De quoi la loi El Khomri est-elle l'enjeu ?

Provocation ou confrontation assumée? Le projet de réforme du droit du travail permet à Manuel Valls de résolument se poser en réformiste, quitte à heurter délibérément le parti socialiste. mais le projet de loi est également en passe de ressusciter un front syndical uni.
Jean-Christophe Chanut
Le projet de loi El Khomri est en passe de reconstruire contre lui un front syndical uni.... pour la première fois depuis l'élections de François Hollande à l'Elysée.

Le très contesté projet de loi El Khomri - vite rebaptisé El Macron par certains - risque de provoquer de forts effets collatéraux politiques et sociaux.
Sur le terrain politique, Manuel Valls assume totalement la confrontation qui s'annonce avec une grande partie du PS. Voire même, il la souhaite. Sinon, il aurait déconseillé à François Hollande de s'engager dans la périlleuse voie d'une réforme du droit du travail à quatorze mois de la présidentielle...

Vers un front syndical uni?

En revanche, sur le terrain social, le risque semble avoir été moins bien calculé.... Et pourtant l'improbable est en passe de se produire : la (re)formation d'un front syndical uni. A l'initiative de la CGT, l'ensemble des organisations syndicales, à l'exception de la CFTC, ont décidé de se retrouver ce mardi 23 février pour envisager des « actions et initiatives communes » pour protester contre ce projet de loi réformant le code du Travail.
C'est une première - en dehors d'un rassemblement en 2013 contre la montée du Front National - depuis l'accession de François Hollande à l'Elysée. Jusqu'ici, FO, CGT, FSU et Solidaires, séparément ou parfois unis, montaient des journées d'action qui remportaient un succès très limité. Cette fois, les syndicats réformistes (CFE-CGC, Unsa et surtout CFDT) sont de la partie. Se dirige-t-on vers un grand défilé quasi unitaire, à l'instar de ce qui était arrivé avec le contrat première embauche (CPE) de Dominique de Villepin ?

Un défilé unitaire, du jamais vu sous un gouvernement de "gauche"

C'est encore trop tôt pour le dire mais ce serait alors du quasi jamais vu sous un gouvernement de « gauche ». De fait, le fond de l'air s'y prête car, parallèlement à la très contestée réforme El Khomri dans le privé, les agents de la fonction publique sont également prêts à se faire entendre pour protester contre le gel depuis 2010 de la valeur du point d'indice qui sert de base à la revalorisation de leur traitement. La nouvelle ministre de la Fonction Publique, Annick Girardin, reçoit les mardi 23 et mercredi 24 février l'ensemble des organisations syndicales pour évoquer la question des salaires.

Et, la ministre a déjà prévenu, l'Etat ne pourra pas se montrer très généreux...
Est-on alors à la veille d'un grand mouvement social, pronostiqué par certains ? Rien n'est moins sûr mais le Premier ministre Manuel Valls est cependant maintenant manifestement en alerte, désagréablement surpris de voir la CFDT participer à cette ébauche de mouvement.

C'est lui qui est en première ligne pour assurer le service après-vente de la présentation de l'avant-projet de loi travail: un déplacement dans une usine Solvay en Alsace, une tribune publiée sur Facebook, un passage sur RTL, etc. Manuel Valls se démultiplie. Et son message est toujours le même : oui à des évolutions sur le texte mais pas question de renoncer à réformer :

« Il faut bouger. Il y en a qui sont ancrés au XIXe siècle. Moi et les membres du gouvernement ici présents [Myriam El Khomri et Emmanuel Macron] nous sommes résolument dans le XXIe siècle et savons qu'économie et progrès social vont de pair : et nous nous sommes inspirés de ce qui marche dans d'autres pays, en Allemagne, en Suisse, en Espagne » a-t-il déclaré en Alsace.


Sur RTL, ce mardi 23 février, Manuel Valls a redit qu'il « irait jusqu'au bout», assurant que le texte se tournait « vers tous ceux qui cherchent un emploi ».
Mais pour ne pas crisper davantage les choses, le Premier ministre, interrogé sur un éventuel recours à l'article « 49-3 » de la Constitution, qui permet de faire adopter un texte sans vote » a assuré que « ce n'est pas une question essentielle(...) je veux convaincre une majorité de députés (...) une majorité de députés de gauche d'abord ».

