"Les Etats ont le choix entre coopérer ou renoncer à certaines technologies d'avenir"

Entretien avec Claude-France Arnould, directeur général de l'Agence européenne de défense
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Le Salon du Bourget s'ouvre dans un contexte de restrictions sans précédent des dépenses d'armement en Europe. Quel message allez-vous porter aux responsables politiques, militaires et industriels européens ?

Non seulement les budgets sont en baisse dans presque tous les États membres mais les engagements opérationnels sont, eux, en hausse. Et le contexte futur n'appelle certainement pas à réduire les capacités de défense. Face à ce paradoxe, il n'y a pas d'alternative à travailler ensemble. L'Agence européenne de défense a été conçue pour les y aider. C'est un peu comme un très bon équipement qu'ils ont à leur disposition et qu'ils doivent utiliser avec tout son potentiel. À l'Agence, nous pouvons améliorer la notice d'emploi, l'ergonomie, mieux faire connaître les possibilités. Mais c'est aux États de prendre l'habitude de l'utiliser pleinement.

La divergence entre les besoins et les engagements, d'un côté, et les capacités, de l'autre, crée-t-elle vraiment une situation critique ?

Pour certaines technologies, on a le choix entre coopérer ou renoncer à ces technologies d'avenir. Pour les satellites de communication, par exemple, nous n'aurons certainement pas le même potentiel si nous ne le faisons pas en coopération, d'ici à la fin de la décennie.

Jusqu'à présent, les ministères de la Défense se sont souvent montrés perméables aux intérêts de leur industrie nationale, ce qui a souvent été un frein au développement de l'Agence. Avez-vous l'impression que les choses sont en train de changer ?

Ce lien que vous décrivez n'est pas le fait de tous les pays de l'Union européenne. Dans les pays qui n'ont pas d'industrie ou dont l'industrie couvre un secteur limité, la coopération européenne n'est pas du tout un réflexe. L'enjeu consiste donc à révéler cet intérêt. Pour les États qui ont une industrie de défense, le paysage a changé. Le Bourget en est l'illustration. La plupart des entreprises sont très largement européennes. Pour eux, défendre leur industrie n'est pas antinomique avec le développement de l'Agence, au contraire.

Vous avez commencé, après votre nomination en janvier, une tournée des capitales. Qu'en avez-vous retenu ?

Il y a un réel intérêt à la fois du côté des gouvernements, des responsables de la défense et de l'armement et des industriels. Ils ont également pris conscience qu'il ne fallait pas forcément tout faire à 26 [les 27 États membres de l'Union européenne moins le Danemark] mais que l'Agence était là aussi pour les aider à travailler à quelques-uns sur des coopérations spécifiques. Par ailleurs, les états-majors sont pris par les opérations en cours et ils ont besoin de solutions en matière de logistique, d'entraînement, de maintenance qui produisent un effet immédiat. Nous travaillons à les leur fournir.

Quels sont les projets prioritaires de l'agence ?

C'est un travail en cours. Il y a trois semaines, les ministres de la Défense nous ont demandé de revenir vers eux au second semestre avec des propositions concrètes en matière de partage et de mutualisation. Le Conseil européen extraordinaire consacré à la défense, envisagé par la présidence polonaise, pourrait aussi être l'occasion d'en parler. En attendant, nous avons des programmes très opérationnels, notamment celui de formation des pilotes d'hélicoptère, dont le dernier exercice a eu lieu le 13 juin à Viterbo, et le laboratoire Forensic sur les attentats à l'explosif, qui a été développé et acquis par l'agence et sera déployé, sous leadership français, cet été en Afghanistan.

Quelles sont vos relations avec les pays tiers ?

J'ai été frappée par les manifestations d'intérêt qu'a reçues l'agence aux États-Unis. Je me rendrai à Washington en septembre. Les Russes et les Ukrainiens ont également fait des propositions dans le transport aérien et la sécurité maritime. La Turquie souhaite un arrangement administratif, à l'image de celui qui nous lie à la Norvège et qui est fructueux, mais cette question est liée au problème plus large des relations entre Ankara et l'Union européenne.

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