Bruno Le Maire : "La création de richesse au détriment de la planète est une impasse"

ENTRETIEN EXCLUSIF. Retour sur les meilleurs moments du forum "RSE : le temps des actes et des preuves". Pour le ministre de l'Economie, des Finances et de la Relance, en ce deuxième anniversaire de la loi Pacte votée le 22 mai 2019, la sortie de crise pandémique et les défis climatiques sont l'occasion de réinventer le capitalisme. "Nous sommes face à une nouvelle révolution industrielle", affirme Bruno Le Maire dans cet entretien. A retrouver aussi en replay en vidéo et en audio sur Spotify.
(Crédits : DR)

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Nous célébrons ce 22 mai les deux ans de la loi Pacte, le Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises que vous avez porté, et qui a créé notamment le statut d'entreprise à mission. Avez-vous le sentiment d'avoir eu, avec cette loi, une idée qui vient à son heure, alors que les dirigeants n'ont que le mot RSE en tête en sortie de crise Covid ?

C'est une idée venue un peu avant l'heure et qui a été confirmée par la pandémie. A la sortie de cette crise, tous nos compatriotes aspirent à un nouveau capitalisme, qui ait du sens, qui lutte contre les inégalités et ne se fasse pas au détriment de la planète. C'était les objectifs de la loi Pacte. Le bilan est positif : 166 sociétés à mission ont été créées. Avec Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, auteurs du rapport "l'entreprise et l'intérêt général", nous avons eu l'intuition que le capitalisme devait changer d'orientation. Le profit pour le profit, les gens n'en veulent plus. La création de richesse au détriment de la planète est une impasse. Il faut inventer un autre capitalisme, qui n'épuise pas les ressources et garantisse l'égalité.

Comment parler de RSE, alors qu'à la sortie de la crise, pour beaucoup de salariés, cela risque surtout d'être le temps des PSE ?

Il faut penser les choses autrement.  Les salariés ne sont pas des adversaires de l'entreprise, ils apportent leurs propositions. Réduire les écarts de rémunération entre les salariés et les dirigeants, c'est créer de la cohésion et avoir une entreprise beaucoup plus performante, avec des salariés beaucoup plus engagés. Intéresser davantage les salariés aux résultats, c'est bon pour l'entreprise. Permettre aux salariés d'avoir plus d'importance dans les conseils d'administration, c'est bon pour l'entreprise.

Défendre l'égalité femmes/hommes, va améliorer la performance et la créativité des entreprises. Je soutiens la proposition de loi de la députée Marie-Pierre Rixain visant à avoir 30% de femmes dans les instances dirigeantes en 2027 et 40% en 2030. Il n'y aura pas d'opposition entre protection de l'environnement et réussite économique.

Ce capitalisme responsable ne peut pas être celui d'un seul pays. Est-ce à l'Europe d'en définir les règles ?

Durant la crise, l'Europe a été le seul continent qui a totalement protégé ses entreprises et ses salariés. Ce modèle de capitalisme qui respecte la personne humaine, les compétences, mais aussi le capital, qui a été accumulé à force de travail et qu'on n'a pas voulu voir disparaitre à cause de la crise du Covid est déjà un modèle européen. Il faut le traduire en normes. L'Europe est capable d'en imposer. C'est le cas avec la taxonomie verte, qui consiste à dire, voilà les investissements qu'il ne faut plus faire et ceux qu'il faut inciter.

Ce capitalisme risque de se heurter à la compétition mondiale si les grands fonds anglo-saxons nous imposent leurs règles et qu'elles ne sont pas aussi responsables que celles que nous voulons.

Il faut que nous arrivions à imposer nos propres règles. Arrêtons de sous-estimer ce que nous représentons. Nous sommes le continent le plus riche de la planète. Il ne faut pas que l'Europe ait peur de son ombre. Elle doit être capable d'imposer ses règles du jeu. John Kerry, l'envoyé spécial de Joe Biden pour le climat est venu en France et nous lui avons proposé de définir une taxonomie commune.

Il faudrait déjà se mettre d'accord sur cette taxonomie en Europe.

Il y a un point de divergence sur le nucléaire. Mais je suis convaincu que la raison va l'emporter. Que chacun va comprendre que le nucléaire est une énergie qui n'émet pas de CO2, qui est disponible de manière constante, que la France maitrise et qu'elle doit être comptabilisée comme une énergie propre. Mettons nous d'accord en Europe et ne fermons pas la porte à une taxonomie commune avec les Américains, qui sont nos alliés.

La finance cherche à sortir du charbon, sous la pression des activistes et des actionnaires. Mais beaucoup l'accuse de green washing et de ne pas aller assez loin ?

La bonne finance, verte, va chasser la finance grise. C'est déjà le cas, sous la pression des ONG, qui jouent un rôle important en nous critiquant et nous mettant sous tension pour nous faire progresser. Après, c'est à nous qui gouvernons d'arbitrer entre ce qui est possible ou pas. Concernant les actionnaires, si je devais choisir entre un fonds d'investissement qui mise sur la création de nouvelles centrales à charbon et un autre qui investit dans l'hydrogène, je choisirai plutôt le second. Une banque qui continuera à financer des usines à charbon, une entreprise qui ne ferait pas évoluer ses modes de production, pour être plus vertueuse, sont condamnées,... parce que les consommateurs, les clients ne voudront plus de leurs produits.

