Les députés ont adopté en première lecture, par 203 voix contre 165, le premier article de loi qui porte le projet de réforme de l'assurance chômage. Il permet de proroger les règles actuelles de l'assurance chômage et ouvre surtout la possibilité, par décret, de moduler l'assurance chômage afin qu'elle soit « plus stricte quand trop d'emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé », selon les mots d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. « Quand ça va bien, on durcit les règles et, quand ça va mal, on les assouplit » synthétisait de son côté début septembre le ministre du Travail Olivier Dussopt.
Quels indicateurs choisir pour moduler ?
Les syndicats ont déjà pu afficher leur scepticisme. Ainsi Cyril Chabanier (CFTC) doutait de l'applicabilité concrète de règles fluctuant avec la conjoncture, pointant notamment le risque d'être « à contretemps » par rapport à l'économie « qui évolue vite ». Sur les critères de modulation , « il faut faire simple, transparent, éviter de croiser plusieurs indicateurs », plaide Marc Ferracci, député Renaissance et un des inspirateurs de la précédente réforme. Il préconise de « prendre un indicateur sur lequel il n'y a pas de débat, avec une temporalité de publication suffisamment fréquente ». Le taux de chômage BIT publié par l'Insee est, selon lui, « un bon candidat, car il est corrélé à la durée de chômage effective. Quand la conjoncture se dégrade, la durée de chômage s'allonge ».
Pallier les difficultés de recrutements
Après une phase de concertation de six à huit semaines avec les partenaires sociaux, le gouvernement décidera par décret de la forme que prendra cette modulation, pour une entrée en vigueur début 2023. Olivier Dussopt a par ailleurs confirmé dans l'hémicycle une « application très différenciée pour les territoires d'outre-mer », plus durement frappés par le chômage.
L'exécutif martèle que la réforme est urgente, en raison de difficultés de recrutement dans des secteurs comme l'hôtellerie, la restauration ou le BTP. Il en fait l'une des conditions pour atteindre l'objectif de plein emploi en 2027, soit un taux de chômage d'environ 5% contre 7,4% actuellement. Le député Renaissance Karl Olive a défendu une « société du plein emploi et du travail », plutôt que « la société du « rester chez soi » quand on peut aller travailler ».
Pour LFI, « une guerre déclarée aux chômeurs »
Ce texte déclare « la guerre aux chômeurs », s'est emportée la cheffe de file des députés LFI Mathilde Panot. « Les assistés ne sont pas ceux que vous persécutez, mais ceux qui trônent au sommet, à qui vous faites des courbettes », a-t-elle lancé à la majorité. Le ton est monté quand le communiste Sébastien Jumel a reproché aux macronistes d'avoir choisi comme rapporteur de ce texte sur l'assurance chômage le député des Français de Suisse Marc Ferracci (élu de la 6e circonscription des Français de l'étranger), « vous imaginez la déconnexion ! ». Philippe Vigier (MoDem) et Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance) ont dénoncé des « attaques personnelles », alors que tous les députés ont la « même légitimité ». Les parlementaires poursuivront mercredi l'examen de ce texte, attendu en séance au Sénat le 25 octobre.
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ZOOM- DÉPENSES SOCIALES RECORD EN ESPAGNE
Le gouvernement espagnol a présenté mardi un projet de budget pour 2023 prévoyant des dépenses sociales record, financées en partie par un impôt sur la fortune, et a révisé à la baisse sa prévision de croissance. « Six euros sur dix de ce budget sont destinés aux dépenses sociales, ce qui signifie que l'État va destiner au social la plus grosse somme jamais destinée à ce domaine » dans le pays, a assuré la ministre du Budget Maria Jésus Montero. Ce projet de budget 2023 -sur lequel les partenaires de la coalition de gauche au pouvoir, socialistes et gauche radicale de Podemos se sont mis d'accord mardi matin- inclut notamment une revalorisation des retraites indexée sur l'inflation, a précisé la ministre.
Il prévoit aussi une enveloppe de 700 millions d'euros pour financer l'an prochain la gratuité des trains de banlieue mise en place en septembre pour lutter contre une inflation galopante. L'allocation logement entrée en vigueur cette année sera par ailleurs maintenue. Ces dépenses et les mesures anti-inflation prises par l'exécutif seront notamment financées par la création, annoncée il y a deux semaines, d'un impôt temporaire et exceptionnel pour les contribuables les plus aisés.
Cet « impôt de solidarité sur les grandes fortune »", qui sera en vigueur en 2023 et 2024, touchera les personnes disposant d'un patrimoine net supérieur à 3 millions d'euros et devrait rapporter 1,5 milliard d'euros en deux ans. « Le principal défi auquel fait face notre économie est l'inflation", qui a ralenti en septembre à 9% après avoir passé trois mois au-dessus des 10%, a souligné pour sa part la ministre de l'Économie Nadia Calviño. Dans ce contexte, l'exécutif de Pedro Sanchez a révisé en baisse sa prévision de croissance à 2,1% en 2023 contre 2,7% anticipé jusqu'ici. Pour cette année, le gouvernement a au contraire révisé légèrement à la hausse sa prévision, à 4,4%, contre 4,3% auparavant. Ce projet de budget pour 2023, année des prochaines élections législatives, devra désormais être soumis au Parlement où le gouvernement est minoritaire, mais peut notamment compter sur le soutien d'indépendantistes catalans ou de nationalistes basques.