"La concurrence fiscale en Europe est saine si elle est loyale"

Dans un entretien à « La Tribune », Algirdas Semeta, le commissaire européen chargé de la fiscalité, plaide pour une harmonisation rapide de l'assiette de l'impôt sur les sociétés dans l'UE, le cas échéant par une coopération renforcée.
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Le chancelier de l'Échiquier George Osborne a récemment promis de créer «le régime de taxation des entreprises le plus compétitif du G20» au Royaume-Uni, abaissant le taux d'impôt sur les sociétés de 28% à 23%. Partout la concurrence fiscale est la règle. Est-ce que vous vous en satisfaites ?

Il faut distinguer entre la concurrence fiscale loyale et la concurrence nuisible. La première est saine : elle évite que les États résolvent tous leurs problèmes en augmentant la charge fiscale. Il faut aussi éviter les pratiques nuisibles, contre lesquelles nous avons un code de conduite au niveau européen. J'admets que la limite entre les deux est parfois peu claire. C'est pourquoi nous voulons lutter contre les situations où les États membres tentent de voler de la base fiscale aux autres. C'est pourquoi également nous avons proposé de permettre aux entreprises de calculer leur base imposable de façon consolidée et selon des règles communes.

En harmonisant la base sans toucher aux taux, est-ce que vous n'allez pas justement aiguiser un peu plus une concurrence qui bénéficie surtout aux grandes entreprises capables de déplacer leur base fiscale d'un pays à l'autre, au détriment des PME ?

Il faut savoir que dans le système actuel, il est très difficile de calculer le taux effectif de taxation. Les pays ont la possibilité de cacher les avantages qu'ils donnent aux entreprises au moyen de diverses techniques d'ingénierie fiscale. La CCCTB [base fiscale consolidée et harmonisée européenne pour l'impôt sur les sociétés] et la transparence qu'elle apporte permettront de voir le vrai taux de taxation effectif. Les PME seront les premières à profiter de cette harmonisation qui leur permettra de réduire de deux tiers leur coût d'établissement dans un autre pays.

Pourquoi était-il si important que cette base commune reste optionnelle ?

D'abord, cela met la CCCTB en concurrence avec les systèmes nationaux, ce qui est sain. Ensuite, il faut tenir compte de la diversité des entreprises. Beaucoup d'entre elles opèrent au niveau local. Elles doivent rester libres de conserver le régime national si cela leur convient mieux.

Comment réconcilier les pays qui voient la CCCTB comme un début d'harmonisation, à l'instar de ce qui se fait pour la TVA, et ceux qui ne veulent pas en entendre parler, comme l'Irlande ?

Notre proposition est nécessaire aux entreprises et au marché unique et elle est aussi bénéfique à chacun des vingt-sept États membres. C'est à eux à présent de l'examiner. J'espère sincèrement que ceux qui étaient sceptiques changeront d'avis après l'avoir analysé. Si ce n'est pas le cas, je ne rejetterai pas une coopération renforcée si un groupe de pays veut aller de l'avant. Il ne faut pas en tout cas que le débat dure des années. Nous voulons avancer rapidement.

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