Un texte qui permet à Valls de se projeter dans l'après 2017


Car là est tout le débat politique. En vérité Manuel Valls fait de la réforme du droit du travail avant tout une question politique. Quelques jours après ses déclarations sur les « deux gauches irréconciliables », le Premier ministre enfonce le clou. A la différence du président de la République, il se situe dans l'après 2017, persuadé que les grands clivages politiques vont sauter. La loi El Khomri devient ainsi le symbole de sa volonté de réformisme.... Avec ou sans le PS. Certes, le locataire de Matignon prend encore quelques précautions en espérant convaincre d'abord « une majorité de gauche » de voter le texte. Mais, manifestement, s'il n'y parvient pas, il compte alors sur les centristes et la droite pour l'appuyer. Manuel Valls ne s'en cache pas. Peu importe pour le Premier ministre si la réforme du Code du travail provoque une bronca syndicale, lui passera pour le « moderne » qui aura tenté de bouger les lignes.

Il prend ainsi date pour l'avenir, que le texte soit d'ailleurs voté ou pas, drapé dans la posture du réformiste. Il espère, se poser demain au centre de ce que l'essayiste Alain Minc appelait « le cercle de la raison », c'est-est-à-dire cette sphère politique composée de gens « raisonnables », allant des sociaux-démocrates éclairés aux républicains de progrès... En 1995, Alain Minc englobait ainsi dans son arc de cercle rêvé, des personnalités comme Jacques Delors et Edouard Balladur. C'est cette idée que souhaite ressusciter Manuel Valls.

Vers l'éclatement du PS?

On pensait que l'heure de vérité au sein du PS se produirait au moment de la loi Macron en 2015, mais le recours au 49-3 et la proximité des élections régionales ont finalement permis de sauver les meubles de l'unité de façade.

En revanche, cette fois, on y est. Le projet El Khomri, va élargir la ligne de fracture au sein des socialistes. Que reste-t-il de commun entre la gauche du parti incarnée, par exemple, par la sénatrice Marie-Noelle Lieneman et le groupe des « réformateurs », situé à la droite du PS, menée par le ministre Jean-Marie Le Guen ou le maire de Lyon Gérard Collomb ? Plus grand-chose en vérité. Même Jean-Christophe Cambadélis, le Premier secrétaire, semble las des forces centrifuges qui agitent son parti. Même si, à titre personnel, il ne cache pas sa circonspection face au projet El Khomri. La seule chose qui fasse encore tenir le PS, c'est en réalité le scrutin majoritaire à deux tours pour les élections législatives qui oblige à l'unité...

Et François Hollande dans ce débat ? Le président ne souhaite pas un recours à l'article 49-3 pour ne pas insulter une partie de la gauche dont il aura besoin s'il se représente en 2017. D'ou la gène manifeste de quelques ministres "hollandais" face au projet de loi, Marisol Touraine et Ségolène Royal notamment. Car c'est ce qui le différencie de son actuel Premier ministre, dans l'hypothèse où il postule pour un deuxième mandat, il se doit de préserver un minimum d'unité pour essayer de passer le premier tour. Aussi, il y a fort à parier qu'il agira pour gommer les aspects les plus provocants du projet El Khomri... mais sans trop reculer non plus. Sinon, il perdra un des arguments majeurs qu'il compte bien opposer son concurrent de la droite : « la réforme du droit du travail vous en parlez depuis des années, moi je l'ai réalisée ».

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 37
à écrit le 29/02/2016 à 19:08
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Vieux salarié ( 78 ans ) et ancien syndicaliste à une organisation réformiste je me souviens des propositions de l'ancien patron du MEDEF qui s'appelait alors le CNPF : " Supprimer l'autorisation administrative de licenciement et nous créons 100000 ...

à écrit le 29/02/2016 à 10:36
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/// HUMOUR///1 M r LA PALICE AURAIS DIT QUE L ON NE CRE PAS D ENPLOIES EN FAVORISANT LES LICENCIMENTS? IL NE FAUT PAS AVOIR BAC + 2 POUR CONPRENDRE CELA???

à écrit le 25/02/2016 à 9:12
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Le contenu de cette loi révolutionnaire dévoilé précisément au moment ou le Président de la République est loin, loin, très loin de la métropole... coincidence ?

à écrit le 24/02/2016 à 21:06
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Ce projet est encore bien insuffisant ; plus les régressions en droit du travail seront importantes, plus les syndicats pourront à l'avenir agir pour des progressions et se relégitimiser, mais voilà, faudrait se remuer, aller sur le terrain... Pour ...

le 24/02/2016 à 23:30
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Finalement resumant votre commentaire, on pourrait dire que ce système économique moribond nous permet le choix entre misère et pauvreté! Merveilleux choix qui existe dans toutes les sociétés occidentales d ailleurs. Nous sommes depuis 40 ans dans u...

