C'était une priorité du quinquennat Macron. Quelques mois seulement après son arrivée au pouvoir, le chef de l'Etat avait voulu réformer rapidement le Code du travail français en réformant amplement les instances de représentation du personnel. Les ordonnances de 2017 ont fusionné les instances existant jusqu'alors - délégués du personnel, comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), comité d'entreprise - en une seule, le CSE, au sein duquel est instaurée une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) pour les entreprises de plus de 300 salariés.
Un rapport remis mi-décembre a brossé un tableau en demi-teinte de la réforme, listant un certain nombre de conséquences "contre-productives": "allongement des réunions et des ordres du jour pour traiter l'ensemble des sujets, moindre engagement des élus, manque d'articulation entre le CSE et les commissions, difficulté de traitement des questions de santé et sécurité au travail". Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a abondé en ce sens vendredi, au cours d'une conférence de presse. Pour le gouvernement qui assure régulièrement que le dialogue social est une de ses priorités, ce bilan à quelques semaines du premier tour du scrutin présidentiel est un pavé dans la mare.
Plus grande centralisation du dialogue social
La réforme a selon lui abouti à une "plus grande centralisation du dialogue social" et à une "disparition massive des représentants de proximité", avec pour effet une moindre attention aux "réalités du travail" sur le terrain et un "embouteillage" des ordres du jour des CSE.
Par accord, les employeurs pouvaient décider avec les syndicats la création de "représentants de proximité", mais cela était facultatif, si bien que "moins de 5% des entreprises possèdent des représentants de proximité", selon Philippe Potier, secrétaire national CFDT.
"Seules 20% des nouvelles instances (...) ont été mises en place par voie d'accord", aboutissant à une application "a minima" des nouvelles règles en matière de dialogue social, a déploré M. Berger.
Alors que 75% des salariés étaient "couverts" en 2017 par un CHSCT, ils ne sont plus que 46% à l'être aujourd'hui par une CSSCT, et ces questions de santé et sécurité au travail "sont reléguées" à la fin des ordre du jour des CSE, a-t-il affirmé.
"Confiance aveugle"
"La réforme de 2017 a fait une confiance aveugle aux employeurs pour concrétiser les objectifs affichés par les ordonnances, tout en leur donnant les moyens d'y échapper. C'est un 'en même temps' qui a fait une victime, c'est la qualité du dialogue social", a-t-il tonné.
Plusieurs représentants syndicaux CFDT ont témoigné des conséquences de la réforme dans leur entreprise: ainsi, chez IBM, entre 2017 et 2021 le nombre d'instances est passé de 19 à 3, et le nombre d'heures de délégation annuelles pour les élus de plus de 120.000 à 35.000, a expliqué Hélène Bouix.
Cette "réduction des moyens" a eu pour effet une moindre proximité avec les salariés et une moindre "efficacité sur les problématiques de santé et de condition de travail", a-t-elle résumé.
Une dizaine de pistes d'amélioration
La CFDT propose plusieurs pistes d'améliorations, parmi lesquelles une hausse du nombre d'heures de délégation, la possibilité pour les suppléants d'assister aux réunions du CSE, la mise en place obligatoire de représentants de proximité, la possibilité pour les syndicats de communiquer via les mails professionnels des salariés.
Une réunion entre les partenaires sociaux et le ministère du Travail est prévue lundi à 17H00, pour discuter d'un "plan d'accompagnement de la mise en œuvre des ordonnances".
Cette réunion consécutive à la remise du rapport est une "réponse très insuffisante" aux questions soulevées, a jugé M. Berger. "Tout cela n'est pas une question de non compréhension ou d'accompagnement", il y a un "défaut structurel de ces ordonnances" qu'il faut corriger, a-t-il estimé.
(Avec AFP)