Que pensez-vous du terme "Big Reset", la "grande réinitialisation" du capitalisme, inventé par les fondateurs du forum de Davos ?

Plutôt que cet anglicisme, je préfère parler d'une réinvention du modèle économique, aussi importante que la révolution industrielle. Au XIXème siècle, les machines exploitaient la planète pour générer du profit. Cela a bien fonctionné durant un siècle. La nouvelle révolution industrielle du XXIème siècle est environnementale. Elle consiste à utiliser au mieux les ressources de la planète en les préservant, pour garantir notre bien commun. C'est un défi qui demande de nous réinventer totalement et la France a toutes les cartes pour jouer son rôle.


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Commentaires 18
à écrit le 24/05/2021 à 9:14
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Pourquoi alors encourager un accroissement de notre population qui épuise nos réserves en eau, énergie et qui augment notre consommation en produisant de plus en plus de déchets ? Cela n'a rien à voir avec la capitalisme, mais avec un manque de pragm...

à écrit le 24/05/2021 à 3:33
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Un enarque qui pense ! C'est nouveau ca.

à écrit le 24/05/2021 à 2:09
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Un autre capitalisme ? Celui qui n’écrase plus les minus de la société ? Et qui se cache entouré par 4 murs à ciel ouvert ? La solution : est l’humanité, la normalité , le partage , l’humanisme , des règles justes pour tous et toutes , l’apaisement...

à écrit le 23/05/2021 à 17:16
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Réjouissons-nous: nous polluons peu puisque nous produisons peu, en tout cas insuffisamment; en témoignent la hausse de l'endettement et un nombre anormalement élevé de chercheurs d'emploi; nos gouvernants et nos députés ne semblent toujours pas s'en...

à écrit le 23/05/2021 à 14:52
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La France qui ne produit que 1% des émissions carbone va encore une fois se tirer une balle dans le pied. Pendant que nous nous privons de croissance, les autres ne se gênent pas , ce ne sont nos flagellations internes qui sauveront la planète.

à écrit le 23/05/2021 à 10:59
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C est un problème à la fois generationnelle et géographique : Comment faire la morale aux pays en cours de développement alors que nous- pays industrialisé ocvidentaux- avoir polluer ds ans s en soucier pendant 2 siècles? Il y a une fracture entre ...

à écrit le 23/05/2021 à 10:40
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Alors il faut investir dans les services publics qui ne polluent pas et dans une agriculture de qualité. Et pour cela taxer davantage les grosses fortunes.

le 24/05/2021 à 1:17
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Il faudrait arrêter la fumette, les trains de la SNCF roulant à vide ou presque ne sont ni rentables ni écolos...

le 24/05/2021 à 12:12
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@Leila: Pourquoi demander toujours plus à votre voisin? Si vous êtes salariée, regardez votre fiche de paye; vous constaterez que vous et votre patron versez la moitié de votre salaire brut en côtisations obligatoires; si vous faites partie des bienh...

à écrit le 22/05/2021 à 19:18
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Ben faudrait déjà le dire au ministre de l'agriculture.

à écrit le 22/05/2021 à 17:04
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Comme toute création de richesse a tendance a devenir des déchets, raison de plus pour signaler cette impasse!

à écrit le 22/05/2021 à 14:59
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Entendre Bruno Lemaire s'exprimer sur la "création de richesses" est une plaisanterie! Pourrait-il nous citer un seul exemple d'une de ses créations de richesses? Nous sommes dans l'absurde quand nous confions nos destins, et ceux de nos enfants, à d...

le 22/05/2021 à 17:11
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L'état et à fortiori les ministres ne créent pas de richesse. Le gouvernement doit mettre en place les bonnes conditions ( la bonne gouvernance, les bonnes infrastructures, la bon niveau d'éducation......etc) pour favoriser la création de richesse p...

à écrit le 22/05/2021 à 14:46
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Un autre capitalisme pour régler les problèmes de la planète ? Une blague ! Le capitalisme, c'est le duo production/consommation avec pour effet immédiat l'exploitation des ressources naturelles dont les hommes ne sont pas les moindre, la productio...

le 22/05/2021 à 22:28
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Toujours plus de ce qui ne fonctionne pas.

à écrit le 22/05/2021 à 14:02
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La planète a vécu avant et vivra après Bruno Le Maire qui nous pompe l'air tout en déversant quantité de CO2...

à écrit le 22/05/2021 à 13:47
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Tiens ! encore un nouveau Hamster qui tourne dans sa cage... pardon une révolution !

à écrit le 22/05/2021 à 13:06
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"La création de richesse au détriment de la planète est une impasse" : Cette phrase est absurde, car toute création de richesse se fait au détriment de la planète : La seule attitude écologique, c'est la pauvreté. Ces hommes politiques, adeptes du "e...

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