L'énigme à 400 milliards d'euros

Par François Roche, conseiller éditorial à La Tribune.
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En quelques jours, autour de Noël, les banques de la zone euro ont déposé 412 milliards d'euros à la BCE, un chiffre qui n'avait encore jamais été atteint. Cette information, intervenant quelques jours après que cette même BCE eut prêté 489 milliards d'euros à 523 banques européennes pour éviter tout risque de liquidité, nécessite un petit décryptage. Des esprits facétieux pourraient en tirer la conclusion que les banques se sont reconstitué des liquidités auprès de la BCE, pour les replacer immédiatement auprès de la même BCE, à perte de surcroît, car ce qu'elles ont emprunté la semaine dernière à 1%, elles l'ont déposé ces jours-ci à 0,25%...

En réalité, les choses ne sont pas aussi illogiques qu'elles apparaissent. D'abord, on ne dépense pas 500 milliards d'euros en une semaine, même dans une Europe en crise économique. Il est donc normal qu'une partie des sommes levées auprès de la BCE soient "parquées" quelques jours auprès de l'institut d'émission européen. Ensuite, nous sommes dans une période de basses eaux en termes d'activité économique, et donc les opérations de crédits sont peu actives. Reste néanmoins l'essentiel : à quoi servira cet argent ? A acheter de la dette souveraine ? Nous aurons une réponse partielle à cette question aujourd'hui même avec une série d'émissions du Trésor italien de 5 à 8 milliards d'euros. Mais cela ne sera qu'une indication, qui n'engagera pas forcément l'avenir. L'autre emploi de ces liquidités consisterait à réanimer le marché interbancaire, ce qui implique deux conditions au moins : que l'activité économique soit suffisamment forte pour que des besoins de financement s'expriment, et surtout, que les banques retrouvent une confiance réciproque dans leurs signatures.

Apparemment, les marchés ne croient guère à cette hypothèse. L'euro a touché hier son plus bas niveau depuis dix ans face au yen, et depuis un an face au dollar, dans un marché certes étroit. Mais le signal est clair, d'autant que cet accès de faiblesse est intervenu après la publication du bilan de la BCE, qui est proche désormais de celui de la Réserve fédérale américaine, à 2.730 milliards d'euros, soit 553 milliards de plus que voici trois mois. L'évolution n'est pas surprenante après les 490 milliards de prêts aux banques de la semaine dernière, mais elle donne une idée assez précise de l'ampleur de la crise de la dette en Europe. Dans ce contexte, les liquidités des banques revêtent un aspect hautement stratégique et l'on comprend que pour elles, "prudence est mesure de sûreté" dans la façon de l'employer...

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