Fin septembre 2021, lorsque Jean Castex promet aux Français de les empêcher de trop subir la hausse des prix de l'électricité, le Premier ministre est loin de s'imaginer que la facture serait aussi lourde.
Et pour cause, il s'engage alors à plafonner l'augmentation des tarifs réglementés à 4% quoi qu'il arrive. A l'époque, les experts tablent sur une progression de 12% des prix de l'électricité jusqu'en février 2022.
A Matignon, et à Bercy, les calculettes tournent pour "encaisser" cette flambée. Il s'agit de rogner sur les taxes de l'électricité - et notamment, la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité, la TICFE. Le gouvernement pense alors débourser, pour ce bouclier tarifaire, 4 milliards d'euros, et il annonce une neutralité pour les comptes publics : le manque à gagner de cette taxe devant être récupérée sur des recettes exceptionnelles tirées notamment des énergies renouvelables ou encore de la vente de l'électricité française sur le marché européen.
Quelques jours après, cependant, alors que les prix continuent leur envolée, il gonfle l'enveloppe et prévoit 5,9 milliards dans la nouvelle version du budget de loi 2022 présentée mi-octobre.
Une hausse de 12 % du prix de l'électricité multipliée par 2
Aujourd'hui, la situation a changé. Les experts estiment que la flambée des prix sera beaucoup plus importante que prévu. Et parlent d'une augmentation pouvant aller jusqu'à 25%. De quoi donner des sueurs froides à Bercy. Sans entrer dans le détail, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie assure désormais que si la hausse atteint 20%, l'Etat devra payer 8 milliards d'euros. Certains experts du secteur sont moins optimistes et évoquent même 10 à 12 milliards d'euros de coûts.
Le gouvernement compensera quoi qu'il en coûte
Même si les prix s'envolent, le gouvernement se veut rassurant. Il compensera les surplus, et la promesse du Premier ministre sera respectée. En période de campagne électorale, et alors que le pouvoir d'achat arrive en tête des préoccupations des Français, il ne veut surtout pas être pris en défaut de crédibilité.
Pas question non plus de prendre le risque d'une crise sociale, d'un réveil des gilets jaunes, tant ce sujet de l'électricité et celui des carburants sont sensibles en période hivernale. Selon le baromètre annuel du médiateur de l'énergie, d'octobre 2021, un Français sur cinq affirme avoir souffert du froid dans son logement en 2021. Près de 12 millions de personnes vivent actuellement dans des passoires thermiques et/ou n'ont pas les moyens de se chauffer correctement en hiver.
Aussi, le ministre Bruno Le Maire va jusqu'à promettre d'autres mesures si celles déjà existantes ne suffisaient pas.
La facture énergétique, un poids pour les dépenses publiques
En coulisses, l'exécutif s'inquiète toutefois de ce poids massif sur les dépenses publiques. Un dérapage budgétaire que ses adversaires politiques ne manqueront pas de souligner. Et notamment Valérie Pecresse désormais candidate pour les LR qui reproche déjà à Emmanuel Macron d'avoir "cramé la caisse".
Le gouvernement craint aussi que les Français ne mesurent pas l'effort réalisé.
L'Etat s'apprête ainsi à distribuer l'indemnité exceptionnelle d'inflation, de 100 euros pour tous ceux (indépendants, retraités, chômeurs...) qui gagnent moins de 2.000 euros mensuels. Près de 38 millions de Français doivent en bénéficier, pour un coût de plus de 3,8 milliards d'euros. Il a aussi promis un bouclier tarifaire sur le gaz.
Les mesures pour compenser la hausse des prix de l'énergie : un gouffre
A Bercy, on souligne, non sans agacement, que tous ces dispositifs mis à bout - en y ajoutant le traditionnel chèque carburant, etc-, conduit à une addition salée : plus de 12 milliards d'euros. Soit plus, par exemple, que le seul budget de la justice - presque 9 milliards d'euros cette année. Un gouffre juste pour éviter que les Français ne prennent de plein fouet la flambée des prix de l'énergie.
A plus long terme, la France espère toujours une réforme du marché européen de l'électricité, pour que les cours reflètent plus fidèlement les tarifs réels, et dans lesquels sa production nucléaire sera mieux intégrée. C'est d'ailleurs un des sujets prioritaires que devrait porter Emmanuel Macron dans le cadre de la prise de la présidence de l'Union européenne en janvier prochain.