Les répercussions du coronavirus sur l'industrie sont catastrophiques. Selon le dernier indice PMI publié ce lundi 4 mai, le secteur manufacturier a enregistré au mois d'avril son plus fort recul depuis que l'enquête a été mise en place en 1998. L'annonce du confinement le 17 mars dernier par le président de la République Emmanuel Macron a provoqué une mise à l'arrêt brutale du moteur industriel français. Beaucoup de grands groupes avaient annoncé une suspension de leurs chaînes de production pour plusieurs semaines.
Près de deux mois après ces annonces, beaucoup d'industries ont repris le travail mais les conditions de sécurité sanitaire s'avèrent complexes à mettre en oeuvre. En outre, la pandémie a provoqué une désorganisation des chaînes d'approvisionnement mondiales, mettant en péril des milliers de fournisseurs et d'autres maillons des chaînes logistiques.
Du côté de la demande, les indicateurs sont également dans le rouge. Beaucoup d'entreprises ont réduit drastiquement leurs activités et les ménages français ont privilégié l'épargne de précaution. Dans un discours prononcé au Sénat ce lundi 4 mai, le Premier ministre Edouard Philippe a insisté sur l'urgence de la situation. "Les fleurons de notre industrie sont menacés : l'aéronautique, l'automobile, l'électronique. Les PME, les ETI, les starts-ups sont au bord de l'asphyxie".
Une contraction sans précédent
L'indice PMI qui prend en compte les nouvelles commandes, la production, l'emploi, les délais de livraison des fournisseurs et stocks des achats est passé de 43,2 en mars à 31 en avril. Cet instrument, qui constitue un indicateur avancé très observé par les milieux financiers et les économistes, illustre l'effondrement de la demande au mois d'avril, les nouvelles commandes reçues par les fabricants ayant enregistré de loin leur plus fort taux de contraction.
Une baisse des effectifs
La fermeture des usines et sites de fabrication a entraîné une chute massive des effectifs. "La contraction de l'emploi s'est en outre accélérée au cours du mois, son taux dépassant le sommet historique enregistré en janvier 2009 pour établir un nouveau record en avril" expliquent les économistes de Markit. Beaucoup d'industriels ont fait des demandes de chômage partiel au cours des mois de mars et avril, notamment chez de grands constructeurs automobiles comme Renault ou PSA. Des plans de restructuration et des licenciements pourraient être annoncés dans les semaines à venir.
Une chute historique au premier trimestre
Les derniers chiffres de l'institut national de statistiques (Insee) publiés le 30 avril dernier montrent l'ampleur du choc au premier trimestre. Selon cette première estimation, le produit intérieur brut (PIB) aurait reculé de 5,8% entre janvier et mars alors que le confinement a débuté à la mi-mars en France. La production de biens s'est ainsi repliée de 4,8% et celle de l'industrie manufacturière de 5,8%. Et le moral des directeurs d'achats pour le reste de l'année est loin d'être au beau fixe.
"Malgré l'annonce d'une levée progressive des mesures de confinement dans l'Hexagone à partir du 11 mai prochain, les entreprises interrogées se disent très pessimistes quant à une hausse de leur activité au cours de l'année à venir. La crainte d'une deuxième vague de contamination risque en effet de freiner le retour à la normale et devrait compromettre les chances d'une reprise prochaine de l'activité économique du pays" explique Eliot Kerr, économiste à IHS Markit.
Zone euro : l'industrie dans le rouge
La situation est également critique chez nos principaux voisins de la zone euro. L'industrie manufacturière a ainsi enregistré sa plus forte contraction depuis 1998 selon les dernières enquêtes de Markit. L'indice PMI s'est ainsi replié très violemment passant de 44,5 en mars à 33,4 en avril. La Grèce et l'Espagne sont les deux économies à avoir connu la plus forte contraction en zone euro. Elles sont suivies de l'Italie et la France.
"L'activité du secteur manufacturier s'est effondrée en avril, le taux de contraction surpassant de loin ceux enregistrés depuis le début du recueil des données PMI dans la zone euro, il y a près de vingt-trois ans. Cette dégradation considérable de la conjoncture industrielle résulte d'un ensemble de facteurs, notamment la fermeture de nombreuses entreprises, la chute sévère de la demande et des ruptures de stocks, tous liés à la pandémie de Covid-19" a déclaré Chris Williamson, chef économiste chez IHS Markit.
Des mesures suffisantes ?
Les différentes mesures de soutien annoncées par les différents Etats de la zone euro ont permis jusque-là de limiter la casse économique et sociale. Les dispositifs de chômage partiel ont éviter des licenciements massifs et les mesures de trésorerie et de prêts garantis par les Etats donnent aux entreprises quelques marges de manoeuvre. De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) a largement assoupli sa politique monétaire pour faciliter les conditions de financement des entreprises et des ménages pendant cette récession historique.
Il reste que toute cette panoplie pourrait s'avérer insuffisante sans un réel plan de relance économique coordonné à l'échelle de la zone euro. Pour l'instant, les ministres des finances européens ont trouvé un accord sur un socle commun de règles mais aucun grand plan d'investissement n'a été réellement annoncé. La Commission européenne mise, elle, sur un Green deal à l'échelle de l'Europe mais les différents groupes de pression et grandes industries pourraient retarder la mise en oeuvre de cette politique publique malgré l'urgence écologique.