à écrit le 24/02/2016 à 15:52
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Perso les partenaires sociaux, les relations à l'allemande je trouve ça génial...sur le papier pas en France! Des qu'on refile un sujet à discuter aux partenaires sociaux, chomage, formation etc...on obtient aucune évolution. Ces derniers temps se ...

le 24/02/2016 à 18:02
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+1

à écrit le 24/02/2016 à 10:53
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Je ne sais pas si le PS va éclater, mais pour 2017 je ne vois pas qui du gouvernement actuel va pouvoir ce présenter... Avec de tel réforme "républicaines", il va y avoir une sacré primaire

à écrit le 24/02/2016 à 9:39
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la majorité des français veulent qu'on accélère sur les réformes structurelles:c'est exactement ce que le gouvernement fait.bien sur il y aura quelques cris d'orfraie lorsqu'on touchera aux petits arrangements et niches,mais c'est exactement le momen...

le 24/02/2016 à 10:54
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Vous ne savez pas ce que veulent les français. Les syndicats ont plus d'adhérents que les partis politiques et plus d'électeurs. Ils sont plus crédibles que vos partis. Enfin parler de syndicats décrédibilisés au moment ou ce projet de loi b...

le 24/02/2016 à 10:55
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Pour l'instant ils ne touche ni au niches, ni aux riches. Seulement au pauvres. Ce gouvernement ressemble plus à un "robin des bois" pour riches en détroussant les pauvres pour donner aux riches qu'à un gouvernement de gauche !

le 24/02/2016 à 11:15
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C'est vrai que les français sont partant pour des réformes. Mais pas pour une réforme donant tous les droits aux entreprises et aucun aux salariés Temps de travail de 60h, Heures supplémentaires calculés sur 3 ans, (en réalité elles ne seront jamais...

le 24/02/2016 à 11:43
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de toutes façons,il faut bien comprendre qu'il n'y a pas d'autre politique possible vu la crise!alors au lieu de gémir ,les français devraient retrousser leurs manches!

le 24/02/2016 à 15:43
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Avant de dire aux autres de se mettre au travail, commencez déjà vous même à travailler dur !!!

à écrit le 24/02/2016 à 5:23
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Ce n est pas le code du travail..qui fait au on a vendu pechiney aux indiens, alsthom aux américains, Alcatel a Nokia, Pas non plus le,code du travail qui a fait le,désastre Areva, sans parler de l EPR...de PSA qui a failli mourir.....dEDF au bord d...

le 24/02/2016 à 10:08
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C'est plus rassurant de vivre avec 7 millions d'inscrits à Pole Emploi, que de vouloir moderniser l'ensemble de l'économie pour la remettre sur les bons rails ! Et quand on ne veut rien faire on a toujours un tas d'arguments et d'amalgames à disposit...

le 24/02/2016 à 10:58
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Vous devriez mieux lire ce nouveau code. Il offre aux patrons la possibilité de remettre l'esclavage en France et comme si ca ne suffisait pas il offre aussi la possibilité aux patrons de pouvoir délocaliser leur entreprise à l'étranger sans aucune c...

le 24/02/2016 à 11:19
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@ozarmes Curieux37 veut simplement dire que ces mesures seront sans effet sur le nombre de chomeurs. Que le problème est ailleurs. Un problème qu'on refuse de voir car on pense plus au court terme et a ses petits avantages. on est entrée dans une é...

le 25/02/2016 à 19:31
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Ce qui est curieux et contredit vos raisonnements c'est que dans d'autres Pays très voisins : Suisse, Allemagne, Grande Bretagne, etc.. , on est quasiment au plein emploi. Soit en France on est très mauvais, soit on est en train de muter avant tout l...

le 26/02/2016 à 11:42
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@ozarmes le plein emploi dans certains pays, c'est ce qu'on dit. Mais les situations sont loin d'être comparable. Ils ont moins de chomeurs mais plus de pauvres. Aux USA, les gens sans travail ne s'inscrivent pas les organismes censés gerer leur s...

à écrit le 24/02/2016 à 1:23
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Les Républicains et U.D.I ont tout à gagner à etre constructifs, et à déposer les Amendements bien travaillés, permettant d'améliorer ce qui peut l'etre. Puis à voter cette loi, quitte à rectifier à la marge l'an prochain. Ainsi cette loi sera voté p...

le 24/02/2016 à 11:05
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C E RAISONNEMENT N EST PAS FAUT? ON A EN FRANCE DESORME LE NOUVEAUX CENTRAGE VOULUE POUR DIRIGE LA FRANCE L U N P S AVEC SONT SYNDICAT LE CNPF ? VOILA L AVENIR QU ON NOUS RESERVE SI ON INVESTIE PAS LES RUES DE FRANCE DANS L UNITES TOTAL? ALORS ...

