Taxe sur les superprofits : ce qu'elle pourrait rapporter au fisc

Une taxation sur les superprofits pourrait rapporter jusqu'à 10 milliards d'euros selon différentes estimations. Tout va dépendre de l'assiette fiscale et du taux mis en oeuvre et si ce prélèvement est de nouveau mis sur la table au parlement à l'automne. D'ici là, la pression va s'accentuer sur le gouvernement.
Grégoire Normand
Bercy se prépare présenter le projet de loi de finances pour 2023.
Bercy se prépare présenter le projet de loi de finances pour 2023. (Crédits : Reuters)

Sujet phare de la rentrée, la taxation des superprofits enflamment les débats à deux semaines de la présentation du budget 2023 le 26 septembre. Au sein du gouvernement, la Première ministre Elisabeth Borne a déjà indiqué qu'elle ne « fermait pas la porte » à cette option alors que le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a confirmé son opposition devant le patronat à Longchamp lors de la rencontre des entrepreneurs de France (Ref) il y a 15 jours.

Au Parlement, plusieurs députés ont lancé une mission flash en début de semaine dernière sur ce sujet hautement explosif. Les conclusions de cette mission lancée par la Commission des finances, présidée par le député insoumis Eric Coquerel, sont attendues au début du mois d'octobre. Les deux corapporteurs Manuel Bompard (LFI) et David Amiel (Renaissance), un proche d'Emmanuel Macron, ont déjà débuté les auditions. Ce travail doit viser trois secteurs : le pétrole, le fret et le gaz. Reste à définir les modalités. Ce qui n'est pas une mince affaire. « La logique de taxer les superprofits paraît légitime actuellement. La difficulté est qu'il n'y a pas de définition claire. Les profits évoqués sont liés à des événements extérieurs comme la crise sanitaire ou la crise énergétique. Ces profits ne sont pas liés à des décisions des entreprises. Ces entreprises ont généré des profits qui sont surtout liés à une rente », explique à La Tribune Vincent Vicard, économiste et directeur adjoint du CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales).

Taxe sur superprofits : ce que font le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie

En Europe, plusieurs Etats ont déjà mis en place des systèmes de taxation sur les bénéfices exceptionnels des multinationales. De l'autre côté des Alpes, le gouvernement sortant de Mario Draghi a instauré une taxe exceptionnelle de 25% sur les entreprises du secteur de l'énergie. Cette fiscalité pourrait rapporter environ 10 milliards d'euros mais le mode de calcul annoncé par l'exécutif est déjà contesté en justice par certaines entreprises. En Espagne, le gouvernement du socialiste Pedro Sanchez a annoncé au mois de juillet une taxe sur les bénéfices des grandes entreprises énergétiques et financières qui pourraient rapporter quelque 3,5 milliards d'euros par an sur deux ans.

À la fin du mois de mai, le Royaume-Uni avait mis en place une taxation de 25% sur les mastodontes du gaz et du pétrole qui devrait permettre de lever 5 milliards d'euros. D'autres pays comme la Grèce, la Hongrie, la Roumanie, les Pays-Bas ou encore la Belgique ont mis en œuvre cette fiscalité. Au Royaume-Uni, en Espagne ou en Italie, on parle de quelques milliards d'euros, en sera-t-il de même en France si une telle mesure était appliquée ?  « Il faut s'attendre à des recettes fiscales du même ordre en France », ajoute l'économiste du CEPII. Sur la planète, plusieurs organisations internationales comme le FMI ou l'OCDE ont fait des recommandations pour soutenir une telle taxe.

Des recettes encore difficiles à estimer

Néanmoins, il est encore difficile à ce stade d'estimer le montant des recettes attendues par cette taxation. Le passage du projet de loi de finances au Parlement risque de faire resurgir ce débat brûlant. Tout va dépendre de l'assiette fiscale et du taux mis en œuvre. Lors du vote sur le dernier budget rectificatif 2022 en plein cœur de l'été, plusieurs députés avaient déposé des amendements. Le groupe socialiste a mis sur la table une taxe de 25% portant sur les superprofits des géants pétroliers et gaziers, les sociétés de fret maritime et les concessionnaires d'autoroutes.

Cette fiscalité permettrait de rapporter près de 10 milliards d'euros. Dans le détail, les contributions seraient de 4 milliards d'euros pour TotalEnergies, 925 millions d'euros pour Engie, 4,4 milliards d'euros pour CMA-CGM et 875 millions d'euros pour les concessionnaires d'autoroutes. De son côté, l'amendement déposé par le Rassemblement national (RN) propose d'imposer à un taux de 50% les bénéfices exceptionnels réalisés entre le premier juillet et le 31 décembre 2021 pour les entreprises réalisant plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cette proposition engloberait les grandes entreprises du CAC 40 et une fraction des entreprises de taille intermédiaire (ETI).

La pression monte sur les entreprises de l'énergie et du transport

Après la publication des résultats stratosphériques du géant marseillais CMA-CGM il y a quelques jours, la pression est montée d'un cran sur les entreprises du transport et de l'énergie. Le transporteur de fret a dégagé un bénéfice net de 7,6 milliards de dollars au second trimestre, plus que doublé sur un an dans un contexte de tensions persistantes sur les chaînes d'approvisionnement mondiales.

En six mois, le groupe aura engrangé 14,8 milliards de dollars, après un record de 17,9 milliards sur toute l'année 2021. « La pression monte sur les entreprises car beaucoup de pays européens se sont engagés dans cette voie », explique à La Tribune Quentin Parrinello de l'ONG Oxfam. Selon le responsable de plaidoyer Justice Fiscale et inégalité, « cette taxe pourrait rapporter 10 milliards d'euros mais c'est une estimation basse. Les chercheurs qui ont eu accès aux données d'entreprises se sont appuyés sur les résultats de 2020. Avec la reprise, on peut s'attendre à un meilleur rendement de cet impôt ». Il faudrait que « Bercy fasse le calcul mais ce sont les plus réfractaires. »

Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 12/09/2022 à 23:54
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Les taxes sur les profits..je rêve à qui profite l'inflation ? En premier l'état ( taxes, TVA) qui se gave et n'en a jamais assez et pour cause ça mauvaise gestion du pays par ces promesses électorales nous ruines incapable de faire des projets... p...

à écrit le 12/09/2022 à 19:12
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Ce sont pas les taxes sur les soit disant super profits qui règlera le problème budgétaire de la France. Nous sommes déficitaires de 100 milliards tous les ans. Pour résoudre le problème, il n'y a qu'une solution : réformer pour diminuer les dépenses...

à écrit le 12/09/2022 à 17:18
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Tant d'acharnement en France sur les entreprises privées à l'activité cyclique telle que Total tandis que le 1er bénéficiaire de l'inflation c'est l'état qui se goinfre de taxes dont le combo TICPE/TVA sur les carburants. Par ailleurs, faut-il ...

à écrit le 12/09/2022 à 10:59
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Pourquoi voulez vous rapporté 10 milliards de taxes quand de l'autre côté il en jettent 200... ?? Le gaz oil devrait être à 2,50 € ai lieu de quoi il est a un tarif comme si il n'y avait aucune crise.. même chose pour le gaz et l'électricité, ce qui ...

le 12/09/2022 à 21:41
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Ne pas oublier que l’Etat préempte déjà normalement +/- 60 % de taxes sur les carburants dont de la TVA à 20 % appliquée en pourcentage. Plus le prix du baril monte, plus l’Etat engrange de taxes. Il est tout à fait normal qu’il restitue une partie d...

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