À 6,75%, la croissance du PIB français vise un record depuis 1969

La Banque de France et le FMI ont révisé à la hausse leurs prévisions de croissance à 6,75% en 2021 contre 6,3% précédemment. Il s'agit d'un niveau supérieur à la moyenne des "30 glorieuses". Mais la menace d'une nouvelle contagion du virus déjà visible en Allemagne et au Royaume-Uni et la fin des aides aux entreprises pourraient faire voler en éclat ce record de croissance depuis 52 ans.
Grégoire Normand
La croissance au troisième trimestre a été boostée par la reprise dans les services. Les bars et restaurants ont connu un pic d'activité selon la Banque de France.
La croissance au troisième trimestre a été boostée par la reprise dans les services. Les bars et restaurants ont connu un pic d'activité selon la Banque de France. (Crédits : Reuters)

Les moteurs de l'économie tournent à plein régime. Après un plongeon historique en 2020 (-7,9%), la croissance du produit intérieur brut (PIB) pourrait grimper à 6,75% à la fin de l'année 2021 selon la dernière note de conjoncture de la Banque de France dévoilée ce lundi 8 novembre au soir. L'institution financière a ainsi révisé à la hausse ses prévisions de croissance de l'ordre de 0,4 point par rapport à septembre et se situe au dessus des projections du gouvernement (6,25%). De son côté, le Fonds monétaire international (FMI) a également revu à la hausse ses chiffres de croissance à 6,75%. L'économie tricolore a retrouvé son niveau pré-crise au cours du troisième trimestre. Le gouvernement va vouloir mettre à profit ces performances économiques au moment où le chef de l'Etat doit prendre la parole à 20 heures.

Pour le dernier trimestre, la croissance de l'activité serait en hausse d'environ 0,75% par rapport au trimestre précédent. "Les services vont continuer de soutenir l'activité. On avait vu un rattrapage des services après le confinement. Le troisième trimestre valide la stratégie sanitaire du gouvernement basé sur le passe sanitaire", a expliqué l'économiste de Ostrum Asset Management, Philippe Waechter, à La Tribune. L'accélération du PIB à un tel niveau est inédit depuis la crise pétrolière de 1973 qui a affecté durablement le régime de croissance des "30 glorieuses", une expression forgée par l'économiste Jean Fourastié. "Il ne faut pas oublier que c'est la contrepartie du -8% de l'année dernière. On devrait revenir sur un régime de croissance de 1,5% autour de 2023", table l'économiste.

Une croissance de 5% en moyenne durant "les 30 glorieuses"

Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la France avait enregistré une période de croissance forte et prolongée de 5,4% en moyenne entre 1950 et 1973 . Le niveau de croissance en moyenne annuelle était même supérieur à celui de l'Europe (4,8% au sens de la zone euro regroupant 17 pays) et celui des Etats-Unis (3,6%), selon l'ouvrage de l'observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) "L'économie française en 2021".

A l'époque, les investissements nécessaires à la reconstruction d'après-guerre, suite aux immenses dégâts du conflit planétaire, et le rattrapage technologique de l'Europe sur les Etats-Unis ont boosté l'activité. Le modèle fordiste élaboré aux Etats-Unis s'est développé dans la plupart des pays industrialisés permettant une hausse de la demande importante et une production de masse. Ce modèle de croissance porté par une très forte consommation a permis de booster l'innovation et d'apporter des gains de productivité relativement importants.

Un retour au régime de croissance des 30 glorieuses ?

Ce régime de croissance forte va-t-il durer ? "Dans les années 50 et 60, il fallait reconstruire et moderniser l'économie française. Après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis avaient financé une partie de la reconstruction en échange de contreparties. La France ne va pas reconstruire des ponts, des autoroutes et des infrastructures dans la période actuelle", indique Philippe Waechter. Depuis plusieurs mois, quelques observateurs et une partie de la presse économique se sont mis à rêver des années 20, les fameuses "Roaring Twenties" ("années rugissantes").

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La fin de la pandémie allait augurer une période de prospérité économique et sociale comme au sortir de la Première guerre mondiale et de la terrible grippe espagnole. "Après chaque récession depuis les années 70, le niveau de croissance baisse un peu. Le taux de croissance est plus faible dans le nouveau cycle que dans l'ancien. Après une récession, il y a un coût permanent. La probabilité que la croissance française revienne autour de 1,5% à partir de 2023 est forte", nuance l'économiste. La trajectoire de croissance est bien affectée par les chocs économiques depuis une cinquantaine d'années. Le décrochage sur la période 2008-2012, suite à la crise financière mondiale et la crise des dettes souveraines en zone euro, est particulièrement important. Dans les décennies qui suivent les récessions, la moyenne de la croissance annuelle baisse à chaque fois depuis le choc pétrolier de 1973. Entre les périodes 2000-2007 et 2007-2019, la croissance hexagonale a été divisée par deux pour passer de 1,9% en rythme annuel à 0,9%.

En outre, la pandémie a rendu très périlleux l'exercice de prévision des conjoncturistes. L'ampleur des révisions des projections macroéconomiques depuis près de deux ans illustre toutes les difficultés et les limites des modèles utilisés par les économistes pour tabler sur un niveau de croissance future. Enfin, le réchauffement climatique et les pressions qu'il exerce sur le modèle productiviste actuel basé sur les énergies fossiles risque de rendre ce niveau de croissance supérieur à 5% rapidement insoutenable dans les années à venir.

