Assurance chômage : le durcissement des règles fait débat dans la majorité

Par latribune.fr  |   |  1017  mots
Pôle emploi, devenu France Travail. (Crédits : © Marta NASCIMENTO/REA)
Le gouvernement, par la voix du Premier ministre Gabriel Attal, prévoit une réduction de la durée d'indemnisation des chômeurs. Mais la mesure reçoit une vive opposition au sein même de la majorité.

Le gouvernement cherche des milliards d'euros d'économies pour réduire le déficit, et lorgne notamment sur les indemnités chômage. Le Premier ministre Gabriel Attal a déjà esquissé sa feuille de route, qui prévoit une réduction de la durée d'indemnisation des chômeurs, avec une entrée en vigueur dès cet automne. Mais l'aile gauche de la Macronie multiplie les mises en garde contre ce projet. Elle estime, notamment par le biais du président de la commission des Lois de l'Assemblée Sacha Houlié, que ce n'est pas la bonne voie. Une nouvelle crise interne en approche ?

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Réduction de la durée d'indemnisation des chômeurs

A peine les plaies de la loi immigration se referment-elles que l'exécutif et sa majorité semblent ouvrir un nouvel épisode de divisions. L'objet des désaccords : la nouvelle réforme de l'assurance chômage envisagée par Gabriel Attal, qui devrait prévoir une réduction de plusieurs mois de la durée d'indemnisation des chômeurs, actuellement de 18 mois pour les moins de 53 ans.

Cette annonce intervient en plein contexte de dérapage dans les comptes publics. La France a accusé un déficit de 5,5% du PIB en 2023, soit bien plus que les 4,9% projetés par le gouvernement. « Soyons clairs : ce n'est pas une réforme financière. Nous ne la faisons pas pour faire des économies mais pour parvenir au plein emploi, c'est-à-dire 5% de taux de chômage », a assuré samedi à Ouest-France le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, qui défend ne pas s'en prendre aux chômeurs.

Cette lecture a cependant été vivement contestée dimanche par Sacha Houlié, sur le plateau du Grand Jury. « Si nous réduisons la durée d'indemnisation, à quelles fins le faisons-nous ? Une mesure d'économie. Est-ce que je pense qu'il faut faire une mesure d'économie sur les chômeurs aujourd'hui ? Je ne le pense pas », a-t-il déclaré. L'élu de la Vienne a fait valoir que l'exécutif avait déjà réformé par deux fois l'assurance chômage, en 2019 et 2023, en mettant notamment en place une mesure de contracyclicité. Concrètement, les conditions d'indemnisation se durcissent quand le chômage baisse, et s'assouplissent quand il augmente. « Est-ce qu'il faut une nouvelle réforme sur ce sujet alors même qu'on constate que le chômage ne baisse plus ? », s'est-il interrogé, estimant que les règles étaient déjà sévères. « A partir du moment où je constate que ce n'est pas le retour à l'emploi qui est la motivation, que ce sont des économies qui sont recherchées, je dis que ce n'est pas la bonne voie », a-t-il insisté.

La marcheurs de la première heure mécontents

Selon le président de la commission des Lois, plusieurs cadres de la majorité tiennent la même ligne face au projet du gouvernement. Il cite notamment le président de la commission des Affaires économiques Stéphane Travert, le vice-président du groupe Renaissance Marc Ferracci, ou encore la députée de Paris Astrid Panosyan-Bouvet. Tous des marcheurs de la première heure.

Ainsi Mme Panosyan-Bouvet a-t-elle estimé vendredi que « réduire la durée de l'indemnisation chômage des seniors serait injuste », jugeant sur X que « l'urgence n'est pas de réformer l'assurance chômage, mais de rendre attractifs les métiers qui ne le sont pas (...) et lever les freins centraux à l'emploi ». De son côté, M. Ferracci, a considéré que la priorité était de « toucher au critère de l'éligibilité », c'est-à-dire le nombre de mois travaillés pour être indemnisé. « Après, si le gouvernement veut toucher à la durée, il aura l'occasion de le faire », a-t-il évacué jeudi sur France 2.

Dimanche, un autre tenant de l'aile gauche a pris ses distances : Clément Beaune, ancien ministre des Transports, écarté du gouvernement en janvier après avoir exprimé ses réserves sur la loi immigration. « Nous devons être prudents et cohérents », a-t-il souligné sur France Info, appelant à être « plus protecteur » car « le marché du travail va moins bien ». M. Beaune a aussi reconnu qu'il existait un risque de précariser les plus fragiles « si on allait vers des paramètres qui sont trop durs ».

Eviter un « concours Lépine des mesures d'économies »

Alors que le gouvernement cherche des mesures d'économies face au dérapage budgétaire, le député a exhorté son camp à ne pas « égrener chaque jour le concours Lépine des mesures d'économies ». Dernière en date, l'hypothèse évoquée dans nos colonnes d'allonger le délai de carence en cas d'arrêt maladie dans le privé, ce temps qui précède le début de l'indemnisation de la Sécurité sociale. « Le jour de carence, c'est un paramètre qui a souvent été allongé ou réduit. Je pense que c'est quelque chose sur lequel il ne faut pas revenir », a prévenu Clément Beaune. « C'est important de le garder tel qu'il est », a-t-il ajouté. Le député Renaissance s'est en revanche montré ouvert aux propositions de taxe sur les superprofits des grandes entreprises, une piste de recettes qui fait son chemin.

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« Gabriel Attal n'a jamais présenté cette réforme comme une mesure d'économie" mais comme "une mesure pour dynamiser les recettes », assure à l'AFP un conseiller de l'exécutif, notant que le Premier ministre avait pris soin de rassembler des députés de la majorité, dont certains de l'aile gauche, avant de lancer ses pistes au JT mercredi. « Ceux qui étaient présents étaient plutôt à l'aise sur le projet », affirme le même, circonscrivant les divergences à une minorité au sein du groupe. Un travail de conviction que le Premier ministre répètera mardi, en se rendant devant les députés Renaissance. Espérant ne pas ajouter la menace d'un front politique au front social.