Quand la taxe sur les superprofits va-t-elle être décidée ? Pour ce dirigeant d'un grand groupe du bâtiment, il ne fait plus aucun doute qu'elle va tomber. "Parce que dans ce pays, il faut toujours qu'il y ait un scalp de patron !... ce n'est qu'une question de jours ", regrette-t-il amèrement.
Il n'est pas le seul à se sentir sous pression." "Comme toujours on va nous demander de payer", se désole, las, le capitaine d'un groupe de luxe français. Et d'ajouter : "Pour le symbole, surtout. Parce qu'il ne faut pas se leurrer, l'essentiel de notre activité se situe à l'international.... nous paierons, évidemment, mais personne ne voit ce que nous faisons pour l'embauche, le maintien dans l'emploi... etc."
Les chefs d'entreprises ne se font guère d'illusion et attendent la sentence. S'ils y ont échappé dans le texte sur le pouvoir d'achat qui vient d'être voté à l'Assemblée nationale ce matin, ils l'attendent dans le projet de loi de finances rectificatif en débat dans l'hémicycle cet après-midi. Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens par des élus écologistes, socialistes et de la France Insoumise.
Une idée qui traverse les courants politiques
La France fera-t-elle comme l'Espagne, l'Italie, ou encore le Royaume-Uni ? Va-t-elle instaurer une taxe sur les grands groupes ? Mettre à contribution les entreprises, notamment celles qui ont profité de la crise, en réalisant d'importants bénéfices grâce à l'inflation, ou aux tensions sur l'énergie, fait en tout cas débat dans la classe politique française. Les députés de la Nupes y sont favorables - à hauteur d'une taxe exceptionnelle de 25 % sur les superprofits des entreprises gazières, pétrolières mais aussi des sociétés de transports maritimes et des autoroutes, dont le chiffre d'affaires est supérieur à 1 milliard d'euro. Le Rassemblement national est également sur cette ligne, en ciblant "les profiteurs de guerre". S'y ajoutent aussi certains élus de la majorité qui estiment également que ces grands groupes, souvent internationaux, doivent aussi faire preuve de solidarité envers les concitoyens. Enfin, à droite, Olivier Marleix, a lui aussi estimé, cette semaine, "qu'il n'avait aucune hostilité à ce que l'Etat, par la loi, mette davantage à contribution les pétroliers si nécessaire". " On voit Total - ce n'est pas un crime de leur part, mais réaliser des bénéfices avec la hausse des cours"...
Le gouvernement freine des quatre fers
Le gouvernement prévoit de débloquer plus de 20 milliards d'euros pour aider les Français à faire face à l'inflation. Il lui faut trouver des ressources. Mais pour l'heure, le gouvernement refuse toujours d'en passer par une taxe. Il préfère demander aux entreprises de faire des gestes volontaires pour les consommateurs. Plus efficace et plus rapide selon Bercy que la collecte d'un nouvel impôt. Le 14 juillet, dans son interview, Emmanuel Macron évoquait une "contribution ciblée de ces entreprises, qui ne soit pas dans la démagogie ", mais le président de la République restait flou. Comme une esquive.
Mercredi, dans un entretien au journal Le Monde, Bruno Le Maire assurait : " ces entreprises doivent-elles faire plus ? Oui, certainement !". Et le ministre de l'Economie, qui préfère donc faire confiance à la responsabilité des dirigeants, de promettre de faire les comptes lors de l'examen du projet de loi de Finances 2023, à l'automne prochain.
Certains groupes font des gestes
Les grandes entreprises, notamment les énergéticiens, voient-ils le vent du boulet se rapprocher d'elles ? Face à la pression, TotalEnergies, groupe régulièrement pointé du doigt, a promis, ce vendredi 22 juillet, une nouvelle remise à la pompe de 20 centimes par litre entre septembre et novembre, dans toutes ses stations services, puis de 10 centimes, le reste de l'année.
Dans la foulée, l'armateur CMA CGM a lui-aussi, fait part, après un premier geste en juin dernier, d'une nouvelle baisse de ses tarifs "pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages français et de l'économie". Il va réduire de 750 euros par conteneurs vers l'Hexagone et l'Outre-mer, ses taux de fret, soit jusqu'à 25 % de ses prix - contre 500 euros prévus initialement.
Pas sûr toutefois que cela ne suffise à apaiser le débat à l'Assemblée nationale.