Fraude fiscale  : le parquet national financier (PNF) cherche à convaincre les entreprises à se dénoncer

Le parquet national financier (PNF) a publié lundi de nouvelles lignes directrices sur les négociations de la convention judiciaire d'intérêt public (Cjip), pour plus de « prévisibilité et de sécurité juridique » afin d'inciter les entreprises à se dénoncer en cas de fraude fiscale et choisir ainsi une amende plutôt qu'une poursuite pénale. Pour minorer l'amende, l'entreprise est incitée à coopérer avec les magistrats du parquet, en fournissant une enquête interne.
Des poids lourds comme Airbus (2,1 milliards d'euros en 2020), Google (500 millions d'euros en 2021) ou McDonald's (1,25 milliard en juin 2022) sont passés ces dernières années à la caisse.
Des poids lourds comme Airbus (2,1 milliards d'euros en 2020), Google (500 millions d'euros en 2021) ou McDonald's (1,25 milliard en juin 2022) sont passés ces dernières années à la caisse. (Crédits : pnf)

Le parquet national (PNF) cherche à convaincre les entreprises à se dénoncer pour éviter les poursuites pénales en payant des amendes. Sur son site, le parquet a ainsi « mis à jour » des lignes directrices datant de juin 2019, en tenant compte de « l'expérience des Convention judiciaire d'intérêt public (Cjip) conclues et exécutées au cours des cinq dernières années » pour les entreprises soupçonnées de corruption, de trafic d'influence, de fraude fiscale et de leur blanchiment.

Renforcer l'efficacité du dispositif de traitement des affaires pénales

Ces lignes directrices « entendent renforcer la qualité de la coopération des personnes morales avec l'autorité », résume le PNF. Selon le parquet, cette alternative aux poursuites « renforce l'efficacité du dispositif de traitement des affaires pénales », et au sein des entreprises, elle « est susceptible de contribuer à la qualité du climat social, de l'engagement de ses dirigeants à prévenir, détecter et traiter les infractions ».

Si le PNF ne souhaite pas « imposer de conditions a priori pour accéder à la Cjip », il requiert néanmoins « une coopération de bonne foi de la personne morale », qui peut être « la révélation spontanée des faits au parquet ».

Une amende minorée si l'entreprise révèle spontanément sa fraude

Le calcul, technique, du montant de l'amende est précisé, avec un barème croisant les facteurs majorants et minorants. Un mode de calcul qui n'était pas aussi détaillé en 2019.

L'amende sera ainsi majorée si l'entreprise fait obstruction à l'enquête, mais minorée si elle révèle spontanément sa fraude. Si l'entreprise utilise ses ressources pour dissimuler les délits, l'amende sera augmentée, mais si le système d'alerte interne est efficace, elle sera réduite. Pour minorer l'amende, l'entreprise est incitée à coopérer avec les magistrats du parquet, en fournissant une enquête interne. Outre une amende à payer, l'entreprise peut être soumise à un programme de conformité par l'Agence française anticorruption (AFA) et dédommager les victimes, comme l'administration fiscale par exemple.

Créée par la loi Sapin II en 2016, la Cjip doit être validée par un juge au terme des négociations qui sont confidentielles. Elle ne vaut pas condamnation pénale de l'entreprise, ni reconnaissance de culpabilité, et éteint les poursuites pour la personne morale.

Pour le PNF, la Cjip est « efficace » car la sanction est rapide, moins coûteuse, moins longue et moins aléatoire qu'une instruction suivie éventuellement d'un procès, p« révient la récidive » grâce au contrôle qui peut être imposé à l'entreprise par l'Agence française anticorruption et « renforce la souveraineté pénale et économique de la France. »

Côté avocats des entreprises, on souligne les avantages de cette alternative « pragmatique » aux poursuites: pouvoir continuer d'accéder aux marchés publics, surtout à l'étranger, préserver sa réputation, éviter le feuilleton médiatique et une longue procédure imprévisible, tout en sachant que les amendes encourues sont plus élevées que celles prononcées en correctionnelle

Un dispositif contesté par des sénateurs socialistes de gauche

«  Je me demande toujours où est l'intérêt public dans ce dispositif », interpellait Gabriel Attal le sénateur communiste Eric Bocquet à l'occasion d'un débat la semaine dernière sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales organisé au Sénat : « les amendes récupérées ne représentent pas la totalité des sommes éludées et cette méthode de « négociation » laisse entendre au commun des mortels que la loi fiscale ne s'applique pas de la même manière selon que vous êtes puissant ou misérable ».

« Quand vous rentrez dans une bataille judiciaire, on se bat parfois face à des grandes entreprises qui ont une armée juridique et peuvent faire durer les choses », a répliqué Gabriel Attal, pour qui « 40% des montants de la fraude récupérés chaque année » par les finances publiques sont issus de la DIVN, le service de Bercy qui contrôle les entreprises au chiffre d'affaires supérieur à 400 millions d'euros. « La succession d'audiences et d'appels peut aussi finir par faire baisser le montant que nous réussissons in fine à recouvrer ». En permettant de récupérer de l'argent, qui plus est rapidement, la Cjip est donc « un outil utile à plusieurs titres », a insisté le ministre des Comptes publics.

« De quelle justice rêve-t-on ? »

Interpellé par le sénateur socialiste Victorin Lurel, Gabriel Attal a par ailleurs souligné que les  Cjip  étaient homologuées par le juge : « ces conventions sont largement négociées par le parquet national financier et ensuite le juge doit les valider. Donc ces outils sont évidemment examinés et validés in fine par l'autorité judiciaire ». Dans sa question, le sénateur de la Guadeloupe avait fait part de ses craintes de « dérive de la philosophie même du contrôle » fiscal. « Certes le développement d'une logique préventive est louable, mais faire primer l'absolution des fraudeurs me paraît une voie glissante et donc dangereuse ».

« De quelle justice rêve-t-on ? Celle de conclure un accord entre un client et le parquet, seul maître à bord ? » a cinglé un juge du siège, pour lequel ce genre de transaction « pose aussi la question de la séparation de l'autorité des poursuites ».

Gabriel Attal avait reconnu la nécessité de « perfectionner » l'évaluation des montants qui échappent à l'Etat en raison de la fraude fiscale, et a rappelé son intention de présenter « avant la fin du premier trimestre » un plan de lutte contre les fraudes « fiscale, sociale et douanière » .

Des poids lourds comme Airbus (2,1 milliards d'euros en 2020), Google (500 millions d'euros en 2021) ou McDonald's (1,25 milliard en juin 2022) sont passés ces dernières années à la caisse pour mettre un terme à des enquêtes judiciaires sur des fraudes fiscales. A ce jour, les Cjip du PNF ont rapporté au total 5,2 milliards d'euros à l'Etat.

 (Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 17/01/2023 à 10:06
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convaincre + de et non convaincre + à !

à écrit le 17/01/2023 à 0:04
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Et on vient nous faire braire avec les retraites . Que les fraudeurs assument leurs responsabilités et on verra que tout le budget de l état est à. L’équilibre www

à écrit le 16/01/2023 à 16:14
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Encore la Fraude Fiscale! Dans un pays où chacun pense que son voisin ne paye pas l'impôt qu'il devrait payer, où le Parlement est incapable de le voter - heureusement qu'il y a le 49-3 - et s'intéresse peu à ce qu'il est bien dépensé, où "l'optimisa...

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