
Gabriel Attal ne cache pas sa satisfaction. Près de 14,6 milliards d'euros, l'an dernier, ont été mis en recouvrement par Bercy. En grande partie, cette somme concerne les entreprises : 9 milliards d'euros, soit 1,2 milliard de plus qu'en 2021. Et le ministre des Comptes publics de souligner que « c'est l'équivalent de presque deux fois le budget du ministère de la Justice. »
L'intelligence artificielle au service des agents du fisc
Ce résultat a été obtenu grâce à plus de contrôles, mais aussi à des croisements de fichiers entre les administrations. Les nouvelles technologies permettent aux agents du fisc de gagner en efficacité. Plus d'un contrôle fiscal sur deux l'an dernier a d'ailleurs été déclenché suite à une anomalie détectée par l'intelligence artificielle. Ces techniques permettent d'attirer l'attention des agents - par exemple sur une différence importante entre des revenus déclarés et un patrimoine réel -, ils procèdent alors à des vérifications, avant des sanctions.
La fin du fameux « verrou de Bercy » en 2018 a aussi largement changé la donne. Le ministère du Budget avait alors le monopole pour déclencher des poursuites pénales en matière de fraude fiscale. Il était le seul à avoir le droit de déposer plainte contre un individu soupçonné de malversations fiscales. Aujourd'hui, les litiges ne se règlent plus en catimini par les agents du fisc, mais sont directement transmis à la justice. Ce qui facilite aussi les recouvrements.
La fraude la plus répandue : la sous-déclaration de revenus
Le plus souvent, il s'agit de sous-déclarations de bénéfices fiscaux des entreprises, mais aussi des particuliers. Très courantes également, les fraudes aux crédits d'impôts des ménages, mais aussi des niches des sociétés.
Bercy traque aussi les fraudes à la TVA, elles ont rapporté d'ailleurs l'an dernier plus de 2 milliards d'euros. Concernant la TVA, le gouvernement espère gagner encore en puissance avec la mise en place, l'an prochain, de la facturation électronique obligatoire entre les entreprises. Il sera encore plus difficile de passer entre les gouttes. Et selon Gabriel Attal, le véritable exemple en la matière est l'Italie, qui a réussi, par ce dispositif, à récupérer 2 milliards d'euros en plus par an.
La lutte contre fraude sociale va monter en puissance
Elle reste moins importante que la fraude fiscale, et concerne essentiellement la fraude aux cotisations, qui atteint 800 millions d'euros en 2022. Les redressements sont surtout relatifs à du travail illégal, ou du travail détaché. Les détections de malversations concernant des allocations familiales, RSA etc. ont rapporté à peine 350 millions d'euros.
Mais Bercy entend monter au créneau. Notamment, en interdisant le versement d'allocations sur des comptes étrangers. Type le versement d'une pension de retraite sur un compte au Maghreb. Les agents passent en ce moment au crible ces envois afin de vérifier que la personne est encore en vie. « Il arrive que la personne ait 120 ans.... autant vous dire qu'elle est décédée depuis longtemps, sans que l'administration en soit informée, et que ce sont ses enfants et petits enfants qui en profitent », rapporte un agent du fisc.
Un futur plan de lutte contre la fraude prévu en mars
Gabriel Attal entend d'ailleurs présenter un plan de lutte contre la fraude dès la fin du premier trimestre. Le ministre veut notamment pouvoir avoir connaissance des allers-retours aériens de certains contribuables, qui bénéficient de prestations assujetties à des conditions de résidences dans l'Hexagone, mais qui ne les respectent pas toujours. Pas sûr toutefois que la CNIL accepte toutes ces vérifications.
A un moment où l'Etat cherche à rétablir ses comptes, où il s'apprête à demander aux Français de travailler plus pour limiter les déficits, le gouvernement veut se montrer exemplaire dans sa traque aux fraudeurs. C'est aussi un message envoyé à l'extrême droite, qui a souvent évoqué ce crédo. « Sans compter que faire rentrer des dizaines de milliards d'euros par an dans les caisses de l'Etat est toujours bon à prendre. C'est toujours ça de moins à emprunter sur les marchés ! », ironise un agent de Bercy.