
L'horizon économique s'éclaircit un peu. Selon les dernières projections économiques du Fonds monétaire international (FMI) rendues publiques ce mardi 13 octobre, le produit intérieur brut (PIB) mondial devrait reculer de -4,4% en 2020 et bondir de 5,2% en 2021. Les économistes de l'institution, dans leur rapport intitulé "Vers une longue et difficile ascension" ont légèrement révisé à la hausse leurs prévisions par rapport à celles du mois de juin (-5,2%).
Cette petite amélioration est le reflet d'un meilleur second trimestre qu'anticipé dans les économies avancées, le retour de la croissance en Chine et les signes d'une reprise plus rapide au troisième trimestre.
"Les résultats économiques auraient pu être plus faibles s'il n'y avait pas eu de réponses monétaires, fiscales et régulatoires sans précédent qui ont permis de maintenir un revenu disponible pour les ménages, de protéger la liquidité des entreprises et de soutenir des conditions de crédit favorables. Collectivement, ces actions ont permis d'éviter la répétition de la catastrophe financière de 2008-2009", expliquent les conjoncturistes dans leur rapport.
Pour autant, la multiplication des foyers de contamination en Europe et l'arrivée d'une seconde vague dans des pays comme la France assombrissement sérieusement les perspectives pour la fin de l'année. "La reprise n'est pas assurée tant que le virus continue de se diffuser [...] Partout, les économies doivent faire face à des difficultés pour retrouver des niveaux d'activité antérieurs à la pandémie".
Pour la cheffe économiste du FMI Gita Gopinath, "cette crise est loin d'être terminée. Le niveau de l'emploi est très loin de celui enregistré avant la crise et le marché du travail est devenu plus polarisé avec les jeunes travailleurs à bas revenus et les femmes qui sont bien plus touchées que les autres. Les pauvres sont en train de devenir plus pauvres. Cette sortie de crise devrait être longue, inégale et incertaine".
En outre, le bilan sanitaire catastrophique avec plus d'un million de morts recensés sur la planète ne cesse de s'alourdir et la vitesse de la reprise va en grande partie dépendre des avancées de la recherche pour mettre au point un traitement et un vaccin.
Une récession terrible dans les économies avancées
Les résultats communiqués par l'organisation basée à Washington montrent que les économies avancées ont été fortement affectées par la crise économique. Les pays de la zone euro semblent en particulier pâtir des mesures de restriction strictes décidées au printemps et de leur interdépendance.
L'Espagne arrive en tête des pays les plus touchés avec une récession de 12,8% anticipée cette année avant de rebondir à 7,2% l'année prochaine. L'économie de la péninsule très dépendante du tourisme a souffert au printemps de la fermeture des frontières, du blocage des aéroports et des mesures de confinement dans des villes comme Barcelone. La population espagnole qui se remettait à peine de la crise de 2008 et de la crise des dettes souveraines de 2012 devrait encore souffrir pendant des années alors que le chômage est déjà reparti à la hausse.
Toujours en Europe, l'Italie, qui est restée longtemps l'épicentre de l'épidémie, va enregistrer un recul historique de son PIB cette année à -10,6%. L'économie italienne, troisième puissance de la zone euro, devrait cependant rebondir de 6% l'année prochaine. Là encore, la propagation du virus sur l'ensemble du territoire pourrait accroître les difficultés de l'Italie du Sud empêtrée dans une pauvreté plus prononcée. Au Nord, le virus avait provoqué la mise sous cloche des principaux poumons économiques précipitant les moteurs de l'appareil productif dans une violente crise. L'horizon devrait mettre du temps à se dégager pour la république italienne minée par une productivité au ralenti et une longue stagnation de sa croissance. En outre, son appareil productif et son tissu de PME fortement dépendants des exportations risquent de mettre du temps à sortir de leur torpeur en raison d'un lent et périlleux redressement des échanges mondiaux.
Pour la France, les experts du FMI tablent sur une récession de 9,8% cette année avant un rebond de 6% l'année prochaine. Les économistes ont révisé à la hausse leurs prévisions pour l'économie tricolore de 2,7% pour 2020. L'activité a mieux rebondi que prévu au troisième trimestre après un printemps catastrophique. La fin d'année s'annonce néanmoins compliquée en raison de la recrudescence de l'épidémie et la multiplication des mesures pour limiter la propagation du virus dans les grandes métropoles. L'Insee s'attend à une stagnation de la croissance pour le dernier trimestre 2020 après un fort rebond entre le second et le troisième trimestre.