à écrit le 23/02/2016 à 19:00
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Provocation ou confrontation assumée? Et si c'était juste tactique? Proposer l'inacceptable pour obtenir le raisonnable? La douce Loi Macron plutôt libérale, a été rognée par la droite, qui s'est reniée. Elle a aussi été ringardisée par la gauche d...

le 23/02/2016 à 20:46
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60h par semaine quand il y a beaucoup de travail c'est possible comme l'est la retraite à 65 ans....pour un col blanc. Le fait même de l'envisager pour un ouvrir maçon démontre une déconnexion totale de bon nombre d'intellectuels avec le monde réel. ...

le 24/02/2016 à 11:22
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@Théophile La réalité est qu'il n'y a pas du travail pour 60h par semaine et que ce ne sera plus jamais le cas. Il faut voir comment est le monde réel. On n'est plus au 20eme siècle

à écrit le 23/02/2016 à 17:54
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Alors c'est qui ? Pourvu que la presse ne tombe pas dessus d'ici le soir du second tour en 2017. Cela dit, 3 semaines d'adolescents dans la rue et cette chips rejoint Fleur pour pleurer sous le balcon de François.

à écrit le 23/02/2016 à 17:51
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Le code du travail a déjà été particulièrement allégé par le Gvt , en effet grâce à l'effort et l'ingéniosité de nos camarades informaticiens ,il ne pèse plus qu' une cinquantaine de grammes sur une clé usb. Nous attendons maintenant que le patronat...

le 23/02/2016 à 18:35
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Réformer le code du travail est une chose .... avoir des commandes une autre ... c'est bien là le problème !

à écrit le 23/02/2016 à 17:43
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La lignée Hollande, Valls, Macron et El Khomi se sont déguisés en gens de gauche pour nous faire avaler la pilule. La droite et le MEDEF rêvaient de cette réforme, si elle passe, eux l'auront fait. Comment peut-on faire croire que pour mieux embauch...

le 23/02/2016 à 18:00
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Les syndicats râleront en façade mais ne feront rien pour les esclaves du privé : leurs représentants sont majoritairement issus du secteur public (on ne tire pas contre son camp) et achetés par le gouvernement. La preuve : la nouvelle cotisation sur...

à écrit le 23/02/2016 à 17:09
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Bientôt un code du travail de 5 kg qu'on pourra utiliser pour faire des push ups

le 24/02/2016 à 11:05
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Le seul point positif de ce nouveau code du travail... Avec ces nouveaux 5 kilo de plus, le patron aura mal en le prenant dans la tronche quand il vous dira que vous êtes viré grâce à ce nouveau code alors qu'avec lancier il n'aurait jamais pus le fa...

à écrit le 23/02/2016 à 17:05
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Un minimum de recherche montre que ce texte est une directive de l'UE. - Ni Valls, ni El Komhry ne sont à l'origine de ce texte. - Ni même le Medef qui sait jusqu'ou il peut aller. Mais le gouvernement cherche simplement à montrer ses "efforts" a...

le 23/02/2016 à 17:35
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Intox: pouvez vous citez précisément la directive Européene que la france devrait transposer? l'UE n'ayant que très peu de compétence législative en droit du travail (soumise de plus à l'unanimité...garantie de blocage ), je vous souhaite bon cour...

le 23/02/2016 à 18:36
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Désolé de vous contredire, tout est ici: Réforme des retraites, fonctionnement de Pole Emploi, allocations chômage, Licenciements... etc. Faites-vous votre idée : https://www.youtube.com/watch?v=USMf5oUPYlI PS.: à 2 min.12, le reportage de F...

le 23/02/2016 à 20:20
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2e tentative de réponse (après modération). En cherchant un peu sur youtube vous trouverez plusieurs reportages confirmant ces directives de Bruxelles: "revelation nos politiciens n ont plus aucun pouvoir"

à écrit le 23/02/2016 à 17:03
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Du buzz rien que du buzz , a la fin des manifestations de la nation à la bastille une loi sera voté qui ne réformera rien.Elle n'aura même pas de décret d'application et sera modifié par le prochain président. Plus besoin de se tenir à jour :la diarr...

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