Budget 2018 : "Nous libérons du capital pour l'économie"

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  866  mots
"Il faut saisir les révolutions technologiques. C'est pour cela que le projet de loi de finances est favorable à l'innovation", a souligné Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances.
Le gouvernement a dévoilé ce mercredi ses mesures budgétaires et fiscales pour 2018 et la suite du quinquennat. Au programme, des baisses d'impôts destinées en partie à inciter les acteurs privés à investir dans l'économie. Reste à savoir si ces derniers rempliront leur part du contrat.

La "montée en gamme" de l'appareil productif : cela fait partie des principaux défis que doit relever l'économie française pour se dynamiser. Pour y parvenir, encore faut-il investir. Aujourd'hui, les dépenses de recherche et développement des entreprises françaises demeurent inférieures à la moyenne de l'OCDE et nettement en-dessous de l'Allemagne.

Dans ce contexte, les trois ministres de Bercy ont dévoilé à la presse ce mercredi les principales mesures budgétaires et fiscales pour l'année 2018 et les pistes pour le reste du quinquennat, avec comme objectif affiché d'"accompagner la transformation économique de la France", selon les mots de Bruno Le Maire.

"Il faut saisir les révolutions technologiques. C'est pour cela que le projet de loi de finances est favorable à l'innovation", a souligné le ministre de l'Economie et des Finances.

Pour atteindre cet objectif, le gouvernement s'appuie sur plusieurs leviers, à savoir la fiscalité sur les ménages et les entreprises, le déploiement d'investissements privés et publics via le fonds pour l'industrie et l'innovation ainsi que le Grand plan d'investissement (GPI).

Récompenser le risque

Pour financer l'innovation, Bercy a misé sur des baisses d'impôts, afin que ménages et entreprises les transforment en investissements productifs. "Nous libérons du capital pour l'économie française", a résumé Bruno Le Maire.

"Il ne faut pas que le capital soit taxé comme avant, le risque doit être récompensé. Nous voulons créer les richesses avant de les redistribuer", a-t-il poursuivi.

Parmi les mesures phares, l'Impôt sur la fortune (ISF) sera remplacé dès 2018 par l'Impôt sur la fortune immobilière (IFI), afin d'avantager les ménages les plus aisés qui investissent dans l'économie par rapport à ceux, plus prudents, qui se réfugient dans les placements immobiliers. Ce nouveau dispositif devrait permettre aux contribuables concernés de dégager 3,2 milliards d'euros de ressources supplémentaires, autant de recettes en moins pour l'Etat.

| Pour en savoir plus : Budget 2018 : qui seront les gagnants de la fin de l'ISF ?

Dans le même esprit, un prélèvement forfaitaire unique (PFU), ou "flat tax", de 30% sur les revenus d'épargne (à l'exception des livrets défiscalisés, comme le Livret A, le Livret jeune et le Livret de développement durable) sera appliqué au 1er janvier. Ainsi, la France se rapproche de la fiscalité pratiquée par ses voisins européens et encourage les contribuables à placer leur épargne dans des produits plus risqués et à plus fort rendement. Le coût de la mise en place du PFU est estimé à 1,3 milliard d'euros en 2018.... Alors que durant la campagne, Emmanuel Macron estimait qu'un taux de 30% "permettait de maintenir le niveau des recettes antérieurement sur les revenus de l'épargne". Manifestement, ce n'est pas le cas...

Enfin, le gouvernement prévoit de baisser progressivement de le taux d'impôt sur les sociétés de 33,33% à 25% d'ici la fin du quinquennat. En 2018, les entreprises devront s'acquitter d'une taxe de 28% sur les 500.000 premiers euros de bénéfices, puis 33,33% au-delà. A noter que le taux réduit de 15% pour les PME jusqu'à 38.120 euros est maintenu. Le coût de la mesure pour l'Etat est estimé à 1,2 milliard d'euros pour 2018 et à 11 milliards d'euros sur le quinquennat.

Le fléchage est "inefficace"

Le gouvernement fait donc un pari avec ces baisses d'impôts, car ces mesures fiscales n'obligent en rien les contribuables et les entreprises à investir en France. Avec la liberté de circulation des capitaux, en particulier dans l'Union européenne, les agents économiques pourraient préférer investir leurs gains issus de ces baisses d'impôts dans des projets à l'étranger plus rentables. D'ailleurs, l'hypothèse n'est pas exclue par Bercy.

De même, à l'image du CICE qui n'a pas créé le nombre d'emplois escompté, rien ne garantit que ces mesures dynamiseront l'investissement dans les proportions désirées.

Malgré ces doutes, le gouvernement se refuse à un fléchage, "parce que c'est inefficace", a tout simplement rétorqué Bruno Le Maire... Mais c'est surtout contraint par la jurisprudence européenne qui interdit qu'un pays soit privilégié au nom du principe de non-discrimination.

Financer les "innovations de rupture"

Cette difficulté est en revanche levée pour les autres leviers de Bercy en faveur de l'innovation, notamment deux nouveaux outils que sont le fonds pour l'industrie et l'innovation, et le Grand plan d'investissement .

Le premier sera constitué à partir des produits des cessions des participations de l'Etat dans les entreprises. Il doit être alimenté à hauteur de 200 à 300 millions d'euros par an pour atteindre 10 milliards d'euros d'ici à la fin du quinquennat. Bercy s'en servira pour financer "les innovations de rupture", qui pourraient donner un avantage compétitif à la France.

Concernant le GPI dévoilé lundi par le Premier ministre Edouard Philippe et l'économiste Jean Pisani-Ferry, il sera doté de 57 milliards d'euros sur cinq ans pour financer des projets dans la transition écologique (20 milliards), la formation (15), la compétitivité (13) et la transformation numérique de l'Etat (9).

| Pour en savoir plus : Un plan d'investissement de 57 milliards d'euros pour quoi faire ?

Par railleurs, les dispositifs comme le crédit impôt recherche (CIR) et les Jeunes entreprises innovantes (JEI), dont l'efficacité a été démontrée, sont maintenus.