulos.

Être égaux en étant considérés comme identiques revient à éviter notre condition et constitue un risque majeur pour les femmes, quand ce n'est pas une menace pour les hommes. Le hic, c'est que, comme le souligne Brigitte Laloupe dans son ouvrage « Pourquoi les femmes gagnent-elles moins que les hommes ? » (Pearson), « celles qui ont réussi à accéder à de hautes fonctions n'ont eu d'autre choix que de se comporter en grande partie comme des hommes ». Or, force est de constater, qu'une fois au pouvoir, beaucoup d'entre elles apportent des problématiques et des façons de faire différentes, souligne cette coach de dirigeants. En particulier dans leur souci des autres et leur capacité d'ouverture. Mais ce sont des préoccupations souvent peu valorisées. « Les activités de management ont été élaborées par le passé sur un modèle masculin, rappelle-t-elle, puisque destinées aux seuls hommes. » Aujourd'hui, l'entreprise a tout à gagner à introduire un peu de féminin dans son mode d'organisation. Et d'indiquer ce que serait la réussite au féminin.

Une réussite à bas bruit si l'on prend pour exemple le parcours d'une femme comme Natalie Bader, ex-présidente de Fred (LVMH) et aujourd'hui CEO de Prada France. Loin des attributs habituels de la puissance masculine, cette femme « puissante » a su s'imposer dans les grandes entreprises avec un style bien à elle. Comment ? « Avec empathie, douceur, recul et écoute, dit-elle. Moins de bataille. Ma mission, c'est de faire grandir les autres. Il y a un quotidien parfois difficile dans l'entreprise que j'essaye de mener dans le dialogue, l'ouverture et la gentillesse. Je suis plus dans la recherche du plaisir que dans celui du pouvoir. » En renonçant à être des hommes comme les autres, en imposant peu à peu leur mode d'être et en le signifiant chaque jour, en allant à l'origine de tout ce qui décrit la femme comme l'inférieure de l'homme, les femmes vont pouvoir s'incarner dans des paroles différentes pour un combat commun et un style résolument féminin.

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