Emploi : l'intérim en chute libre

Plus de 185.000 emplois dans l'intérim ont été détruits en 2020, selon le dernier baromètre Prism'emploi. Les embauches se sont, elles, effondrées de 23,6%.
Grégoire Normand
Dans le BTP et la construciton, le recul de l'emploi temporaire est d'environ 28% au cours de l'année 2020.
Dans le BTP et la construciton, le recul de l'emploi temporaire est d'environ 28% au cours de l'année 2020. (Crédits : Reuters)

Les vagues d'épidémie ont eu des effets dévastateurs sur le marché du travail. Selon le dernier baromètre Prism'emploi dévoilé ce mercredi 10 février, le travail temporaire a chuté de 23,6% en 2020. Au total plus de 185.000 emplois ont été détruits au cours de cette récession historique. La mise sous cloche de l'économie française au mois de mars a provoqué un effondrement spectaculaire de l'emploi temporaire (-65%). Si le chômage partiel a permis de limiter la baisse dans les semaines qui ont suivi, l'emploi intérimaire a poursuivi son inexorable chute sans vraiment rattraper les niveaux enregistrés en 2019. La levée des mesures avant l'été a permis au marché de l'emploi de retrouver des couleurs mais les effets du second confinement ont à nouveau fait plonger les embauches sur la fin de l'année.

"L'année 2020 a été très difficile. Elle avait démarré par un infléchissement en début d'année. Avec un effondrement de l'activité de 24% en 2020 et 185.000 emplois détruits, j'ai des difficultés à parler de reprise de l'activité" a expliqué Gilles Lafon, président de Prism'emploi lors d'un point presse. "Le contexte reste toujours très incertain sur les secteurs comme l'événementiel, l'aéroportuaire, l'hôtellerie. Certains secteurs restent sinistrés quand d'autres s'en tirent mieux comme le commerce électronique. L'intérim a un rôle majeur dans la continuité de l'activité" a-t-il poursuivi.

Selon Isabelle Eynaud-Chevalier, déléguée générale de l'organisation professionnelle, le bilan est in fine "évidemment très mauvais" et revient à "l'effacement de la croissance observée entre 2016 et 2018 et un retour au niveau d'emploi observé en 2015".

Tous les secteurs ont connu une baisse

L'onde de choc provoquée par la propagation du virus a eu des répercussions sur l'ensemble des secteurs traditionnels de l'intérim. L'industrie, habituellement moteur des embauches de ce type de contrat pour faire face au surcroît d'activité, a enregistré une baisse de 26,9% l'année dernière. Le fort rebond de la croissance au troisième trimestre n'a pas permis de rattraper le désastre du printemps. Dans l'aéronautique et l'automobile, la situation reste particulièrement dégradée. Les grands groupes ont accusé des pertes de chiffre d'affaires colossales et les parts de marché à l'étranger se réduisent sérieusement comme l'ont montré récemment les mauvais chiffres du commerce extérieur.

> Lire aussi : Le commerce extérieur enregistre son pire déficit depuis 2012

Dans le BTP, le tableau est encore pire. Les signatures de contrats temporaires ont reculé de -28,8%, se situant  5,2 points en deça de la moyenne de l'ensemble des secteurs. Au premier confinement, la plupart des grands groupes de BTP ont dû stopper leur chantier du jour au lendemain. S'ils ont pu reprendre progressivement leur activité au cours de l'année, le dernier trimestre est resté particulièrement morose.

Du côté du commerce, la situation est légèrement meilleure. Les embauches ont reculé de 19,5%, soit 4,1 points au dessus de la moyenne. Le commerce a bénéficié de l'effet rattrapage au cours de l'été et des ventes à distance par le biais du commerce électronique. "La consommation des ménages ayant été moins heurtée en 2020 que le niveau de l'activité, l'emploi intérimaire dans le commerce a été sensiblement moins pénalisé" expliquent les auteurs du baromètre. En revanche, les périodes de confinement et de restriction ont été douloureuses pour les entreprises commerciales. En novembre par exemple, les agences ont connu un repli de 26,7% par exemple.

Le transport et la logistique limitent les dégâts

Les embauches dans le transport et la logistique ont enregistré un décrochage moins brutal que la plupart des autres secteurs (-3,8%). Ce moindre infléchissement s'explique en grande partie par l'envolée du commerce électronique et des plateformes de logistique. "Quasiment tous les secteur ont connu un affaissement. Les services qui étaient un moteur ont reculé. Seuls les transports et la logistique boostés par l'essor du commerce électronique ont porté l'intérim. Les autres secteurs sont restés dans le marasme à la fin de l'année 2020. Au final, c'est un effondrement terrible sur la seconde quinzaine de mars. Après, il y a une remontée lente avec une fin d'année en demi-teinte en raison du second confinement" a complété Isabelle Eynaud-Chevalier.

Les effets délétères du télétravail sur l'emploi temporaire dans le tertiaire

L'autre enseignement intéressant de cette étude est que le travail à distance a eu des répercussions néfastes sur l'embauche de travailleurs temporaires dans les services. En effet, quelques activités comme la comptabilité, l'assurance ont moins embauché "en raison de freins organisationnels pour la prise de poste à distance". Si la crise a eu de moindres effets dans les services, le basculement précipité et parfois improvisé du travail à distance a déboussolé beaucoup d'entreprises et de salariés. Avec le temps, les directions ont néanmoins bénéficié "d'un effet d'apprentissage" et certaines n'hésitent plus à recruter à distance. En décembre, les dégâts dans les services ont continué "en raison de la quasi-absence d'activité dans l'hôtellerie-restauration et la généralisation du télétravail dans les services aux entreprises et la finance, qui constitue un obstacle au recours à l'intérim".

Des ouvriers aux cadres, l'inquiétante chute généralisée des recrutements

Habituellement, les salariés les plus diplômés sont relativement mieux protégés en cas de ralentissement de l'activité. Au cours de cette terrible crise, aucun niveau de qualification n'a été épargné. L'examen des chiffres montre un écart relativement limité entre les ouvriers non qualifiés et les cadres (1,4 point). Parmi les niveaux les plus durement touchés viennent en premier les ouvriers qualifiés (-25,7%), puis les ouvriers non qualifiés (-23,3%), les cadres et professions intermédiaires (-21,9%) et les employés (-20,8%).

Une année 2021 difficile ?

La fédération professionnelle a dû mal à se projeter pour l'année 2021. "C'est une crise trop inédite pour faire des perspectives. Pour 2021, nous suivons mois par mois l'évolution de l'emploi temporaire" a ajouté Isabelle Eynaud-Chevalier. Pour l'instant, la plupart des économistes ont révisé à la baisse leurs prévisions économiques pour le premier trimestre. Les travailleurs temporaires devraient encore rester les variables d'ajustement.

"Le recours au travail temporaire est souvent lié à un surcroît d'activité. Les salariés intérimaires sont souvent les premières victimes de la crise et parfois les derniers bénéficiaires de la reprise" a-t-elle conclu.

De fait, si l'activité dans l'industrie est plus préservée par exemple, les embauches n'ont pas forcément suivi.

Grégoire Normand
Commentaire 1
à écrit le 11/02/2021 à 8:15
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"Le salarié de demain" dont nous martelaient les politiciens avec son travail précaire mais bon avec un bangladaiis à 80 balles par mois et un ouzbek à 150, comment pourrait il lutter. La rente a tué le travail.

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