La persistance du virus freine la reprise. Selon les dernières projections du Fonds monétaire international rendues publiques ce mardi 19 janvier, la croissance du produit intérieur brut (PIB) devrait accélérer de 5,5% en 2021. A l'automne, l'institution basée à Washington anticipait une hausse du PIB de 6%. Les économistes soulignent que "la France est l'un des pays les plus touchés au monde". La multiplication des nouveaux variants et le renforcement des mesures d'endiguement ont amené le fonds a révisé à la baisse ses prévisions. La plupart des conjoncturistes tablent désormais sur un retour de la croissance à partir du second semestre 2021. A l'échelle européenne, la détérioration des règles sanitaires ont obligé les autorités de la plupart des pays à durcir leurs mesures de restrictions. Si la campagne de vaccination laisse entrevoir le bout du tunnel dans les milieux économiques et financiers, les différents problèmes de logistique et d'approvisionnement engendrent déjà des embouteillages dans les centres de vaccination.
Les faillites, un fléau à haut risque
La pandémie risque de provoquer des faillites en cascade. Si la plupart des études sur les défaillances des entreprises pour 2020 ont montré une baisse importante, beaucoup d'économistes redoutent une hécatombe dans les mois à venir. L'institution internationale tire la sonnette d'alarme sur "la montée forte de l'endettement des entreprises, due à l'octroi de prêts garantis par l'État, et l'important déficit de fonds propres des entreprises. À cet égard, ils saluent les nouvelles initiatives de soutien en fonds propres et encouragent les autorités à les développer ou à les adapter si besoin. À titre de mesure complémentaire, les administrateurs recommandent également de renforcer les mécanismes de restructuration de la dette".
La semaine dernière, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé le renforcement du fonds de solidarité pour les PME et les TPE et le décalage d'un an pour le remboursement des prêts garantis par l'Etat. Lors d'une réunion avec des journalistes vendredi dernier, le directeur général des entreprises à Bercy, Thomas Courbe, n'a pas caché ses craintes. "En 2021, la conjonction d'une partie des défaillances qui ne s'est pas produite en 2021 et celles à venir devraient provoquer une forte hausse des faillites. Il va y avoir une forme de rattrapage". De son côté l'économiste Olivier Pastré a évoqué des effets de crise comme "une bombe à fragmentation" lors d'une intervention au sénat.
"Il faut s'attendre à une explosion des dépôts de bilan dans les PME et les petites entreprises. "L'endettement des entreprises va exploser. C'est un sujet majeur. Il faut renforcer les fonds propres. Les instruments actuels ne sont pas à la hauteur de la crise" a-t-il ajouté.
Le cauchemar du chômage, un fléau pour les peu qualifiés et les jeunes
Le prolongement de la crise sanitaire réveille les craintes d'un chômage de masse. Si le chômage partiel a permis d'éviter une hausse brutale des inscriptions à Pôle emploi l'année dernière, plus de 700.000 postes ont été détruits en 2020 environ, selon l'Insee. Et les faillites à venir pourraient gonfler ces terribles chiffres. Le FMI table sur un chômage au sens du bureau international du travail (BIT) à 10,4% de la population active en 2021 contre 8,7% en 2020 et 8,5% en 2019. Les économistes s'inquiètent particulièrement des travailleurs peu qualifiés et des jeunes. Là encore, l'économiste Olivier Pastré a alarmé les élus sur l'avenir de ces deux catégories.
"Sur le plan social, le bain de sang économique va se répercuter avec deux dimensions. Il y aura un effet de bipolarisation entre ceux qui s'en sortent comme les diplômés et les autres qui ne peuvent pas s'adapter. Il y a un sujet majeur en matière de formation professionnelle. Le dispositif de formation n'est pas calibré [...] 800.000 jeunes arrivent sur le marché du travail sans aucun espoir. Il faut une rupture sinon on aura des révoltes. On a arrêté l'ascenseur social. Si la France crée des emplois sans ascenseur social, cela ne réglera qu'une petite partie des problèmes."
Dette : le FMI prône un retour des vielles recettes
Lors d'un point presse mardi en début d'après-midi, l'économiste en charge de l'Europe au FMI Jeffrey Franks a exhorté le gouvernement à ne pas perdre de temps et à élaborer des plans pour réduire les dépenses une fois que la reprise économique sera installée. "La dette en France est élevée et nous pensons que le moment est venu d'élaborer et d'approuver un plan d'assainissement budgétaire crédible à moyen terme". L'organisation prévoit une dette à 117,6% du PIB en 2021 après 115,3% en 2020 et 98,1% en 2018. Alors que l'effondrement de l'économie avait provoqué une suspension des règles budgétaires dans les traités européens, les réflexions sur le retour aux règles de l'orthodoxie économique avance à grand pas. Dernièrement, le gouvernement français a mis en oeuvre un nouveau comité chargé de "réfléchir à la manière dont on peut en sortir de crise et reconstruire notre trajectoire de finances publiques". Si la plupart des dettes publiques dans les grands Etats ont explosé en volume l'année dernière, les mesures mises en oeuvre par les banques centrales et les perspectives faibles d'inflation permettent aux pays de s'endetter à moindre frais.
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