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Une croissance sans productivité ?

L'autre grande différence entre la croissance actuelle est celle des "30 glorieuses" repose sur la productivité, pilier du capitalisme d'après-guerre. Entre le début des années 50 et 1973, la productivité par tête en France était de 5% en moyenne chaque année, soit un niveau deux fois supérieur à celui des Etats-Unis. Le progrès technologique a permis des gains de productivité considérables à cette période.

Après la grande récession de 2008, la productivité par habitant en France s'est écroulée pour passer de 1,1% en moyenne à 0,6% chaque année, soit un rythme inférieur à celui outre-Atlantique (0,9%) selon les chiffres de l'OFCE. "La croissance sans productivité, c'est un peu le problème. La productivité chute, soit parce que l'activité a baissé, soit parce qu'il y a beaucoup d'embauches. En temps normal, la productivité et le pouvoir d'achat évoluent en parallèle. Là, ce n'est pas le cas. Qui va faire l'ajustement ?", s'interroge Philippe Waechter. Si les créations d'emploi sont relativement soutenues depuis la réouverture de l'économie au printemps dernier, elles se font surtout dans le tertiaire, dans des métiers parfois peu qualifiés, alors que l'industrie française dont les emplois peuvent soutenir la productivité a largement coupé dans ses effectifs avec près de 100.000 emplois détruits en 2020.

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La croissance tirée par les services marchands, l'industrie en perdition

L'activité a été principalement boostée par les services marchands depuis la réouverture de l'économie au printemps 2021. La levée des mesures de restriction et la progression de la vaccination ont permis d'accélérer la reprise dans les secteurs à forte interaction sociale restés longtemps empêtrés dans une crise sanitaire à rallonge. L'activité continuerait d'augmenter dans les services au cours du mois de novembre permettant à la richesses produite de dépasser son niveau pré-crise depuis la rentrée. "Au sein des services, la restauration poursuit son net redressement, l'hébergement, la réparation automobile, les activités de loisirs et les services aux entreprises progressent également", expliquent les auteurs du point de conjoncture de la Banque de France.

Le tableau est loin d'être aussi favorable dans l'industrie. Le niveau d'activité demeure largement inférieur à celui de 2019 en raison notamment des lourdes difficultés de l'industrie automobile. Les grands constructeurs qui ont subi de plein fouet les effets des multiples confinements depuis le printemps 2020 ont dû limiter leur production en raison d'une forte pénurie de semi-conducteurs et de la dépendance de l'Europe aux fournisseurs asiatiques. A ces déboires s'ajoute la flambée des prix des matières premières et ceux de l'énergie qui renchérissent les coûts de production.

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Le commerce extérieur en berne

D'autre part, la pandémie continue de plomber le commerce extérieur tricolore. Selon les derniers chiffres des douanes présentés ce mardi 9 novembre, le déficit commercial s'est dégradé en septembre d'environ 100 millions d'euros pour s'établir à 6,9 milliards d'euros contre 6,8 milliards d'euros le mois précédent. Les exportations ont progressé de 300 millions d'euros par mois en moyenne depuis le début de l'année et ne sont plus qu'à 1% de leur niveau de 2019, avant la pandémie, expliquent les Douanes. Dans le même temps, les importations ont avancé de 600 millions en moyenne et culminent à 48,9 milliards d'euros, "le plus haut niveau jamais atteint".

Ce creusement du déficit s'explique en grande partie par une forte hausse des prix des matières premières et la fièvre des prix de l'énergie. La sortie de crise de la pandémie et la reprise ont dopé la demande mondiale. Cette forte augmentation a complètement chamboulé les chaînes d'approvisionnement. "Avec le relâchement des contraintes sanitaires dans les pays développés, la demande a vivement augmenté face à des entreprises dont les stocks étaient réduits. C'est cette dynamique asymétrique qui provoque les dysfonctionnements actuels", a expliqué l'économiste de Nostrum Asset Management.

Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 13/12/2021 à 2:34
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Après une années 2020 catastrophique, nous faire croire à une pseudo "hausse" alors qu'en réalité elle cache même ne baisse continuelle ! Mettez le PIB 2019 à 100, la valeur du PIB de 2021 est de… 98… et ils nous font croire à une hausse la plus exce...

à écrit le 10/11/2021 à 22:23
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Aucune capacité d'analyse ces convainceurs qui cherche sans talent à convaincre.

à écrit le 09/11/2021 à 20:39
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on nous prend vraiment pour des idiots une fois de plus en 2020 on n'a fait moins 8% normal d'avoir une forte croissance l 'année d'après

à écrit le 09/11/2021 à 19:29
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L'inflation , aussi , vise un record .

à écrit le 09/11/2021 à 18:46
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Bref! Comme pour la pandémie, on peut avoir confiance dans les chiffres mais pas dans leur interprétation!

à écrit le 09/11/2021 à 18:19
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Le seul truc que je vois battre des records ici c'est la manipulation des foules ! Il n'y a pas de croissance économique. Juste un rattrapage de la croissance perdue en 2020 de moins huit pour cent. Pour revenir fin 2021 au pib de 2019 on a cramé 500...

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