L'économie allemande semble avoir mieux résisté
Du côté de l'Allemagne, les indicateurs sont plus favorables. Le FMI prévoit une récession de -6% cette année avant un rebond de la valeur ajoutée de 4,2% l'année prochaine. La stratégie d'endiguement de l'épidémie outre-Rhin et de plus fortes capacités hospitalière semblent avoir permis à l'économie allemande de mieux résister dans un premier temps.
Reste que le modèle allemand, basé en partie sur un puissant appareil productif, des capacités d'exportation importantes et une modération salariale répandue, demeure très fragile. L'industrie allemande qui a déjà souffert depuis 2015 en raison notamment de l'affaire du Dieselgate et des tricheries pratiquées dans l'industrie automobile avait déjà connu des périodes de récession bien avant la pandémie. Le ralentissement prolongé du commerce mondial et la reprise lente de la Chine pourraient amener l'Allemagne à repenser sa stratégie économique. La première puissance de la zone euro n'est d'ailleurs pas non plus épargnée par la seconde vague qui contraint de nombreuses villes à prendre des mesures d'endiguement.
La Chine repart progressivement
La Chine, point de départ de la propagation du virus fin 2019, devrait relativement mieux s'en sortir que d'autres puissances. Le FMI anticipe une croissance du PIB de 1,9% cette année et une accélération à 8,2% pour 2021.
Face à l'urgence économique, les autorités chinoises ont adopté une stratégie relativement prudente. "Des aides fiscales ciblées, un plan d'investissement dans les infrastructures, des facilités de prêts bon marché au guichet de la banque centrale ainsi qu'une baisse des taux de réserve obligatoires des banques ont été mis en place afin d'alléger la pression sur les entreprises les plus pénalisées et d'éviter une crise de liquidité dans le secteur bancaire", rappelle l'économiste Camille Macaire dans le récent ouvrage du centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) intitulé L'Économie mondiale 2021. "Malgré les risques extrêmement importants sur l'activité, les autorités n'ont pas recouru à un stimulus budgétaire ou monétaire massif. Au contraire, la banque centrale est restée conservatrice au regard de la situation et par rapport à d'autres grandes banques centrales, en particulier la Fed et la BCE, tandis que les investissements publics dans les infrastructures vont certes accélérer, mais resteront modérés", ajoute l'économiste.
Contrairement à la crise de 2008-2009, la Chine, qui avait engagé un grand plan d'investissements dans des infrastructures, ne devrait pas jouer un rôle majeur dans la reprise économique mondiale. En outre, sa stratégie des nouvelles routes de la soie, qui a pour ambition d'accroître la puissance de l'économie du géant asiatique, soulève de nombreuses questions. Certains pays émergents redoutent de devenir trop dépendants du géant chinois mais avec la crise, Pékin pourrait asseoir sa volonté hégémonique sur des pays durablement affaiblis par la catastrophe économique en cours.
Les États-Unis dans le rouge
L'économie américaine s'enfonce dans une récession historique. Selon les estimations du FMI, le PIB américain devrait reculer de -4,3% en 2020 avant de repartir à 3,1%. La propagation du virus sur l'ensemble du territoire a plongé brutalement des millions de travailleurs au chômage. Si la Réserve fédérale a injecté des milliards de dollars de liquidité dans l'économie étasunienne pour éviter l'hécatombe, les dégâts à long terme risquent de plomber la croissance outre-Atlantique.
À quelques semaines d'une élection présidentielle cruciale, tous les regards se braquent donc sur les ambitions de Donald Trump. Son premier mandat marqué par des soubresauts et des volte-face à répétition pourrait laisser des traces dans une économie en lambeaux.
Un risque de pauvreté accru
Le Covid-19 risque aussi de faire des dégâts considérables dans les économies émergentes et en développement qui ont des systèmes de protection sociale amoindris. "La pandémie va inverser la progression de la réduction de la pauvreté entamée depuis les années 90. Les personnes qui comptent sur un travail avec un revenu journalier et sont en dehors des filets de sécurité ont dû faire face à des pertes soudaines de revenus lorsque les restrictions de mobilité ont été imposées", explique l'organisation internationale. Déjà plus de 90 millions de personnes pourraient tomber dans l'extrême pauvreté cette année.
La pandémie a d'ailleurs déjà exacerbé les inégalités. "Les travailleurs qui travaillent dans les moyennes et les petites entreprises sont bien plus vulnérables que les autres [...] En général, les bas-salaires ont bien plus de chances de perdre leur job que ceux qui se situent dans les plus hauts déciles de revenus", avertissent les auteurs du rapport. "Ce constat également valable dans les économies émergentes et en développement, où les travailleurs de l'économie informelle ont plus de chances de se retrouver au chômage que ceux qui ont des contrats formels". Face à un tel choc, l'économie mondiale doit relever de nombreux défis.
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